Gemeinsam nach oben
03 Juillet 2022
Bastian Keldermann
Lorsqu’on demande à un non-allemand de citer le nom de clubs de football d’outre-Rhin, le F.C. Hansa Rostock ne figure jamais dans la liste. Et s’il l’est, c’est systématiquement en rapport avec des débordements médiatisés. Pourtant, son importance dans le paysage du ballon rond germanique n’est pas à occulter. Aujourd’hui, faisons connaissance de ce club façonné par le monde soviétique.
Une origine particulière
Le F.C. Hansa Rostock, Fußballclub Hansa Rostock e. V. de son nom complet, est un club de football basé dans la ville de Rostock, sur les bords de la mer Baltique. Son histoire est particulière et intimement lié à la politique de promotion par le sport mise en place par le pouvoir soviétique au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Tout commence en 1948, lorsque le SG Lauter est refondé sur les cendres du Lauterer SV Viktoria, dans la petite commune de Lauter, en Saxe, c’est-à-dire à un demi-millier de kilomètres de la mer Baltique. Ce modeste club change à plusieurs reprises de nom sous l’impulsion des décisions du pouvoir soviétique en RDA avant d’adopter en 1951 celui de BSG Empor Lauter.
En 1954, il est décidé dans le cadre de la promotion des sports de compétition, de fonder des clubs omnisports dans la plupart des districts de la RDA. Rostock, plus grande ville au nord de Berlin est désigné pour accueillir une de ces structures, représentant pas moins de sept disciplines. Un seul problème se pose, celui de la composition d’une équipe de football suffisamment compétitive pour jouer en première division. En effet, depuis la relégation du Motor Wismar, le nord de la RDA n’est plus représenté au sein de l’élite. La DFV (Association allemande de football) décide alors de déménager l’équipe première du BSG Empor Lauter à Rostock, au sein du SC Empor Rostock.
Il faut attendre les 60’ pour voir le football de plus en plus mis en avant par le pouvoir en place. C’est dans cette dynamique qu’en 1965, plus précisément le 28 décembre, est ratifié la dissolution de la section football du SC Empor Rostock et la création d’une toute nouvelle entité, entièrement destiné au Football, le Fußballclub Hansa Rostock. Alors que jusqu’à présent, il était de coutume en RDA de mettre en avant le nom de la société qui finançait la structure, il est décidé pour ici d’utiliser l’histoire glorieuse de la ville de Rostock en baptisant le club d’Hansa, hanse en français. Au Moyen-Age, Rostock était un membre important de la Ligue Hanséatique, une association de villes marchandes du nord de l’Europe.
Nouveau club, nouveaux moyens, mais finalement, peu de changements dans la dynamique sportive. Bien malgré lui, le club se spécialise dans l’enchainement de promotion-relégation. Cela permet néanmoins aux Ostseestädter de remplir leur armoire à trophée de cinq Liga (Seconde division en RDA) pendant les années qui suivent.
Un phare dans la nuit
Curieusement, les meilleures années du Hansa Rostock coïncide avec la réunification de l’Allemagne et la quinzaine d’année qui suit. Les Kogge remportent la coupe de RDA mais surtout la dernière édition de l’Oberliga (D1 est-allemande). L’accord passé entre les deux fédérations, celle de RDA et de RFA permet au champion et au vice-champion, respectivement le Hansa et le Dynamo Dresden, d’intégrer la Bundesliga. La transition se révèle compliqué puisque les Ostseestädter rencontrent des adversaires bien mieux armés qu’eux. Ils ne peuvent faire mieux qu’une avant dernière place et retrouvent la seconde division pour trois saisons, le temps de déconstruire son modèle obsolète et de renaitre de ses cendres. Financièrement, la situation est d’ailleurs complexes puisque jusqu’à présent, et en accord avec le modèle soviétique, Rostock était soutenu par la Kombinat Seeverkehr und Hafenwirtschaft. Il faut désormais trouver des sponsors, chose peu évidente dans la région au-regard des difficultés économiques importantes de l’ex-RDA.
Mais ce dur labeur paie. A l’issue de la saison 1994-1995, les joueurs soulève le trophée de la 2. Bundesliga et retourne dans l’élite pour ne plus la quitter avant le millénaire suivant. Etant le seul représentant de l’Allemagne de l’est, le Hansa Rostock gagne le cœur de nombreux supporters et sa présence en Bundesliga représente un véritable motif de joie et d’espoir pour une population vivant difficilement la réunification allemande.
Une longue descente aux enfers
Si Rostock se stabilise pendant dix ans en Bundesliga et devient une valeur sûre du championnat, c’est avant tout grâce à sa politique de trading. Pour équilibrer les comptes, le board se voit dans l’obligation de céder ses meilleurs joueurs chaque saison et d’investir sur des paris. Si ce fonctionnement permet de conserver une équipe relativement compétitive, le moindre petit caillou se révèle désastreux. Plusieurs paris se révèle infructueux et Rostock commence à s’endetter. De plus, le jeu peu enthousiasmant et les mauvais résultats sportifs placent le club dans un état de morosité permanent. A l’issue de la saison 2004-2005, la messe est dite et le club est relégué. Malgré une courte embellie, la situation se détériore et le Hansa s’enfonce dans la crise.
Vers 2011, le club a littéralement touché le fond. Au bord de la banqueroute, le Hansa est de retour en 3. Liga, troisième échelon national. Débute alors une longue période, particulièrement difficile à vivre pour les supporters. Afin d’assainir au mieux les comptes, la direction doit réduire au maximum la voilure, rendant l’équipe particulièrement peu compétitive. Les Ostseestädter squattent pendant plusieurs saisons la seconde moitié du classement, flirtant en permanence avec le spectre de la relégation et du cataclysme que ce serait. Chaque saison voit défiler un ou plusieurs nouveaux coachs, personne n’arrivant à se stabiliser en poste.
Un changement de cap
Lorsque débute la saison 2017-2018, le F.C. Hansa Rostock n’est plus dans la même dynamique. Le board a nommé l’ancien joueur bulgare, Pavl Dotchev a la tête de l’équipe, et des ambitions sportives font leur retour dans leurs esprits. Sous les ordres de Dotchev, Rostock réalise une belle saison, flirte avec la montée et pratique un jeu plus agréable qui pousse les supporters à revenir au stade. La saison suivante, de mauvais résultats lors du premier tier de l’exercice le condamne mais son successeur, Jens Härtel, fait encore mieux. Pendant deux saisons, il permet aux siens d’atteindre la sixième place. Son travail est cependant bien plus profond. Il rajeunit l’équipe et développe un style de jeu plus solide mais suffisamment offensif, qui s’impose à tout niveau du club, des équipes jeunes aux A.
Cette saison, et malgré les difficultés lié au covid, le technicien allemand permet au club de retrouver le succès. En effet, le Hansa clôture son exercice à la seconde marche du podium et retrouvera d’ici quelques semaines la 2. Bundesliga. Ce retour en forme permet également un retour en grâce aux yeux des supporters. Depuis l’ouverture de la billetterie, le club n’a jamais connu pareille demande d’abonnement.
Et maintenant?
Au Hansa Rostock, l’objectif est clair. Il faut retourner en Bundesliga. Mais pas n’importe comment. Le club confirme par ses actes avoir appris de ses erreurs. La nouvelle gestion financière rigoureuse a permis d’épurer une partie des dettes, l’accent a été remis sur la formation des jeunes, un élément central de la culture de l’équipe et Jens Härtel semble avoir toujours autant de ressource pour faire progresser ses hommes. De plus, le club reste une place forte du football allemand, et ce, malgré ses nombreuses années difficiles. Suivi par environ 1.7M de personnes, le Hansa est par ailleurs le septième club comptant le plus de membres en Allemagne.
Il faudra se montrer patient, Rome ne s’est pas fait en un jour. Mais l’espoir peut renaitre au cœur des suiveurs du Hansa. Car la dynamique n’a jamais été aussi positive.