Juin 2017 : Introduction
Sochi
Je profite d’une fin de printemps 2017 au bord de la mer Noire, dans la magnifique ville de Sochi où le président de toutes les Russies m’a octroyé un immense condominium dans la Putin Tower située dans les quartiers chics – et sécurisés – de la capitale olympique de 2014. Récompenses pour service rendus à la Nation, la Russkaya mat’. Je n’en dirai pas plus…
Je mérite bien quelques vacances après deux années et demi passées en MLS, avec de francs succès à la tête du D.C. United, l’équipe de la capitale fédérale états-unienne. Un Trophée des Supporters, une Coupe MLS et une Ligue des Champions de la CONCACAF.
J’ai cependant dû quitter mon poste à la tête du Black-and-Red un peu précipitamment, à la suite des enquêtes du FBI sur les ingérences russes lors des dernières élections présidentielles. Clairement, le FBI cherche un coupable, russe et connu de préférence. Il faut un exemple.
Les Démocrates voulaient voir des têtes tomber, des grands noms dans l’entourage proche du président Trump, qui m’est un ami personnel, comme sa fille Ivanka et son gendre Jared. Les Républicains de leur côté, surtout les calotins dans leur rang, salivaient à l’idée de me sacrifier, gênés par l’image de stupre que renvoyaient de moi les journaux à scandale. Les gossips allaient bon train : les belles femmes en latex noirs, les wicked vixens, que nombre d’élus républicains et de membres du clergé côtoyaient pourtant régulièrement, étaient devenues une raison de me faire choir. Les prêches incendiaires des gardiens de la vertu républicains me mettaient en danger.
Bref, il était temps de prendre des vacances et d’oublier de revenir, le temps que tout cela se tasse.
Nereida aussi avait préféré fuir, ainsi que mon amie mexicaine Mariana,. rencontrée il y a quelques temps à Cancún pour ceux qui ont bonne mémoire. Dans l’Amérique de Trump, il fait mauvais être mexicain ou russe et être dans la ligne de mire du FBI…
C’est un couple d’amis qui nous a aidés à fuir : Phillip et Elizabeth Jennings.
Cap Idokopas, Guelendjik
Ayant eu vent de ma présence dans la région (Sochi est à moins de 300 km de Guelendjik), le président m a convoqué plus tôt cette semaine. Il a une affaire à me proposer, paraît-il…
C’est le président en personne qui m’accueille dans la banlieue de Krasnodar, au Cap Idokopas de Guelendjik, dans la somptueuse résidence estimée à $350M mise à sa disposition par un certain Alexandre Ponomarenko.
Alexandre Ponomarenko est un milliardaire qui a fait fortune en tant que président du port commercial de Novorossiisk. C’est lui aussi, avec son associé Arkady Rotenberg, un ami d’enfance du président, qui ont remporté l’appel d’offre pour le développement de l’aéroport de Cheremetievo, principal aéroport international de Moscou. Ces deux lascars pèsent lourd : Ponomarenko est la 782e fortune du Monde avec $2.7Mrd alors qu’Arkady Rotenberg ne figure pas dans le top 1000 avec un piètre $2.4Mrd de fortune selon Forbes.
Une toute petite datcha sans fioritures ni confort excessif, exemple de simplicité volontaire, à l’image du président et de ses amis oligarques quoi…
Le président s’enquiert de mon voyage, toujours très prévenant. Mes derniers jours à Washington ont provoqué des remous jusqu’à Moscou, m’apprend-t-il.
« Nous n’aimons pas perdre nos meilleurs agents. »
Les civilités passées, nous entrons dans une petite salle de conférence, où nous attend un homme grand, de mon âge environ. Je ne le reconnais pas tout de suite, mais le président a tôt fait de me le présenter :
« Je vous présente Sergey Galitsky, un de mes amis. »
Sergey Galitsky ! Un autre oligarque, des plus puissants celui-là, qui a fait fortune dans le magasin de détail (le Wal-Mart russe Magnit), sans aide gouvernementale ou presque.
Ce n’est donc pas un oligarque à proprement parler, mais plutôt un tout grand homme d’affaires, la 138e fortune du Monde. C’est aussi le président-fondateur du club de Krasnodar, situé à quelques dizaines de kilomètres d’ici.
La discussion est fort agréable. Cet homme est vraiment intéressant. Il a développé la meilleure académie de jeunes du pays, qui peut se comparer avec des clubs comme le Barça, le Bayern et l’Ajax. Pourtant, en 9 saisons, le club n’a accroché aucun titre encore. Pas même lors de leurs promotions de 2008 et 2010. Les infrastructures sont là, l’argent est là, mais rien… Même pas une vraie pépite malgré les infrastructures de formation.
Il finit par sortir la phrase que j’attendais :
« Gospodin Beaubienov, voulez-vous devenir le prochain entraîneur des Tcherno-Zélènié ? »
Il m’a laissé quelques jours de réflexion…