Réponse aux lecteurs
@Sythax je ne suis pas assez fort avec lâĂ©diteur pour savoir si on peut lâenlever. Mais en effet, câest bien pĂ©nibleâŠ
@volatil Et câest pas fini 
@CaptainAmericka Le téléphone au volant, non ! Je ne veux pas ta mort sur la conscience 
@ZiyadFCM surtout quâun pigeon ne fait pas le poids face Ă un phacochĂšre 
@Rhino Merci Î grand modo adoré
(quel suce-boule ce Toopil)
Le journal de la CAN 2035: épisode 1
01 Décembre 2035, Nkongsamba (Cameroun)
Lâavion en provenance de Lagos atterrit enfin Ă Nkongsamba, enveloppĂ© dans une moiteur oppressante. Sur le tarmac, les officiels camerounais accueillaient la dĂ©lĂ©gation nigĂ©riane avec les honneurs, tandis que les joueurs Ă©tiraient leurs jambes aprĂšs le vol. Toopil descendit de lâappareil avec assurance, lunettes de soleil sur le nez, un petit sourire satisfait au coin des lĂšvres. Son premier grand tournoi Ă la tĂȘte des Super Eagles. Il voulait marquer lâhistoire.
Il avait pris pour cela un groupe rompu aux joutes EuropĂ©ennes. Aucun nâĂ©voluait dans le championnat local. Victor Eletu (du Milan AC) Ă©tait la grande star de lâĂ©quipe.
LâhĂŽtel oĂč rĂ©sidait lâĂ©quipe Ă©tait un cinq Ă©toiles ultra-moderne, avec une piscine Ă dĂ©bordement et une vue imprenable sur la ville. Mais Toopil nâaimait pas rester enfermĂ©. AprĂšs avoir laissĂ© ses valises dans sa chambre, il dĂ©cida dâaller explorer le marchĂ© voisin. Lâodeur du poisson grillĂ© et des Ă©pices lui chatouillait dĂ©jĂ les narines. Il adorait cette ambiance, ces bruits, ces couleurs. Peut-ĂȘtre y trouverait-il un souvenir Ă ramener chez lui, en Nouvelle-ZĂ©lande, un gri-gri, un bracelet artisanal, ou un simple goĂ»t dâaventure.
Le marchĂ© Ă©tait un festival de vie. Des vendeurs criaient leurs prix, des enfants couraient entre les Ă©tals, des poules picoraient le sol Ă la recherche de miettes. Toopil se laissait porter par cette agitation joyeuse lorsquâun homme surgit devant lui. DrapĂ© dans une tunique rouge dĂ©lavĂ©e, parĂ© de colliers de coquillages et tenant un bĂąton sculptĂ© dans chaque main, le vieillard le fixa avec intensitĂ©.
« Toi, lâĂ©tranger, ton destin est en Ă©quilibre sur la lame du temps », murmura-t-il dâune voix rauque.
Toopil haussa un sourcil. Et se mit Ă rire: « Oh, carrĂ©ment. Jâai droit Ă une prophĂ©tie en bonus ? Allez, grand marabout, dis-moi : vais-je gagner la CAN ? »
Et Toopil explosa de nouveau de rire. Le sorcier ne broncha pas. Il agita son bĂąton dâun geste lent et traça des symboles invisibles dans lâair.
« Les mots sont puissants, mais plus encore les rires. Moque-toi du destin, et le destin rira de toi. »
Toopil croisa les bras, amusĂ©. « Ăcoutez, monsieur, jâadore le folklore local, mais je suis un homme de terrain, pas de sortilĂšges. »
Le vieillard le fixa encore un instant, puis lùcha dans un souffle : « Rira bien qui rira demain. »
Puis, dans un mouvement presque irrĂ©el, il pivota sur lui-mĂȘme et sâĂ©loigna en silence, disparaissant dans la foule. Toopil secoua la tĂȘte et reprit sa promenade. Il avait bien dâautres prĂ©occupations que les Ă©lucubrations dâun vieux sorcier.
02 Décembre 2035, Nkongsamba (Cameroun)
Le rĂ©veil sonna et Toopil sâĂ©tira longuement. Une nouvelle journĂ©e commençait, et avec elle, la prĂ©paration du premier match contre le Gabon. Il bailla, sâassit sur le bord du lit, se leva, alla Ă la douche puis alla devant la porte de la chambre voisine et appela son adjoint. Il voulu dire: « Franck, on se boit un cafĂ© ? »
Mais ce qui sortit fut :
« à doux breuvage noir, nectar du matin clair,
Verse-toi dans mon corps et chasse mon sommeil amer ! »
Toopil cligna des yeux. Il secoua la tĂȘte et tenta une autre phrase: « Jâai faim, il me faut du pain et des Ćufs⊠»
Mais ses lĂšvres prononcĂšrent :
« Mon ventre en désarroi réclame une pitance,
Quâun mets providentiel vienne apaiser lâabsence ! »
Il porta une main tremblante Ă sa bouche. Quâest-ce qui se passe ?
Le staff rigolait en voyant Toopil faire des vers mais lâauteur de cette poĂ©sie Ă©trange ne rigolait pas du tout.
La conférence de presse de la matinée fut un désastre absolu.
« Coach Toopil, vos ambitions pour cette CAN ? »
Toopil inspira profondĂ©ment, voulant simplement rĂ©pondre : « Nous voulons aller le plus loin possible. » Mais Ă la place, il dĂ©clama dâun ton théùtral :
« Guerriers dâun fier pays, lâheure est enfin venue,
Que sâĂ©lĂšvent nos cĆurs vers la gloire attendue ! »
Les journalistes échangÚrent des regards incrédules. Certains essayaient de contenir leur rire.
« Coach, comment comptez-vous gĂ©rer la pression ? » tenta lâun dâeux.
Toopil essaya de résister, de parler normalement. Peine perdue.
« La pression nâest quâun vent, un souffle insignifiant,
Nos ùmes de lions braves rugissent en avant ! »
Un journaliste explosa de rire suivi des autres. Toopil ferma les yeux, désespéré.
Ă lâentraĂźnement, ce fut un cauchemar absolu.
« Ăcoutez-moi, joueurs, il faut garder lâeffort,
Que le ballon circule tel un cours dâeau qui dort ! »
Les joueurs sâarrĂȘtĂšrent, perplexes.
« Coach, vous pouvez parler normalement ? » demanda Eletu.
Ce à quoi répondit Toopil:
« Si je pouvais, mon fils, je le ferais sans peine,
Mais le sort mâa liĂ© Ă ces rimes malsaines ! »
Silence. Puis lâĂ©clat de rire gĂ©nĂ©ral.
Toopil se prit la tĂȘte entre les mains. Il Ă©tait foutu. Il nâavait plus quâĂ espĂ©rer que ce sort soit rompu avec la nuit Ă venir. Aussi, il se coucha Ă 20h30, plein dâespoir.
03 Décembre 2035, Nkongsamba (Cameroun)
Veille de match contre le Gabon. DĂšs le lever, Toopil voulait sâessayer Ă une phrase. Il se regarda et voulu dire: « tu es guĂ©ri » mais ce qui en sorti fut: « Ă fiĂšvre vagabonde, hors de ce corps fuis-ci ! »
Il nâĂ©tait pas guĂ©ri.
Toopil voulait faire un briefing sĂ©rieux mais il savait quâil en avait lâimpossibilitĂ©. Il sâĂ©claircit la gorge et fixa ses joueurs.
« Demain, mes chers amis, nous entrons en combat,
Que lâennemi se plie sous lâĂ©clair de nos pas ! »
Raphael leva timidement la main.
« Coach⊠on doit jouer en bloc bas ou pressing haut ? »
Toopil serra les poings, lutta contre lui-mĂȘme et tenta de rĂ©pondre clairement : « On joue haut et on presse vite. »
Mais ce qui sortit fut :
« Allez, mes jeunes fauves, bondissez sans retard,
Que leur dĂ©fense sâeffondre sous votre art ! »
Silence. Puis Ahmed demanda en chuchotant Ă Kingsley :
« Il a dit quoi, là ?
â Jâsais pas, frĂšre⊠un truc avec lâart et un fauve. Je comprends rien. »
DĂ©sespĂ©rĂ©, Toopil dĂ©cida dâaller voir le mĂ©decin de lâĂ©quipe.
Le docteur Ă©couta son problĂšme sans broncher. Puis il hocha la tĂȘte.
« Vous devez dormir avec des crocs de lion entre les orteils. Câest un sortilĂšge de marabout, ça marchera. Soyez-en sĂ»r, coach. »
Toopil plissa les yeux et dit: « Ă vent du mal commis, efface-moi dâici ! »
« Vu comme vous ĂȘtes atteint⊠Câest la seule solution. » rĂ©pondit le mĂ©decin qui lui donna huit crocs de lion.
Demain, il devait coacher un match crucial. Et il Ă©tait toujours possĂ©dĂ© par un dictionnaire de poĂ©sie. Il avait besoin dâun miracle. Alors il se coucha avec les crocs de lion, espĂ©rant se rĂ©veiller dans son Ă©tat normal.