Dâici quelques instants, nous allons pĂ©nĂ©trer dans un Red Bull Arena complĂštement comble. Nous sommes plutĂŽt confiant, contrairement Ă nos adversaires. Une victoire nous assurerait la qualification pour la suite de la compĂ©tition, ce qui est loin dâĂȘtre acquis pour les espagnols. Alors que je craignais dâĂȘtre cantonnĂ© au banc, câest finalement sur le prĂ© que je serai, bien aidĂ© par la petite gĂȘne Ă la cuisse ressenti par mon rival lors de lâĂ©chauffement.
On nous fait signe dâavancer. Les cohortes de joueurs se mettent en marche. Je respire un grand coup et, suis mes coĂ©quipiers. Comme toujours Ă la sortie du tunnel, je suis aveuglĂ© pendant quelques instants par les lumiĂšres. Tant mieux. Cela mâĂ©vite de voir tout ces gens, amassĂ©s dans les gradins. Pas que cela ne me fait pas plaisir non, mais câest assez oppressant de voir plus de soixante milles personnes les yeux braquĂ©s sur toi Ă chaque touche de balle.

DĂšs les premiĂšres minutes, la bataille tactique se met en branle. A lâinstar de lâĂ©quipe de Guardiola, nous aimons avoir la possession du ballon. DĂšs lors, le jeu reste assez bien cantonnĂ© aux alentours du rond central tant il est compliquĂ© pour lâAtletico comme pour nous dâarriver Ă ressortir le ballon suffisamment proprement que pour en faire quelque chose.
Vers la 25e minute de jeu, aprĂšs avoir reçu le cuir venant de ma droite, de Yussuf Poulsen, jâĂ©limine un premier joueur espagnol, me dĂ©barrasse dâun second dâune petite feinte avant de servir Yorbe, mon meilleur ami, dâune pichenette. ContrĂŽle orientĂ©, il se met sur son pied droit et trompe Jan Oblak dâune frappe vicieuse car bourrĂ©e dâeffet.
Nous lui sautons tous dessus. VĂ©ritablement, il rĂ©alise un excellent dĂ©but de saison. Câest bien pour ça quâil est titulaire Ă la place de Timo Werner.
JusquâĂ la pause, nous tentons dâalourdir le score, sans succĂšs. Les espagnols ferment bien le jeu derriĂšre et Ă©voluent dans un bloc compact au moment de la perte de balle qui nous empĂȘche de progresser suffisamment que pour nous montrer dangereux, autrement que par des frappes lointaines.
Câest au retour des vestiaires que tout sâaccĂ©lĂšre. Nous connaissons deux situations de but que ni Forsberg ni moi ne parvenons Ă conclure. Dans la foulĂ©e, les visiteurs connaissent un beau temps fort qui les voit Ă©galiser par lâintermĂ©diaire du joueur français, Thomas Lemar. Ce dernier, auteur dâun rush solitaire, se dĂ©barrasse de nos deux centraux avant de lober Peter Gulasci. Tout est Ă refaire.
Moins de 10 minutes plus tard, Yussuf Poulsen intercepte une mauvaise passe de nos adversaires. Sans plus attendre, le danois accĂ©lĂšre brutalement, Ă©vite la charge dâun dĂ©fenseur et frappe en force. But. 2-1. Dans les tribunes, câest la folie, comme toujours. Les chants sâenchaĂźnent, toujours plus fort, toujours plus encourageant. Mais, malgrĂ© le soutien des notres, nous ne parvenons pas Ă nous mettre Ă lâabri et câest sur ce score que lâarbitre siffle la fin du match, aprĂšs quelques minutes de temps additionnel. Quâimporte, lâobjectif est atteint. Nous sommes assurĂ©s dâĂȘtre prĂ©sent au premier tour Ă Ă©limination directe.
Quatre jours aprĂšs la rencontre de Ligue des champions, nous prenons la route pour Berlin. Nous devons affronter le Hertha Berlin. En avant-match, je suis particuliĂšrement de bonne humeur, comme depuis plusieurs jours. Et la raison est simple : Je vais faire mon retour chez les diables rouges. AprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©cartĂ© pour la Coupe des confĂ©dĂ©rations en juin/juillet, blessĂ© pour les rassemblements de septembre et octobre, je vais enfin retrouver mes compatriotes. Jâai hĂąte. Leander Dendoncker sera aussi du voyage. MalgrĂ© quâon se soit auparavant frĂ©quentĂ© en sĂ©lection, je ne le connais pas si bien. Partir avec lui peut ĂȘtre sympa.

Comme nous nous attendions, les locaux mettent directement un gros impact physique, se montrant trĂšs agressifs Ă la rĂ©cupĂ©ration du ballon. Nous Ă©prouvons de vives difficultĂ©s Ă dĂ©velopper notre jeu de possession et pour contrer le pressing, nous nous lançons dans plusieurs offensives Ă base de longs ballons, sans vraiment de succĂšs. Ce nâest pas notre fort je crois. CoincĂ© entre les deux centraux et leur milieu dĂ©fensif, jâai bien du mal Ă proposer quelque chose, surtout quâil nây a que trop peu de mouvement chez mes partenaires de lâattaque.
La seconde pĂ©riode commence comme la premiĂšre. Nous subissons le jeu costaud de nos adversaires et petit Ă petit, nous reculons. Nous connaissons bien lâune ou lâautre situation chaude, mais nous ne parvenons pas Ă les concrĂ©tiser.
Peu avant lâheure de jeu, je reçois le ballon assez bas, alors que je suis dans le rond central. Je me retourne, sert Yussuf Poulsen sur ma droite. Le danois Ă©tire le jeu en sâĂ©cartant vers la ligne de touche avant de le renverser par une longue transversale au profit de Bruma. Lâailier rĂ©cupĂšre le ballon grĂące Ă un petit sprint avant de centrer en retrait, lĂ oĂč je me suis avancĂ©, au dĂ©but du grand rectangle. Je saute afin de rĂ©cupĂ©rer le cuir de la tĂȘte. Un dĂ©fenseur berlinois fait de mĂȘme et me dĂ©gage dâun bon coup dâĂ©paule. Je retombe mal sur mon pied gauche. Je sens mon genou faire un mouvement peu orthodoxe.
Immédiatement, les soigneurs arrivent. La bombe analgésique ne fait rien. Je me vois contraint de céder ma place. Je fulmine.
Fait chier putain ! me dis-je.
AppuyĂ©s sur un membre du staff, je retourne vers le cĂŽtĂ© du terrain. Philipp Lahm fait une petite moue en ma direction avant de se concentrer sur le jeu qui reprend. Pas question de rester, jâai beaucoup trop de colĂšre en moi. Clopinant, je rentre au vestaire. Tant pis pour la fin du match. Je ne verrai pas Yussuf Poulsen inscrire un doublĂ©.


En rentrant de ma sĂ©ance de kinĂ©, je retrouve mon tĂ©lĂ©phone que jâavais oubliĂ© sur la table du salon. Lâappareil indique que jâai plusieurs messages non lus, tous de Lisa.

« DĂ©solĂ©e dâĂȘtre partie si tĂŽt »
« Tu sais, le boulotâŠÂ »
« Jâai bien vu ton mot. Pas de soucis »
« Mais merci pour cette nuit. CâĂ©tait magique »
« Merci à toi Lisa »
« On remet ça quand tu veuxâŠÂ »
Je ne devrais pas ĂȘtre de ce dĂ©placement. Schalke nâest que 9e, ce nâest pas une grosse Ă©quipe. Puis, je nâai repris lâentrainement quâil y a quelques jours. Jâaime jouer, plus que tout au monde, je dĂ©teste ĂȘtre cantonnĂ© au banc, mais ici, limite je prĂ©fĂ©rerai. Je ne suis pas encore Ă 100% de mes capacitĂ©s, je le sens. Puis, au plus profond de moi, je sens que quelque chose va arriver. Câest ridicule de se dire ça avant mĂȘme le dĂ©but de lâĂ©chauffement, mais jâai un mauvais pressentiment.
Mais comme me lâa dit le coach hier, nous faisons face Ă une cascade de blessĂ©s, il a besoin de moi. Bruma, Emil Forsberg et Yussuf Poulsen sont blessĂ©s tandis quâHannes Wolf est suspendu. AprĂšs moi, il nây a plus que le jeune Marcel BĂŒnger sur le banc pour supplĂ©er les postes de milieux offensifs.

17 minutes. 17 foutu minutes. 17 putains de minutes !
17 minutes, câest le temps que jâaurai tenu sur le terrain. A peine le temps de faire tourner en bourrique quelques joueurs avec lâun ou lâautre petit geste technique, Ă peine le temps de servir de point dâappui et dâorienteur de jeu.
Câest sur la fin dâun sprint, au moment de disputer une passe en profondeur un peu trop appuyĂ© que la douleur se fait ressentir dans ma cuisse gauche.
Pas ça, pas encore.
Avant mĂȘme de voir un soigneur, je sais ce que câest. Ce nâest pas comme si jâen avais eu plusieurs ces derniers mois.
Furieux, je sors du terrain, tape dans la main de Marcel BĂŒnger qui me remplace et file au vestiaire. Trop de pression, trop de colĂšre en moi. Et lĂ , dans le couloir, je craque. Je donne un violent coup de poing contre la porte. Mauvaise idĂ©e. Une vive douleur fait son apparition. Les membres du staff prĂ©sents avec moi essayent de me calmer en discutant. Le coup mâa fait du bien, ça mâa permit de relĂącher la pression.
Rapidement, un des mĂ©decins du club arrivent et mâausculte. Comme je le craignais, câest dâune Ă©longation que je souffre, encore une fois. Pour ma main, il pense que jâai un doigt de cassĂ©. Pas difficile Ă deviner vu sa belle couleur bleue. En attente dâexamen complĂ©mentaire demain, je me retrouve avec un beau pansement pour maintenir mon majeur et mon annulaire gonflĂ© ensemble tandis quâune poche de glace vient se coller Ă ma cuisse.