2018-10-05T22:00:00Z
Une semaine après,
Blessin décide de me titulariser de nouveau sur l’aile droite pour la réception des U19 de Hambourg. Dès le début de la rencontre, nous nous montrons déchaînés. Grosse possession, nombreuses combinaisons avec mes compères de devant,
Jean Holm et
Fontaine mais pas de but. Nous nous montrons vraiment maladroit, surtout moi. A deux reprises, je manque l’immanquable, me lançant dans le petit grigri de trop. Malgré l’ouverture du score par notre pointe, je vois du coin de l’œil que le coach fulmine.
A la mi-temps, je me prends un savon du coach.
«Joue avec les autres ! Tu n’es pas seul sur le terrain.»
Je baisse la tête, piteusement. Je déteste être épinglé comme ça.
Nous remontons sur le terrain, plein de bonnes intentions. Mais cela ne se passe pas comme prévu. Pile à la 50e, je suis remplacé par Oliver Bias, mon rival numéro 1, sans avoir rien montré de mieux. Si la victoire est au bout pour nous, elle a un goût amer.
Dès la fin de la rencontre, je prends ma douche et je pars. Les autres traînent souvent ensemble après les matchs mais pas moi. Si je fais des progrès inimaginable en allemand et que je commence à comprendre de mieux en mieux ce qui est dit, je ne parle jamais aux autres. Et eux ne me calculent pas, excepté Noah Jean Holm. Je sais que certains n’apprécient pas que je puisse m’entraîner avec les A et pas eux. La solitude est là , et elle fait mal.
En passant la porte de l’appartement, je jette mon sac. Frank est là , tout sourire.
«La gloire arrive Tom !» dit-il en ouvrant une bière.
Je ne suis pas d’humeur à ses blagues. Depuis ma sortie du terrain, je rumine sur ma prestation décevante. Mon frère me regarde d’un air interrogatif tout en me tendant un verre. De la Guinness, ma bière préférée. Ça va faire du bien au moral ça.
«Tom, tu es convoqué pour le rassemblement des espoirs. C’est fantastique !»
Je suis sur le cul. Je m’attendais à tout sauf à ça. Je me laisse tomber dans le fauteuil. Ma mauvaise prestation est oublié. Je ne pense qu’aux diablotins. Si j’avais disputé un match chez les U19, je ne pensais pas que la porte me serait si vite ouverte chez les espoirs.
2018-10-10T22:00:00Z
J’ai rejoins la Belgique le 9 octobre. Quel bonheur de retrouver son pays. C’est con, le climat est le même, la grisaille est la même, les gens se ressemblent mais pour moi c’est différent. Nous avons directement pris l’avion pour la Slovaquie. Lors du vol, j’ai retrouvé Yorbe Vertessen avec qui j’avais évolué chez les U19. J’avais oublié à quel point il est sympa. Tout le long du vol et des transferts, nous avons discuté de notre expérience de l’étranger, lui étant au PSV, au Pays-Bas.
Il n’était pas prévu que je joue. Le coach,
Johan Walem m’avait prit pour faire le nombre. Mais plusieurs blessures lui font changer ses plans.
Lors de l’échauffement,
Charly Musonda se blesse. Claquage. Après avoir discuté avec son staff, le coach se tourne vers moi, et me fait signe de me mettre en tenue pour jouer pendant qu’il nous donne les dernières consignes.
Le match commence sur les chapeaux de roue. Je suis positionné sur l’aile droite d’un 4-3-3. Et dire qu’avant je ne jouais qu’en pointe ou en soutien de l’attaquant. Les slovaques mettent directement la pression, se montrant durs sur l’homme. Malgré mon mètre 82, j’éprouve beaucoup de difficulté à exister face au défi physique imposé par l’arrière garde.
Peu de temps avant la mi-temps, la situation est encore plus délicate puisqu’ils ouvrent le score. La véritable tuile. Je suis lessivé. Lorsque l’arbitre siffle la fin de la première partie, je me laisse tomber au sol. Il fait sacrément lourd aujourd’hui et j’en souffre. C’est
Yorbe qui vient m’aider à me relever.
«Baisse pas les bras mon pote.»
Mon pote. Première fois depuis des semaines, des mois, que quelqu’un m’appelle comme ça. Un sourire se dessine sur mon visage et j’attrape sa main tout en poussant sur mes pieds.
Dans le vestiaire, le coach se montre compatissant avec nous. Il nous encourage à tout donner. Une place pour l’Euro est en jeu.
Nous remontons sur le terrain avec de meilleures intentions et dès la reprise, nous prenons le jeu à notre compte. A la 60e, Yorbe rentre en lieu et place d’Azzaoui. Presque vingt minutes plus tard, je récupère la balle au milieu de terrain et le lance dans la profondeur. Arrivant à toute vitesse plein axe, il m’offre la balle du but d’une superbe talonnade. Comme au ralenti, je vois la balle rouler vers moi. Je ne réfléchis pas une seule seconde et tire en puissance, sans aucun contrôle. But. Je me jette sur Yorbe. Il aurait pu la mettre au fond mais avait préféré assurer le coup.
C’est sur ce score de 1-1 que nous terminons la rencontre. Mais quel match pour moi. Un but pour ma première sélection espoir. Je suis aux anges.
2018-10-14T22:00:00Z
Entre les deux rencontres des diablotins, on a resserré nos liens avec Yorbe. Pendant nos temps libres, on traînait ensemble, discutant de tout et de rien. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été proche comme ça avec quelqu’un. Ça fait du bien.
Profitant des états de forme compliqués des attaquants de l’équipe, je brigue une seconde titularisation consécutive sur le flanc droit, bien aidé par ma bonne prestation.
Dès les premières minutes, je sens que ce ne va pas aller. Mon mollet gauche me tire de nouveau. Tant pis. Je vais rien dire et faire de mon mieux pour aider l’équipe. Mais c’est compliqué. Chaque accélération me fait grimacer. Je suis absent des débats, toujours hors-temps. Heureusement,
Dimata assure un peu plus dans le marasme de notre prestation.
La mi-temps est un soulagement. A peine assis dans le vestiaire,
Johan Walem, notre coach prend la parole.
«Julien, va t’échauffer. Tom, tu sors.»
Pas un regard, un geste, rien du tout. Je suis assis en silence et je vois Julien NGoy sortir se préparer à prendre part à la seconde mi-temps. J’enfile un survêtement et je vais directement rejoindre Yorbe sur le banc. D’un côté, je suis frustré d’être écarté, mais de l’autre, ça me fait du bien de ne plus bouger. Quel mollet de merde…
2018-10-14T22:00:00Z
Lorsque le réveil sonne à 08h00, je ne rêve que d’une chose : le lancer le plus loin possible et continuer de dormir. Mais je ne peux pas, j’ai un avion à prendre pour rentrer en Allemagne. J’aurai aimé retourner sur Liège, revoir mes amis, mais je ne peux pas. J’ai déjà trop de retard sur mon travail scolaire. Puis, ces gens que j’appelle mes amis, ils ne m’ont pas envoyé un seul message depuis mon départ chez nos voisins. Je crois qu’on est pas si pote que ça au final.
Entre deux phases de déprime, je remarque un point positif : mon mollet ne me tire presque plus aujourd’hui. Parfait. J’ai entrainement avec les U19 cette après midi et je veux faire bonne impression pour être reprit pour la prochaine rencontre.
La séance de l’après midi se passe bien. Mon mollet me laisse en paix, le coach se montre satisfait de moi et je ne ressens aucun coup de mou pendant comme j’avais pu avoir auparavant. Mais le retour chez moi me rappelle que je suis seul. Personne ne m’attend à l’appartement.
Frank est en vacances avec sa nouvelle copine, ma mère est à Liège et mes coéquipiers traînent dans leur coin.
Tout en regardant la télévision, je me demande si j’ai bien fait de venir en Allemagne. Pour la première fois, je me questionne véritablement sur ce que je fais. Pourquoi être venu ? Est-ce que je vais pouvoir faire quelque chose ? Pourquoi je ne profite pas de la chance que j’ai ? C’est sur ces questions que je m’endors péniblement, tardivement, seul devant cet écran allumé.
2018-10-19T22:00:00Z
Premier déplacement pour moi avec les U19. A 07h00, nous prenons la route en car pour Havelse, à presque 300km de Leipzig. Je profite du trajet pour travailler un peu sur mes cours. Du coin de l’œil, je regarde mes coéquipiers. Certains étudient comme moi, d’autres dorment et d’autres discutent entre eux. J’aimerai parfois être avec eux mais ce n’est pas le cas. C’est surement de ma faute, je ne suis pas vraiment sociable mais parfois je le regrette. Heureusement, Yorbe Vertessen est là , malgré la distance. Depuis la fin du rassemblement, on parle souvent par SMS.
Quel match solide ! Dès le début, nous lançons les hostilités en mettant le pied sur le ballon. Le trio que je forme avec
Nicolas Fontaine et
Noah Jean Holm semble de plus en plus performant. Nous commençons à avoir l’habitude de jouer ensemble et c’est simple de combiner ensemble. Très vite, le français sort sur blessure et c’est
Oliver Bias qui le remplace. L’allemand se montre intraitable sur le côté gauche, délivrant une passe décisive et inscrit même le troisième but. Pour ma part, pas de but, mais 90 minutes de jeu sans douleur et deux passes décisives à mon compteur sur le premier et le dernier but. D’abord d’un centre à l’issu d’un long débordement et ensuite sur une passe en profondeur.
2018-10-26T22:00:00Z
Après le 2e tour de la Coupe junior disputé et remporté mercredi face à l’Eintracht Frankfurt, match auquel j’ai assisté depuis les tribunes, nous revoilà en route pour Osnabrück avec l’objectif de faire un grand match pour nous rapprocher de la 1ere place au classement.
Comme pour les rencontres précédentes, je débute sur le flanc droit. Je commence à m’y faire à ce poste. Je pensais juste là qu’il n’y a que l’axe qui me plaisait mais non. En partant de plus loin, je me sens plus libre de jouer comme bon me semble.
Après quelques minutes de jeu, il est clair que seule la victoire est envisageable. Nos adversaires semblent dépassés techniquement et tactiquement. Très vite, c’est par l’impact physique qu’ils essaient de nous arrêter. Vers la 20e minute de jeu, mon vis-à -vis me tacle assez sévèrement, les deux pieds bien décollés. Directement, l’arbitre lui donne un avertissement. Quelques minutes après, il récidive, dans la même position. La colère monte en moi. Je me relève d’un coup et le repousse assez violemment. Très vite, nous sommes entourés de nos coéquipiers respectifs qui nous séparent. Cette fois-ci, l’arbitre sévit et sort son carton jaune, pour lui et pour moi.
«Reste calme Tom. Laisse tomber, ils font pas le poids.» me dit alors Nicolas Fontaine
Nous reprenons place, déterminé à marquer au plus vite. Mais nous butons à plusieurs reprises sur leur gardien qui est dans une forme olympique. Finalement, c’est Jean Holm qui ouvre le score d’une superbe tête sur corner.
Lors de la seconde période, il récidive, d’abord sur penalty puis deux buts coup sur coup. Et je suis de la dernière passe pour ces deux pions, à chaque fois sur des combinaisons rapides en une touche. Après le 4e but, je suis sorti par le coach pour Oliver Bias.
«Bien joué Tom.»
C’est une simple phrase, mais elle fait plaisir. Donner satisfaction à son entraîneur, ça n’a pas de prix lorsqu’on veut prouver ce qu’on vaut. J’enfile mon survêtement et je m’installe sur le banc pour assister aux dix dernières minutes de la rencontre.
Peu de temps après m’être assis, mon voisin me tapote l’épaule. C’est Tom Krauß, un milieu central qui lui aussi s’entraîne avec les A, même s’il joue principalement avec nous.
«Ce soir, on va à la soirée de Molly. Tu veux venir avec nous ?» me dit-il.
Je suis surpris. C’est la première fois je pense qu’il m’adresse la parole en dehors du terrain ou d’un entrainement.
«C’est qui Molly ? Et qui vient ?»
«Une pote à moi. On y va avec Fabrice et Erik» me répond-il en applaudissant une action ratée de nos coéquipiers toujours sur le terrain. «Je peux compter sur toi Tom ?»
J’acquiesce d’un hochement de tête. Fabrice Hartmann et Erik Majetschak sont comme nous, des jeunes qui s’entraînent avec les A mais jouent avec les U19. Même si j’ai peu parlé avec eux, ils ont l’air sympa.
2018-10-27T22:00:00Z
Le soleil est déjà haut quand je me réveille. Sans avoir ouvert les yeux, je sais que quelque chose n’est pas normal. Le lit est si dur, il y a comme des pointes. J’ouvre les yeux péniblement. Tout tangue et devient plus ou moins flou autour de moi. Je m’assieds lentement et contemple le massacre. C’est sur du gravier que j’ai dormi, à la belle étoile malgré la fraîcheur de nos nuits d’automne. Des cadavres de bières sont tout autour de moi. Ainsi qu’une épée en plastique. et c’est dans une cape, nouée autour de mon cou, que je me suis emballé pour me reposer. Qu’ais-je fais ?
Au moins, je sais que je ne suis pas partout Dieu sait où. La salle où avait lieu la fête est à quelques dizaines de mètres sur ma droite. J’essaie de rassembler mes souvenirs. Je me rappelle avoir retrouvé mes coéquipiers devant chez moi. C’est
Erik qui nous conduisait. Arrivé sur place, j’étais plutôt stressé de ne connaitre personne. Alors j’avais bu au rhum. Un verre, rapidement suivi d’un deuxième, d’un troisième puis d’un quatrième. Peut-être deux heures après notre arrivée, j’étais complètement dans un autre monde.
Ça y est je me souviens maintenant. Complètement déchainé à cause de l’alcool, j’avais décroché du mur une parfaite panoplie du petit chevalier et je l’avais enfilé pour faire rire les filles qui traînaient avec nous. Je ne suis pas convaincu que ce fut une grande réussite. Puis après, trou noir, plus rien. J’ai du encore boire comme un trou pour être aussi loin.
Je me lève et retourne dans la salle.
Erik,
Tom et
Fabrice sont déjà debout, veste sur le dos.
«Ah ben le voilà .» dit ce dernier.
Puis, en se tournant vers moi, il dit alors :
«Ça va si on y va maintenant Tom ? Ou tu es trop mal pour la voiture ?»
Ça va, j’assure. Ça tangue toujours mais c’est gérable. Je m’installe à l’arrière et c’est en silence que nous rentrons. Nous sommes tous crevé de la nuit de folie qui vient de se passer. Devant chez moi, j’échange mon numéro de GSM avec les trois autres. Puis je sors lentement. Je hume l’air ambiant. Il fait froid aujourd’hui, bien plus qu’hier. Mais une belle journée s’annonce. Le soleil est radieux et il n’y a aucun nuage à l’horizon. Mais pour moi, la journée sera dans mon lit ou mon canapé, et nul part ailleurs.