Jâattends avec impatience la saison 2
Balance la suite !
Quel rĂ©cit ! Jâai lâimpression de lire un bouquin câest vachement prenant



Câest dâexcellente humeur que je me suis levĂ© ce matin. Pourquoi ? Parce que je suis attendu Ă 09h00 au Cottaweg pour la reprise de lâentrainement. Avec Mads Bidstrup, Noah Hean Holm, Oliver Bias et Malik Talabidi, jâai Ă©tĂ© reprit au sein du groupe Ă©largie. Je compte bien profiter de lâoccasion pour montrer au coach ce que je vaux et retrouver ma place chez les A.
Pendant que tout mes amis Ă©taient Ă©parpillĂ©s un peu partout sur la surface du globe, jâai fais le choix de passer mes vacances entre LiĂšge, prĂšs de ma mĂšre et Leipzig. Pas de folie, de sortie dĂ©lirante ou quoi que ce soit. Du repos, du sport et encore du repos. Revoir tout le monde me fait plaisir. Si jâai passer de bonnes journĂ©es, je dois bien avouer que jâai du mal avec le fait de rester sage et seul.
Comme à chaque inter-saison, la premiÚre journée est consacrée aux tests physiques. Nous subissons une batterie de tests divers et variés. Le passage chez le médecin est déjà porteur de bonnes nouvelles.
«Je te fĂ©licite Tom. Ton niveau de masse graisseuse a lĂ©gĂšrement baissĂ© et ton poids aussi. Tu es Ă 75kg, câest trĂšs bien.»
Et dire que je nâai pas fait dâefforts particuliers sur la nourriture, juste arrĂȘter de commander des pizzas tout les trois joursâŠ
AprĂšs cela, direction le tapis pour la test dâeffort. LĂ aussi, je rĂ©alise de bonnes performances, meilleures que lors de mon arrivĂ©e, il y a un peu moins dâun an. Quel bonheur.
Nous terminons la journĂ©e par la premiĂšre rĂ©union de la saison. InstallĂ© dans la salle de briefing, nous faisons face Ă Philipp Lahm, Marco Van Basten, son adjoint, Ralf Rangnick et Hannah Riemann, la doctoresse. Lorsque tout le monde est assit en silence, le coach se lĂšve, sâĂ©claircit la voix et commence Ă parler.
«Bienvenue Ă lâaube dâune saison palpitante. Nous avons pour objectif de se qualifier pour la Ligue des champions, dâatteindre la demi-finale de la DFB-Pokal et surtout, de remporter la Supercoupe de lâUEFA.»
Sur ces mots, le volume sonore augmente considérablement, chacun discutant de ce dernier morceau de phrase avec ses voisins. Notre directeur sportif se lÚve à son tour et reprends le flambeau.
«Nous avons bien conscience que le Real Madrid est un gros morceau. Mais nous vous croyons capable de rivaliser avec eux, ne serait-ce que le temps dâun match.»
Un match face au Real ? Ce serait un rĂȘve dây prendre part ! Pendant que je mâĂ©vade dans mes pensĂ©es, mâimaginant marquer de somptueux buts face aux madrilĂšnes et soulever ce trophĂ©e, le staff continue dâexposer son plan de bataille pour la prĂ©paration. Je suis tirĂ© de mes rĂȘves par la voix forte du coach qui dit :
«Nâoubliez pas que les semaines qui vont venir vont dĂ©terminer votre importance dans lâĂ©quipe. Les meilleurs jeunes resteront dans le groupe pro. Donnez tout. Allez Leipzig !»
Sur ces mots, tout le monde applaudit puis se lĂšve comme un seul homme, rejoignant la sortie. Je reste quelques instants sur ma chaise, Ă rĂ©flĂ©chir Ă tout et rien en mĂȘme temps.




Cela se ressent que ce nâest que la premiĂšre rencontre de la prĂ©paration car le rythme est plutĂŽt hachĂ© dĂšs les premiers instants. Au sein dâun dispositif que nous ne maĂźtrisons pas encore totalement, nous peinons Ă proposer un jeu attrayant. Pour autant, nos adversaires de seconde division ne peuvent logiquement rien face Ă nous et encaissent un premier but, de Diego Demme au quart dâheure de jeu.
Une dizaine de minute plus tard, je lance Mukiele sur la droite. Le latéral français déboule à toute vitesse, déborde son vis-à -vis et centre en force vers Timo Werner qui pousse le cuir du plat du pied.
AprĂšs la mi-temps, le rythme commence Ă sâĂ©lever. A la suite dâune sĂ©rie de dribbles, je suis fauchĂ© par un autrichien alors que je pĂ©nĂštre dans leur surface. Penalty. Timo y va en force et le ballon se loge juste sous la transversale.
A la 70e minute, je ressens une vive douleur dans le mollet gauche, une fois de plus. Jâai envie de continuer de jouer alors jâessaie de le dissimuler du mieux que je peux mais rien nây fait. Le coach me sort pour Fabrice Hartmann. Il faut croire que mon boitillement nâest pas passĂ© inaperçu.
Par la suite, je passe quelques examens mĂ©dicaux pour dĂ©terminer le problĂšme. Câest une dĂ©chirure, une de plus. Je suis littĂ©ralement dĂ©goutĂ©. Samedi, nous nous envolons pour les Etats-Unis, pour disputer une tournĂ©e de quatre rencontres. Je comprends quâĂ lâinstar de Marcel Sabitzer, je vais rester en Allemagne pour me soigner. Jâai les boules.

Je suis en train de dĂ©primer de ma non-participation Ă la tournĂ©e amĂ©ricaine du club, en caleçon dans le salon, quand je vois sur Facebook un article parlant du dĂ©part du sĂ©lectionneur espoir, Johan Walem. Cette information ne me surprend pas. Ce nâest pas une personne que je nâapprĂ©cie pas ou quoi que ce soit mais vu comme les choses se sont passĂ©es en Italie, il nây avait aucune chance quâil reste en place.
Je me demande qui va le remplacer. Tout ce que jâespĂšre, câest que son successeur va rappeler Yorbe. Ce dernier a Ă©tĂ© fort déçu de pas ĂȘtre conviĂ© pour lâEuro, et je peux le comprendre, jâaurai Ă©tĂ© pareil Ă sa place.


DĂšs les premiers instants, nous mettons le pied sur le ballon. InstallĂ© dans le camp de nos adversaires, nous faisons circuler le cuir face Ă un bloc dense et reculĂ©. A la 20e minute, nous ouvrons le score sur phase arrĂȘtĂ©. Bruma obtient et joue un coup franc sur la gauche du terrain. La trajectoire de son ballon flottant est coupĂ©e par le front de Konrad Laimer.
A la suite de cette ouverture du score, nous continuons Ă mettre la pression dans le camp adverse, sans parvenir Ă concrĂ©tiser notre domination. Ma seule occasion de la mettre au fond est gĂąchĂ© par un dĂ©fenseur qui met le pied au moment oĂč la balle prend la direction du coin droit. Juste avant la mi-temps, Timo inscrit ce second pion tant attendu Ă la suite dâun rush magnifique de 30 mĂštres.
De retour sur le terrain, nous leurs laissons enfin un peu le ballon, les laissant venir dans notre camp pour mieux les contrer. Et câest sur une phase de ce type que jâinscris le troisiĂšme et dernier but de la rencontre. Daniele De Rossi rĂ©cupĂšre un ballon chaud juste devant la surface et envoie un ballon puissant vers lâavant. Je rĂ©alise un sprint gargantuesque pour rĂ©cupĂ©rer le cuir. Un dernier dĂ©fenseur se dresse devant moi, devant sa surface. Petite virgule, et je le laisse sur le cul. Devant la sortie du gardien, je tente le lob. Nos deux corps entrent en contact et nous nous Ă©croulons sur le sol. Jâai juste le temps de relever la tĂȘte pour regarder que je vois le ballon retomber au sol devant la ligne, rebondir et la franchir.
Quelques minutes aprĂšs, je sors du terrain, complĂštement cuit du match, pour Fabrice qui vient se positionner le long de la touche, lâĂ©quipe repassant dans son habituel 4-3-3.
Avant dernier match amical de la prĂ©-saison et premier Ă domicile. Pour lâoccasion, presque 26 000 spectateurs se sont dĂ©placĂ©s et pendant quelques heures avant la rencontre, nous avons enchaĂźnĂ©s les autographes et les photos avec les fans.
Ăa me fait bizarre tout ça. Je ne suis pas une vedette, ni mĂȘme un joueur Ă part entiĂšre des A. Et pourtant, jâai rencontrĂ© quelques personnes qui voulaient prendre un selfie avec moi et me faire signer des photos de moi. Câest bizarre et gratifiant Ă la fois. JusquâĂ prĂ©sent, je nâai jamais vraiment rĂ©flĂ©chi Ă la questions. Et pourtant, je constate quâil y a des gens qui mâapprĂ©cient en tant que joueur. Tout cela me laisse songeur.

La rencontre dĂ©bute sur les chapeaux de roues avec un fort pressing de notre part. Dâailleurs, nous ouvrons le score sur corner dĂšs la 4e minute de jeu. Et câest mon coĂ©quipier chez les espoirs et nouveau venu au club, Zinho Vanheusden qui est Ă la conclusion. Tout le monde se jette sur lui pour le fĂ©liciter pendant que le public laisse Ă©clater sa joie. Câest fou comme lâambiance est bonne dans le stade alors que ce nâest quâun amical.
Lors de la seconde pĂ©riode, câest lâinĂ©vitable Timo Werner qui aggrave le score dâune frappe lourde, sur une passe dĂ©cisive de Fabrice. Peu aprĂšs la rĂ©duction du score par Freiburg, je fais mon entrĂ©e Ă la place de ce dernier.
Quelques minutes plus tard, je rĂ©cupĂšre le ballon Ă hauteur de la ligne mĂ©diane. Je me retourne et me lance Ă lâassaut de la cage des visiteurs. Je mystifie trois joueurs Ă la suite, dâune virgule, dâun petit pont et dâune roulette avant de me retrouver face au gardien, lĂ©gĂšrement sur la droite du but. Suis-je seul ? Non. En levant la tĂȘte, je vois le milieu slovĂšne, KĂ©vin Kampl, auteur dâune course monstrueuse, qui arrive seul. Je nâhĂ©site pas un seul instant et au moment dâarriver sur le gardien je lui glisse le ballon. Mon coĂ©quipier nâa plus quâĂ le pousser du plat du pied dans les filets.
Nous allons fĂȘter le but devant les tribunes garnies de nos fans. Pendant les congratulations dâusage, KĂ©vin me prend dans ses bras et me dit Ă lâoreille :
«Merci de mâavoir passĂ© le ballon.»
Jâaurai pu la jouer solo câest vrai, mais il Ă©tait seul et avait plus de chance que moi de la mettre au fond. Jâaime marquer mais ce que je veux avant tout, câest faire bonne impression au coach. Et montrer que je peux ĂȘtre altruiste dans ce genre de situation doit ĂȘtre bon, enfin je pense.
Une fois la rencontre finie, nous nous douchons, changeons et chacun rentre chez lui. Je suis seul ce soir, Frank est en vacances au Canada avec sa copine Marie, alors jâinvite Yorbe Ă venir jouer un peu Ă la console Ă la maison.
Pendant que nous nous écharpons à Fifa, nous discutons de tout et de rien. Inévitablement, le sujet des espoirs fait son entrée.
«Je ne sais pas si tu as vu.» me dit Yorbe. «Câest Vincent Kompany qui a Ă©tĂ© nommĂ© sĂ©lectionneur. JâespĂšre quâil nous appellera.»
Je rigole un peu tout en lui répondant.
«Aucun risque quâon ne soit pas appelĂ©, on est bien trop bon.»
Un fou rire nous prends tout les deux. Quelle vantardise ! Je me lÚve du fauteuil, va dans le frigo sortir deux biÚres que je décapsule avec un briquet qui traßne là et revient dans le salon.
«Tiens.» lui dis-je en lui tendant une des bouteilles. «Santé !»
Les deux contenants sâentrechoquent et je porte cette Jupiler Ă ma bouche. Au fond de moi, je sais que nous mĂ©ritons dâĂȘtre de nouveau appelĂ© chez les espoirs, ma confiance est aussi importante que le houblon qui descend Ă une vitesse vertigineuse Ă travers ma gorge.
Aujourdâhui, nous allons disputer notre second match amical Ă domicile, et le dernier de la prĂ©paration. Marcel Sabitzer Ă©tant en phase de reprise, il est prĂ©vu que je sois titulaire sur lâaile droite du 4-3-3 du coach. Jâai hĂąte de faire un bon match. Je sais que dans quelques jours, Philipp Lahm annoncera la liste des joueurs quâil conserve dans le noyau A et jâai vraiment envie dâen faire partie. Je sais que je suis capable de gratter du temps de jeu en cours de saison.

Pendant les minutes qui suivent, nous maintenons la pression sur nos adversaires en combinant Ă nâen plus finir. Câest dâailleurs Ă la suite dâune longue sĂ©quence de possession quâun deuxiĂšme but est inscrit par Konrad Laimer sur une passe en retrait que je lui administre aprĂšs mâĂȘtre aventurĂ© dans la surface anglaise.
Lors de la seconde pĂ©riode, nous maintenons un haut niveau de pressing, Ă©touffant toute vellĂ©itĂ© offensive dâEverton. AprĂšs le second but de notre buteur allemand, dâune tĂȘte sur corner, nous levons enfin le pied, laissant mĂȘme nos adversaires dĂ©crocher leur premiĂšre frappe de la rencontre Ă la 64e minute. Quelques instants plus tard, nous inscrivons notre quatriĂšme et dernier but Ă la suite dâune combinaison sur coup franc travaillĂ© Ă lâentrainement. Au lieu de chercher une tĂȘte dans le paquet de joueur, Bruma joue court pour Tom KrauĂ qui sâavance vers lui. Le milieu me glisse le ballon que je lui remet en une touche pour quâil dĂ©croche une frappe puissante.
AprĂšs ce pion, le coach dĂ©cide de me faire sortir pour Marcel Sabitzer. Lâailier autrichien, en phase de reprise, a besoin de rejouer un peu avant la rencontre au sommet qui nous attend et oĂč il sera vraisemblablement titulaire.
Bien que ce soit une journĂ©e de repos, je nâai aucun soucis Ă me lever relativement tĂŽt, vers 08h20, et ce sans rĂ©veil. Aujourdâhui, le club annonce qui sera conservĂ© dans le groupe A. Jây ai pensĂ© une bonne partie de la nuit. Jâai vraiment envie dâen faire partie.
Je me lĂšve et me dirige vers le salon. Jâattrape mon ordinateur qui traĂźne sur la table basse, lâallume et me connecte Ă Twitter pour voir le compte du club. Un message sây trouve, publiĂ© il y a une vingtaine de minutes.

Nom | Prénom | Age | Nationalité | Postes | Numéro |
---|---|---|---|---|---|
Gulacsi | Peter | 29 | ![]() |
GB | 1 |
Mvogo | Yvon | 25 | ![]() |
GB | 28 |
MĂŒller | Marius | 26 | ![]() |
GB | 32 |
Klostermann | Lukas | 23 | ![]() |
DD | 16 |
Mukiele | Nordi | 21 | ![]() |
DD/DC | 22 |
Orban | Willi | 26 | ![]() |
DC | 4 |
Konaté | Ibrahima | 20 | ![]() |
DC | 6 |
Upamecano | Dayot | 20 | ![]() |
DC | 5 |
Vanheusden | Zinho | 20 | ![]() |
DC | 2 |
Halstenberg | Marcel | 28 | ![]() |
DG | 23 |
Saracchi | Marcelo | 21 | ![]() |
DG | 3 |
De Rossi | Daniele | 36 | ![]() |
MDC/MC | 15 |
Adams | Tyler | 20 | ![]() |
MDC/MC | 14 |
Kampl | KĂ©vin | 28 | ![]() |
MC | 44 |
Laimer | Konrad | 22 | ![]() |
MC | 27 |
Demme | Diego | 27 | ![]() |
MDC/MC | 31 |
Majetschak | Erik | 19 | ![]() |
MDC/MC | 40 |
KrauĂ | Tom | 18 | ![]() |
MDC/MC | 30 |
Sabitzer | Marcel | 25 | ![]() |
MOD/MOC | 7 |
Hartmann | Fabrice | 18 | ![]() |
MOD/MOG | 25 |
Van Aert | Tom | 17 | ![]() |
MOD/MOG | 21 |
Forsberg | Emil | 27 | ![]() |
MOG | 10 |
Bruma | 24 | ![]() |
MOG | 17 | |
Werner | Timo | 23 | ![]() |
BT | 11 |
Poulsen | Yussuf | 25 | ![]() |
BT | 9 |
Vertessen | Yorbe | 18 | ![]() |
BT | 29 |
La lâaffiche Ă lâĂ©cran et dĂ©file. Le temps est comme arrĂȘtĂ©, je nâai plus conscience de ce qui mâentoure, de lâendroit oĂč je suis. A cet instant prĂ©cis, câest comme si la terre entiĂšre sâĂ©tait arrĂȘtĂ© de respirer. Lorsque jâaperçois mon nom, je me lĂšve dâun bond, les bras en lâair tel Sylvester Stallone dans Rocky et exulte. Jâattrape mon tĂ©lĂ©phone et appelle immĂ©diatement mon frĂšre.
«Frank ! Je suis reprit ! Jâai rĂ©ussi !» lui crie-je Ă travers le combinĂ©.
Et je me met Ă danser dans toute la piĂšce tant la joie mâenvahit. Certes, jâai bien dĂ©couvert lâĂ©quipe premiĂšre la saison passĂ©e, mais ce nâĂ©tait pas dans la mĂȘme dynamique. Ici, je ne fais plus le yoyo entre les A et les U19. A lâinstar de mes amis, je suis Ă 100% concernĂ© par lâĂ©quipe premiĂšre et cela me procure un bonheur inimaginable.
Une fois les premiers instants dâallĂ©gresse passĂ©e, je fais un petit tour sur la boutique du site. Le maillot de la saison 2019-2019, floquĂ© de mon nom et de mon numĂ©ro, le 21, est dĂ©jĂ disponible Ă la vente.

Le 21. Ce numĂ©ro me plait bien. Le mĂȘme quâAndrea Pirlo, un joueur que jâaffectionne. Petit clin dâĆil du destin, câest le mĂȘme que celui que mon entraĂźneur, Philipp Lahm, arborait au Bayern Munich. Est-ce un signe ?
Assis dans le fond du bus du club, les Ă©couteurs bien enfoncĂ©s dans les oreilles, je regarde dâun Ćil distrait la ville dĂ©filer. ArrivĂ© Ă Istanbul il y a deux jours, je reste admiratif devant la ferveur dont font preuve les turcs. Bien quâil nây ait pas vraiment de supporters du RB Leipzig, les journĂ©es sont rythmĂ©s par les clameurs, les fumigĂšnes et les chants. Cela change de lâAllemagne et de lâambiance morose de chacun de nos dĂ©placements. Ce soir, je dĂ©buterai la rencontre sur le banc. Mais jâespĂšre au plus profond de moi grappiller un peu de temps de jeu.

Avant le quart dâheure de jeu, Marcel Sabitzer ouvre le score Ă la suite dâune longue combinaison en une deux avec Bruma. Et quelques minutes plus tard, notre buteur fĂ©tiche aggrave le score dâune reprise de volĂ©e sompteuse qui termine dans la lucarne de Navas. Tout le banc est debout et exulte Ă lâexception du coach, toujours en train de faire les cents pas le long de notre zone. Par la suite, lâintensitĂ© baisse un peu et je vois les espagnols reprendre un peu confiance et sâaventurer plus haut sur le terrain, sans pour autant se montrer vĂ©ritablement dangereux.
Au retour du vestiaire, lâĂ©quipe reprend sa marche en avant, imposant sa domination Ă des madrilĂšnes complĂštement dĂ©passĂ©. Et Ă la 50e minute de jeu, câest le slovĂšne KĂ©vin Kampl qui inscrit le 3e but dâune retournĂ©e acrobatique aussi chanceuse que magnifique. A la suite dâun Ă©niĂšme dĂ©bordement de notre ailier portugais suivi dâun centre tendu, Kampl est le seul Ă suivre lâaction et Ă se jeter dâune maniĂšre bizarre et totalement indescriptible. Mais lâessentiel est ailleurs. Lâheure de jeu nâest pas encore atteinte que nous menons les vainqueurs de la Ligue des champions, pour la 4e fois consĂ©cutive, par trois buts Ă zĂ©ro.
Vers la 78e minute, Timo Werner rĂ©cupĂšre le cuir sur une relance complĂštement ratĂ© du dĂ©fenseur français, RaphaĂ«l Varane et sâĂ©lance seul vers le but pour lober le gardien. 4 - 0. La messe est dite.
Peu aprĂšs ce dernier but, je rentre en lieu et place de Sabitzer. Au moment dâĂ©changer nos positions, lui sur le banc et moi sur le terrain, il me prend dans ses bras un moment, en silence. Comme sâil voulait me dire Vas-y donne tout.
Et pendant une dizaine de minutes, je me dĂ©mĂšne tel un beau diable. LâĂ©quipe est en mode gestion et le Real ne se montre guĂšre dangereux mais jâessaie tant bien que mal dâĂȘtre la petite Ă©tincelle dâune cinquiĂšme rĂ©alisation. Malheureusement pour moi, il nâen est rien. Mais lâimportant est ailleurs. Nous remportons la Supercoupe de lâUEFA face au gĂ©ant espagnol, et ce avec la maniĂšre. Que demander de plus.
Dans le vestiaire, lâambiance est survoltĂ©. Tout le monde chante, danse, rigole sous les yeux de la coupe qui trĂŽne fiĂšrement au milieu de la piĂšce. Avec Tom KrauĂ et Yorbe Vertessen, nous nous moquons du mercato des madrilĂšnes, Ă hauteur de plus de 200M ⏠alors que celui du club nâest que de 31M âŹ.
Câest quelques dizaines de minutes plus tard, alors que je pose avec la coupe entre les mains, que je rĂ©alise que câest mon premier trophĂ©e. LâannĂ©e passĂ©e, je nâĂ©tais pas qualifiĂ© pour la Ligue europa, elle ne fait donc pas partie de mon palmarĂšs. Le bonheur est alors amplifiĂ© Ă un point inimaginable.
Avant de vivre la Supercoupe, Istanbul et tout ce qui sâen suit, je mâimaginais que notre retour Ă Leipzig se ferait en grande pompe, que nous serions accueillis comme des rois, quâon me reconnaĂźtrait partout. HonnĂȘtement, câest un beau fantasme. Nous sommes rentrĂ©s le lendemain en avion, dans un calme relatif et ma vie nâa pas changĂ©, toujours rĂ©git par lâanonymat. On ne me reconnait pas en rue, et câest peut ĂȘtre mieux comme ça. Au diable les dĂ©lires de mĂ©galo.
AprĂšs lâentrainement, je me rends au skatepark du quartier. Jây retrouve diffĂ©rentes personnes, que je connais de vue ou un peu plus mais qui ont en commun de me laisser en paix. On est pas lĂ pour parler, juste pour faire de la rampe. Il nây a que ça qui compte pour moi.
Cela fait plusieurs dizaines de minutes que je ride lorsque jâaperçois au loin une fille, blonde sâapprocher des rampes. Câest Cassie. Je mâarrĂȘte et mâapproche dâelle.
«Salut.» me dit-elle.
«Salut.»
Je la regarde intensĂ©ment. Elle a changĂ© depuis la derniĂšre fois que nous nous sommes vus, fin juin. Elle semble plus posĂ©e, plus calme, diffĂ©rente en fait. Jâaurai envie de lui poser des milliers de questions. Pourquoi est-ce quâelle disparaĂźt aussi vite quâelle nâapparaĂźt dans ma vie ? Quâest ce qui lâempĂȘche de se poser ? Quâest ce que je pourrai faire pour elle ? Mais comme Ă chaque fois, je suis incapable de lui demander le dixiĂšme de tout ce qui me trotte en tĂȘte et je me laisse mener par lâattirance que jâai pour elle.

Les premiers rayons du soleil qui sâinfiltrent Ă travers les rideaux se chargent de me rĂ©veiller. Le rĂ©veil indique 06h53. Je me retourne et constate que la place Ă cĂŽtĂ© de moi est vide mais encore chaude. Je me lĂšve, enfile un caleçon et sort de la chambre. La porte de la salle de bain est entrouverte et des bruits dâeau se font entendre. Je pousse le bois et pĂ©nĂštre dans la piĂšce. Cassie barbote dans la baignoire, me tournant le dos. Je me dĂ©shabille et me glisse derriĂšre la jeune fille. Cassie laisse aller sa tĂȘte en arriĂšre, se reposant sur mon Ă©paule, ce qui me dĂ©gage la vue de sa poitrine. Depuis que je la connais, câest la premiĂšre fois que nous restons ensemble plus dâune nuit. Câest nouveau, Ă©tonnant, agrĂ©able mĂȘme.

Ce soir, câest lâanniversaire dâune amie Ă Cassie. AprĂšs le match Ă Hamburg, auquel jâassiste depuis les tribunes, et le trajet de retour dans le bus du club, nous nous rendons directement Ă lâentrepĂŽt abandonnĂ© qui sert de lieu Ă la petite fĂȘte. Lorsque nous dĂ©barquons aux alentours de 23h00, Fabrice Hartmann, Tom KrauĂ et moi, nous retrouvons une bande de filles, passablement Ă©mĂ©chĂ©es qui se disent contente de nous voir et disparaissent rapidement avec mes comparses.

Lâambiance est incroyable, que ce soit Ă lâintĂ©rieur comme Ă lâextĂ©rieur. Une musique Ă©lectro bien rĂ©pĂ©titive fait trembler les murs et des dizaines dâadolescents dansent dessus ou plutĂŽt sautent sur place. Je me fraie un chemin Ă travers la foule et retrouve Cassie avec une de ses amies dont jâoublie toujours le nom, un joint Ă la main. Nous nous embrassons plutĂŽt sauvagement avant de nous diriger tout les trois vers la table oĂč est entreposĂ© lâalcool. Je me sers un grand verre dâun mĂ©lange bizarre aux couleurs un peu flash et me lancent en compagnie de mes dames Ă lâassaut de la piste, et ce pendant longtemps.
Le reste de la soirĂ©e se passe sans que jâen ai le moindre souvenir, comme si jâavais Ă©tĂ© en pilote automatique. Que ce soit juste aprĂšs ou dix semaines aprĂšs, je serai bien incapable de dire ce que jâai fais durant cette nuit. Je reprends conscience de mes actes seulement au moment du lever du soleil, alors que nous sommes assis sur le toit de lâentrepĂŽt, les jambes pendantes, se partageant une cigarette avec Cassie. A cet instant prĂ©cis, je me sens bien, heureux, en paix avec moi-mĂȘme, et plus rien dâautre nâa dâimportance.
La suite. Et vite !
Ton récit est vraiment excellent. Mon préféré ici.
Merci @madzou, ça fait toujours grave plaisir
Je suis bien en avance, jâai tout Ă©crit jusque dĂ©cembre inclus mais je vous laisse le temps de respirer aussi. La suite arrive bientĂŽt
LâenchaĂźnement des posts ne me dĂ©range pas !
Dâailleurs ton rĂ©cit va influencer mon 1er sur FM20.
Lâun des tout meilleurs rĂ©cit de joueurs que jâai lu. TrĂšs passionnant. Bravo
Pareil, un récit de joueur de haute qualité
(Jâen suis jalouxâŠMais Bravo pour cette story, que ce soit lâĂ©criture ou lâhabillage)
(De toute façon je risque pas de finir mes stories de sitĂŽtâŠ)
Alors je suis pas le genre de gars qui balance des messages pour ne rien dire. Donc si je le fais lĂ , câest pour que tu saches que je lis avec grand intĂ©rĂȘt ton rĂ©cit et que mĂȘme si je poste rarement, cela ne veut que je ne le suis pas.
Vivement la suite et comme @madzou, lâenchaĂźnement des messages ne me gĂȘne absolument pas!
RĂ©ponses aux lecteurs :
-
@madzou : La patience il faut apprendre, petit scarabé
Plus sĂ©rieusement, merci, ça me fait grave plaisir. Jâai hate de lire ça dans quelques mois alors.
-
@navylus44 : Merci. Jâai Ă©tĂ© beaucoup inspirĂ© par Entre deux Ă©toiles et Simon Brassard : Simplement une belle histoire que je te conseille vivement si tu ne les as pas encore lu
-
@LindexV : Ne te dĂ©valorise pas, je suis tombĂ© par hasard sur ton rĂ©cit, Sur la route de lâaigle, il y a peu et jâai plus que quelques postes Ă lire pour ĂȘtre Ă jour. Jâattends la suite moi
-
@gwendil35 Merci de ton commentaire. Je mâen doute, je lis beaucoup aussi mais je ne commente pas forcĂ©ment.
Tout simplement un grand merci à tout ceux qui lisent ce récit, que vous commentiez ou non. Cela me motive à écrire plus et plus rapidement
Un peu partout, le 2 septembre, premier jour ouvrable du mois, est synonyme de retour Ă lâĂ©cole. Câest la derniĂšre annĂ©e pour moi et je compte bien la rĂ©ussir, comme je lâai promis Ă ma mĂšre. Mais pour moi, câest fini lâĂ©cole. Si la saison passĂ©e, jâavais pu aller en cours plus ou moins normalement, jouant la plupart du temps avec les U19, donc le samedi, ce nâest plus la mĂȘme chose avec les A. Avec la Ligue des champions, les dĂ©placements en pleine semaine sont frĂ©quent et je ne peux plus participer quâĂ une partie des entraĂźnements comme je faisais, ne prenant part quâaux sĂ©ances de lâaprĂšs-midi.
Pour pallier Ă cela, le club mâa trouvĂ© un professeur particulier qui vient trois fois par semaine chez moi pour me donner cours, que je puisse passer mes examens en candidat libre. Ăa va ĂȘtre un sacrĂ© changement ça, je suis certain que ça va me faire bizarre au dĂ©but.
Pendant que les jeunes de mon Ăąge se rendent en cours, moi je prends le chemin du cabinet de Mary Schröder, ma psychologue. On ne sâest plus vu depuis la fin du mois de juillet, entre ses vacances et mes « oublis » de rendez-vous. Mais lĂ , pas le choix. Elle a directement contactĂ© Frank pour sâassurer que je sois bien prĂ©sent Ă lâheure dite.

Installé dans un fauteuil en cuir des plus confortable, je fais face à la psychologue. Mais par rapport à la derniÚre fois, elle a moins bonne mine. Elle a des cernes, semble distraite, comme ailleurs. Malgré tout, la séance se révÚle tout à fait normale. Nous parlons beaucoup de mon pÚre, ce que je faisais avec lui.
Pour clĂŽturer la sĂ©ance, elle me demande si jâai du neuf dans ma vie, autre que mon intĂ©gration chez les A dont je lui ai dĂ©jĂ parlĂ© en long, en large et en travers. Je marque un temps dâarrĂȘt. Je devrai lui dire quâavec Cassie, nous venons de nous lancer dans ce qui ressemble Ă une relation plus stable et que cela change dĂ©jĂ beaucoup pour moi. Mais sans trop savoir pourquoi, je passe sous silence ce nouvel aspect de ma vie et comme dans un film, je me vois lui rĂ©pondre que non, rien nâa vraiment changĂ©.
Sur le chemin du retour, je me sens un peu dĂ©boussolĂ© par mon attitude. Je ne comprends pas pourquoi jâai fait cela. Jâaurai dĂ» Ă minima le mentionner. Et pourtant, je ne lâai pas fait. Mais pourquoi ? Câest fou. Je fais quelque chose, je prends une dĂ©cision mais je ne sais pas pourquoi. Je suis comme guidĂ© par un instinct qui me fait prendre certaines routes sans mâexpliquer la raison.
Tout sâenchaine trĂšs vite en ce dĂ©but de saison. Quelques heures aprĂšs mon rendez-vous, jâai pris lâavion avec Yorbe Vertessen et Zinho Vanheusden pour rejoindre les espoirs Ă Bruxelles. Puis, nous nous sommes envolĂ©s pour la Bulgarie, pour lancer la campagne de qualification Ă lâEuro U21 de 2021.

La seconde mi-temps commence sous de meilleurs auspices. AprĂšs quelques minutes de jeu, je dĂ©croche ma premiĂšre frappe du match, un tir puissant sur une reprise de volĂ©e du pied droit en situation de dĂ©sĂ©quilibre qui vient frapper lâĂ©querre avant de sortir du terrain. A la 75e minute, je sors pour mon ami Yorbe qui me reprend ma place Ă la pointe de lâattaque et seulement deux minutes plus tard, il dĂ©livre une superbe talonnade pour Kenneth De Keyser qui tire en force du point de penalty pour le seul but de la rencontre.
1-0, mais on sâen contentera bien volontiers. Le plus important reste les trois points, surtout lorsquâon est dans un groupe avec lâItalie.
Quelques jours plus tard, nous affrontons lâArmĂ©nie dans un stade que je dĂ©teste, celui dâAnderlecht. Contrairement Ă moi, plusieurs de mes coĂ©quipiers sont ravis de jouer Ă domicile, dans un lieu quâils connaissent si bien.
Kenneth, plus jeune joueur de la sĂ©lection, qui fĂȘte son premier rassemblement mĂȘme est sĂ»rement le plus ravi. Le futur Kevin De Bruyne comme les mĂ©dias le surnomme fait venir toute sa famille, proche comme Ă©loignĂ© et en parle dĂšs quâil peut. Si certains trouvent ce comportement lassant, moi ça me fait rire. Câest sympa de voir quelquâun profiter Ă fond de ce moment qui est exceptionnel. Combien de jeunes joueurs rĂȘvent de dĂ©fendre les couleurs de leur pays, mĂȘme dans les catĂ©gories jeunes, mais ne peuvent jamais le faire.

Si les armĂ©niens se montrent dangereux les cinq premiĂšres minutes en faisant preuve dâun pressing agressif et haut, nous reprenons bien vite le contrĂŽle du ballon, les forçant Ă reculer. Au quart dâheure de jeu, mon homologue sur lâaile gauche rĂ©cupĂšre le ballon sur une mauvaise transmission des visiteurs et part seul au but, dĂ©crochant une frappe molle qui file entre les jambes du gardien et termine sa course dans le filet. Accolades rapide et nous reprenons notre place, bien concentrĂ© pour la suite.
Quelques temps aprĂšs, je rĂ©ceptionne dâun contrĂŽle de la poitrine une belle louche de Zinho, dribble le dernier dĂ©fenseur et frappe en force du pied gauche. Le ballon fonce se loger en pleine lucarne. Tout le stade exulte. Câest tellement bon !
Lors de la seconde mi-temps, le rythme ralentit quelques peu. Les armĂ©niens semblent pourtant bien incapable dâen profiter et ne quittent pas leur moitiĂ© de terrain. A la 51e, je rĂ©cupĂšre le cuir Ă la suite dâune combinaison entre Yorbe et Thibaud Verlinden, en pleine surface. Ma feinte de frappe fait mouche puisque le portier adverse se jette comme un fou sur sa gauche, me laissant le champ libre pour gentiment pousser le ballon Ă lâopposĂ©. Avant la fin du temps rĂ©glementaire, nous obtenons un coup franc interressant, sur le cĂŽtĂ© droit du terrain. Dâhabitude, je ne les tire jamais mais cette fois-ci, Vincent Kompany me fait signe depuis sa zone technique de le botter. JâapprĂ©hende un peu, je nâai vraiment pas lâhabitude mais je mâexecute et dĂ©livre un ballon puissant qui passe au dessus du paquet de joueur et qui voit sa trajectoire dĂ©viĂ©e dans les filets par le front de Zinho. Tout le monde exulte et se jette sur le buteur. Je suis le sourire aux lĂšvres, si heureux de ce match. Et ce nâest pas le but encaissĂ© dans les arrĂȘts de jeu qui pourra ternir mon bonheur.
De retour il y a quelques jours de Belgique et du rassemblement espoir, jâai le plaisir dâĂȘtre inclus dans le groupe pour la rĂ©ception du FC Augsburg, profitant je dois dire dâune nouvelle blessure de Marcel Sabitzer. En plus, je suis titulaire, un vĂ©ritable bonheur pour moi.

Pour la seconde pĂ©riode, nous reprenons notre positionnement habituel en 4-3-3, ce qui nous permet dâĂȘtre un peu plus stable au milieu surtout. Mais reprendre le contrĂŽle de la rencontre est toujours aussi dĂ©licat.
A lâheure de jeu, le coach me fait sortir pour Fabrice Hartmann. Je suis bien Ă©videmment déçu, mais de moi, pas de sa dĂ©cision. Jâai vraiment pas bien jouĂ© aujourdâhui. Mon ami se montre bien en jambe et ses dĂ©boulĂ©s le long de la ligne de touche mettent le feu dans la dĂ©fense adverse, ce qui nous permet de reprendre la possession et de nous installer dans le camp des visiteurs. Et une vingtaine de minutes plus tard, Timo inscrit son second pion, dâune belle reprise de volĂ©e. Et câest Fabrice qui est Ă lâorigine de ce but. AprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© le cuir prĂšs du poteau de corner, il le remet en retrait sur notre milieu, Kevin Kampl qui fait une sorte de centre en direction de lâautre cĂŽtĂ© de la surface, centre reprit par notre attaquant en Ă©quilibre instable. Puis, jusquâĂ la fin de la partie, nous cadenassons le tout, empĂȘchant nos adversaires de ressortir le ballon.
Deux jours aprĂšs la rĂ©ception dâAugsburg, je me blesse au genou droit, ce qui me prive de deux rencontres, la rĂ©ception de lâAC Milan pour la premiĂšre journĂ©e de Ligue des champions, conclue par une dĂ©faite, un dĂ©placement Ă Frankfurt qui se termine par un nul. Et enfin, je suis laissĂ© en tribune pour la rĂ©ception de Stuttgart oĂč nous lâemportons chanceusement sur le score de 1-0.
En prĂ©vision du dĂ©placement Ă Barcelone de mercredi, Marcel Sabitzer est mit au repos et je reprends sa place sur lâaile droite du 4-3-3. Car oui, nous revenons Ă ce systĂšme. Les mauvais rĂ©sultats malgrĂ© les essais de changement de positionnement ont visiblement convaincu le coach de revenir Ă une disposition qui nous avait bien rĂ©ussi la saison passĂ©e.

La purge continue encore et encore, jusquâĂ la fin de la rencontre. Jâessaye tant bien que mal de faire remonter le bloc par des essais dâincursions mais rien nây fait. Mainz est bien placĂ© et ne craque pas, Ă aucun moment. Câest dâailleurs nous qui tombons, encaissant un but Ă la 78e minute Ă la suite dâun long cafouillage dans la surface.
A la fin de la rencontre, nous rentrons dans le vestiaire sans demander notre reste. Nous sommes trempés et épuisés. Mais pas de répit. Philipp Lahm nous y attend et se fùche sur nous.
«CâĂ©tait nul ! Pitoyable !» grogne-t-il. «Il faudra faire bien mieux mercredi !»
Tout le monde est assis, la tĂȘte basse Ă subir la colĂšre du coach. Câest vrai quâon est loin dâavoir Ă©tĂ© fameux. Le seul motif de satisfaction reste le mauvais parcours de nos rivaux principaux. Dortmund aux portes de la relĂ©gation, le Bayern hors du podium, câest tout bon pour nous.
Lorsque le coach a fini, nous allons prendre notre douche. Pendant que lâeau chaude me ruisselle le long du torse, mon esprit est dĂ©jĂ obnubilĂ© par la suite. Je veux montrer ce que je vaux. Je veux prouver au club quâils ont eu raison de me faire confiance.
(Tu dois ĂȘtre un des rares a attendre la suite de ma story⊠)
Plus sĂ©rieusement, ce mois a Ă©tĂ© excellent, tu partais sur un perfect, et puisâ
je les ai dĂ©jĂ dĂ©vorĂ© bien entendu. et la tienne est de la mĂȘme trempe.
AprĂšs nous ĂȘtre inclinĂ©s lors de la premiĂšre rencontre face aux italiens, nous nous rendons Ă Barcelone avec lâespoir de dĂ©crocher au moins un point afin de rester dans la course Ă la qualification. Viser le nul ça semble petit bras mais les espagnols sont sur papier bien plus fort que nous. En championnat, ils Ă©crasent tout le monde alors que nous nous sommes devant surtout Ă la faveur des performances en dents de scie de nos rivaux. Marcel Sabitzer est de nouveau Ă 100% et reprend sa place sur le terrain tandis que je viens mâasseoir sur le banc.

Devant le banc, Philipp Lahm enrage. Tout en faisant les cents pas, il donne des consignes et sâagitent beaucoup. Je me rappelle que la saison passĂ©e, il avait tendance Ă ĂȘtre calme et posĂ© au bord du terrain, souvent assis mĂȘme sur le banc. Mais depuis quelques mois, je remarque quâil vit diffĂ©remment chaque rencontre, montrant ses Ă©motions et ressentis.
AprĂšs ce premier but, les barcelonais accentuent leur pression en monopolisant le ballon Ă nâen plus finir, ce qui nous dĂ©stabilise bien, nâĂ©tant pas habituĂ© Ă subir. Mais la maladresse bienvenue de leurs joueurs offensifs nous permet de rentrer au vestiaire toujours sur le mĂȘme score.
De retour sur le terrain avec de meilleures intentions, mes coĂ©quipiers essayent de bousculer nos adversaires par quelques contres supersoniques. Câest dâailleurs Ă la suite dâune offensive Ă©clair dâun Timo Werner permutant avec Bruma qui permet au portugais dâĂ©galiser grĂące Ă une frappe placĂ©e.
A la 72e minute de jeu, Marcel Sabitzer perd la balle au niveau de la ligne mĂ©diane. Au lieu de lĂącher le ballon, il sâentĂȘte Ă y aller seul, faisant fi des consignes du coach. Je suis en train de mâĂ©chauffer avec Erik Majetschak, Yussuf Poulsen et Ibrahima KonatĂ© quand je vois du coin de lâoeil que Sergi Roberto lui subtilise le ballon, avance assez facilement le long de la ligne de touche et centre Ă ras de terre pour un Suarez quelque peu oublier par nos dĂ©fenseurs.
«Tom ! Tu rentres.» dit alors le coach pendant que nos adversaires fĂȘtent leur but.
Je retourne jusquâau banc, retire mon survĂȘtement tout en Ă©coutant les consignes donnĂ©es par Marco Van Basten et vient me positionner Ă cĂŽtĂ© de mon coach. Sabitzer ne cache pas sa dĂ©ception de sortir mais se montre bon joueur avec moi puisquâil mâencourage avec un petit sourire triste. Un petit sprint pour rejoindre ma place, de lâautre cĂŽtĂ© du terrain et le jeu reprend. JusquâĂ la fin de la rencontre, je tente avec mes partenaires de faire bouger un bloc barcelonais bien solide et repliĂ© depuis son second pion. Malheureusement, nous ne parvenons pas Ă faire la diffĂ©rence, surtout que la chance nâest pas de notre cĂŽtĂ©. Avec Bruma, nous touchons tout les deux la transversale, Ă peut ĂȘtre une ou deux minutes dâintervalle et un penalty pour une main dâun dĂ©fenseur adverse est oubliĂ© par lâarbitre.
Nous terminons le match sur ce score de 2-1. Mais ce qui me rend le plus amer, câest bien que nous aillons aucun points aprĂšs deux rencontres. Si le Milan et Barcelone gardent le niveau de jeu et la chance quâils ont eu face Ă nous, nous aurons bien du mal Ă viser plus haut quâune troisiĂšme place.
Trois jours aprĂšs notre dĂ©faite en Ligue des champions, nous devons nous remobiliser, car aujourdâhui, nous accueillons le Bayern Munich. Si cette saison, ils ont quelques difficultĂ©s en championnat, Ă©tant actuellement 4e, cela reste un sacrĂ© morceau Ă affronter. De plus, nous ne sommes pas sur la meilleure des dynamiques non plus avec nos deux dĂ©faites consĂ©cutives, toutes compĂ©titions confondues.
La derniĂšre prestation de Sabitzer nâa pas convaincu le coach et il dĂ©cide de me titulariser Ă sa place. Etre titulaire face au Bayern, câest quand mĂȘme quelque chose. Je suis au 7e ciel rien que dây penser. Mes amis sont super content pour moi. Tom KrauĂ, Yorbe Vertessen et Fabrice Hartmann me fĂ©licitent comme si je venais de marquer un but en finale de coupe du monde. Le seul qui ne semble pas se rĂ©jouir est Erik Majetschak. Depuis plusieurs jours, câest comme sâil nous Ă©vitait.
La veille de la rencontre, Yorbe est chez moi et nous jouons un peu à la console pour nous détendre. Pendant une partie, il me dit :
«Tu trouves pas quâErik est bizarre ? Il fait la gueule H24 pour lâinstant.»
Il nâa pas tord. Ăa fait un bon moment, peut ĂȘtre mĂȘme une semaine ou deux que je ne lâai pas vu nous sourire franchement et vraiment longtemps.
«Câest vrai quâil est distant. Je me demandes ce qui ne va pas.»
Yorbe rĂ©pond dâun hochement de tĂȘte. A part lâintĂ©ressĂ© lui-mĂȘme, je crois que personne ne sait pourquoi il se comporte ainsi.

Tout le monde est sur le terrain, en place, ne manque que le signal de lâarbitre pour que les munichois donnent le coup dâenvoi. Nous nous jaugeons mutuellement. Ăa va ĂȘtre un match compliquĂ©, ça se sent.
Je ne fais pas erreur sur cette derniĂšre affirmation car dĂšs les premiers instants dĂ©bute une vĂ©ritable guerre des tranchĂ©es au milieu de terrain. La bataille est Ăąpre pour le ballon et le pressing est si fort de la part des deux camps quâil est vraiment fort difficile de progresser un minimum. Les onze sont si dense que je ne me retrouve presque jamais face au latĂ©ral mais bien en situation de un contre un face Ă Leroy SanĂ©.
On approche de la demi-heure de jeu quand un de nos dĂ©fenseurs dĂ©livre un long ballon vraiment prĂ©cis que rĂ©ceptionne sans trop de difficultĂ© Timo Werner. Lâallemand contrĂŽle dos au but et remise le cuir dans un espace vide et assez consĂ©quent au milieu dâun triangle SanĂ©-Tolisso-Alaba. Sans me poser de questions, je me lance dans un sprint vraiment rapide qui laisse sur place lâailier et le milieu, rĂ©cupĂšre le ballon de la pointe devant le dĂ©fenseur que je mystifie dâun crochet. Me voilĂ seul Ă proximitĂ© de la surface. Je lĂšve la tĂȘte. Je vois Timo faire un appel en direction du point de penalty mais il a deux hommes sur lui. Je fais un crochet du pied gauche, prend appui sur le droit et frappe la balle de toutes mes forces. Celle-ci file Ă toute vitesse, frĂŽle le bout des doigts du gardien et va se loger en pleine lucarne. Mais quel but ! En trĂšs peu de temps, je me retrouve noyĂ© sous une nuĂ©e de coĂ©quipiers qui viennent me fĂ©liciter de cette ouverture de score. La confiance Ă son maximum, je reprends ma place derriĂšre la ligne mĂ©diane.
Lors de la seconde pĂ©riode, le Bayern pousse fort, vraiment fort. Et en une dizaine de minutes, ils Ă©galisent par lâintermĂ©diaire de SanĂ©, auteur dâun rush monstrueux puis de Leon Bailey venant de remplacer Thomas MĂŒller. La dĂ©ception est grande, sur le terrain comme sur le banc. MalgrĂ© nos efforts, nous ne parvenons plus Ă nous approcher de la cage de Neuer. Vers la 80e, je reçois le cuir de Lukas Klostermann derriĂšre moi. Je dribble un joueur et centre en profondeur en direction de notre buteur. Timo contrĂŽle la balle du torse et, pressĂ© par la dĂ©fense centrale du Bayern, la remet en retrait Ă Konrad Laimer qui tire en force. Le ballon touche la transversale et rentre. Enfin nous Ă©galisons.
Les dix derniĂšres minutes ressemblent Ă sây mĂ©prendre Ă du football anglais, du bon vieux kick and rush. Chaque Ă©quipe, presque Ă tour de rĂŽle, attaque sans parvenir Ă conclure tandis que lâautre se lance Ă lâoffensive sans se poser un seul instant et vĂ©ritablement construire. Mais eux comme nous Ă©tant trop maladroit, le tableau dâaffichage reste identique jusquâau coup de sifflet final. Si la dĂ©ception de nâavoir fait quâun nul est grande, je suis Ă titre personnel heureux car Ă lâissue de la rencontre, je reçois le titre honorifique dâhomme du match par Eurosport DE. Câest la premiĂšre fois quâune de mes prestations est mise en avant ainsi.

Le match se rĂ©vĂšle agrĂ©able Ă jouer. Par une belle soirĂ©e dâautomne, pas trop froide et devant un public relativement nombreux, nous nous montrons sĂ©rieux et appliquĂ© Ă dĂ©faut dâĂȘtre prĂ©cis dans le dernier geste. Et pourtant, nous en avons plusieurs fois la possibilitĂ© mais nous avons du mal Ă conclure. Il faut attendre les derniers instants de la premiĂšre mi-temps pour que jâouvre le score dâun tir placĂ© qui passe sous le gardien roumain, aprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© la balle sur une mauvaise passe devant leur propre surface.
Lors de la seconde pĂ©riode, nous accentuons notre pression sur le camp adverse mais ce nâest quâ environ vingt cinq minutes de la fin que nous nous mettons Ă lâabri. Je reçois la balle dâune longue louche de Zinho, me retourne tout en contrĂŽlant et remet le cuir Ă Yorbe qui conclu en force. Si la joie devant le but de mon ami est prĂ©sente, la douleur fait Ă©galement son apparition au niveau de ma cheville droite. Je fais signe au banc et je sors peu de temps aprĂšs.
Le verdict du mĂ©decin est sans appel. Câest une foulure. Rien de grave donc, mais elle me prive du match capital face Ă lâItalie. Les boules.
Le match face Ă lâItalie sâest soldĂ© par une dĂ©faite sur le score de 1-0. En tribune, jâenrageais devant la maladresse inhabituelle de mes partenaires. Mais voilĂ , pas le temps de ressasser, il faut rentrer, revoir ce prof privĂ© que je nâai pas envie de voir, retrouver lâentrainement, me prĂ©parer car nous avons un dĂ©placement costaud Ă Dortmund qui nous attend. Les jaunes et noirs sont peut ĂȘtre 16e, ils ont malgrĂ© tout un effectif trĂšs solide, capable de nous battre facilement. Pour la seconde fois consĂ©cutive, je suis titulaire sur lâaile droite. AprĂšs le Bayern, Dortmund. Jâai lâimpression que je prends du gallon moi.

Mais voilĂ , ce pressing monstre nâa quâun temps. Et plus celui-ci file, plus nos adversaires sâĂ©puisent et commettent des erreurs. Câest sur une de celles-ci, une passe mal calibrĂ©e que Forsberg rĂ©cupĂšre, que Diego Demme rĂ©cupĂšre le ballon dans une position intĂ©ressante, tire et marque son premier but de la saison. Cette Ă©galisation nous remet du baume au coeur et progressivement, la dynamique sâinverse et câest nous qui dominons. Mais il faudra attendre les arrĂȘts de jeu pour que le suĂ©dois et moi inscrivions nos deuxiĂšme et troisiĂšme buts, nous assurant la victoire. Dâabord lui, sur une remise en retrait de Yussuf Poulsen, rentrĂ© Ă la place de notre buteur allemand, puis moi, sur un centre de lâinĂ©vitable Forsberg.
Pour cette troisiĂšme rencontre de C1, seul la victoire est envisageable. Je ne devais pas ĂȘtre sur le terrain mais lors de lâĂ©chauffement. Marcel Sabitzer se blesse lĂ©gĂšrement. Je me retrouve alors titulaire au dĂ©bottĂ©.

Dans le vestiaire, le coach nâest pas content, mais alors pas du tout. Son coup de gueule nous est profitable puisque nous revenons sur le terrain avec de meilleurs intentions. Quelques minutes aprĂšs la reprise, Bruma envoie une transversale que je rĂ©cupĂšre dâun coup de patte avisĂ©. Petite accĂ©lĂ©ration, je dĂ©borde mon vis-Ă -vis et adresse un centre tendu que Timo Werner vient coupĂ© au premier poteau.
Vers la 70e minute de jeu, le coach me sort pour Fabrice Hartmann. Au moment du changement, nous tombons dans les bras lâun de lâautre. Nous jouons peut ĂȘtre au mĂȘme poste, il nây a pas de compĂ©tition entre nous. On profite juste de la chance que nous avons de pouvoir faire ce quâon aime chaque jour qui passe.
Quelques minutes avant la fin de la rencontre, Fabrice obtient un coup franc intĂ©ressant juste aux abords de la surface. Bruma botte un ballon flottant que notre milieu amĂ©ricain, Tyler Adams, reprends de la tĂȘte. Tout le monde se lĂšve dâun coup et laisse Ă©clater sa joie. Jusquâaux derniers instants, nous restons debout Ă encourager les autres, Ă les applaudir. Nos trois premiers points de la saison en C1, câĂ©tait important pour nous.
Aujourdâhui, nous avons une sĂ©ance dâentrainement axĂ©e physique. Lâambiance est dĂ©tendue, plutĂŽt zen. Tout le monde se donne mais des rires se font rĂ©guliĂšrement entendre. Lorsquâil faut se mettre en groupe, nous nous mettons ensemble avec Zinho, Yorbe, Fabrice et Tom KrauĂ. Seul Erik ne vient pas. Lorsquâon lâappelle pour quâil nous rejoigne, il nous tourne dĂ©libĂ©rĂ©ment le dos. Cette situation commence Ă mâĂ©nerver. Cela fait un moment quâil est comme ça et personne ne sait pourquoi. Sâil a un problĂšme, il nâa quâĂ le dire.
A la fin de la sĂ©ance, tout le monde rentre au vestiaire se laver, se changer avant de partir. Quelques blagues assez potaches fusent, ce qui fait rire tout le monde. Avec les potes, nous traĂźnons un peu Ă faire les idiots, notamment en balançant un seau dâeau froide sur Yorbe. Devant le centre dâentrainement, nous retrouvons Erik, seul. La rue est dĂ©serte. Fabrice me tape lâĂ©paule, sâapproche de lui et lui demande si ça va. Pas de rĂ©ponse exceptĂ© un grognement. Je mâapproche Ă mon tour du jeune homme.
«Quâest ce qui ne va pas Erik ?» lui demande-je en posant ma main sur son Ă©paule.
Au contact de ma main, il se dégage brusquement, se tourne vers moi et tout en me pointant du doigt, grogne :
«Ne me parle pas sale lÚche cul !»
Ses yeux lancent des Ă©clairs, son regard me transperce de part en part. La situation pourrait dĂ©gĂ©nerer tant je sens une vague de colĂšre se dĂ©velopper en moi. Heureusement, nos amis interviennent et notamment Zinho qui sâinterpose immĂ©diatement entre nous, permettant ainsi de maintenir une distance respectable. Erik me toise dâun air dĂ©daignieux, tourne les talons et part. Nous restons silencieux quelques instants avant quâun de nous, je ne sais plus qui, dĂ©clare :
«Et bien, il ne sâest pas levĂ© du bon pied lui.»
La tension redescendant, nous repartons tous, chacun chez soi. SitĂŽt arrivĂ© Ă lâappartement, je prends ma planche et file au skatepark me dĂ©tendre un peu. Sur le chemin, la phrase de lâallemand me tourne encore et encore dans le crĂąne. Mais quâest ce quâil a voulu dire par lĂ ? Il pense que je suis favorisĂ© par le coach ? On ne joue mĂȘme pas au mĂȘme poste, il ne me prend quand mĂȘme pas pour un concurrent ?
AprĂšs une bonne heure Ă enchaĂźner un maximum, je me laisse tomber sur un petit muret. De ma poche, je tire un paquet de tabac. jâentreprends de me rouler une cigarette que je fume tranquillement. Tout est dĂ©sert autour de moi, ça fait du bien ce calme.

Tandis que je tire une derniÚre taffe, je me laisse aller en arriÚre, me couchant sur le béton froid mais sec du petit mur et je regarde le ciel, encore bleu mais parsemé de nuages blancs qui défilent à toute vitesse. Je suis bien ici.

Mais il nâen est rien. A domicile, nos adversaires du jour nous accueillent dans un 4-4-2 compact, positionnĂ© trĂšs bas. Tout le monde sans exception est dans son camp et dĂ©fend. Pour ainsi dire, dĂšs que nous rĂ©cupĂ©rons le ballon quelques secondes aprĂšs le coup dâenvoi, nous ne le lĂąchons plus, en tĂ©moigne cette possession de 82%, juste irrĂ©elle. Mais, jâavoue quâon ne sait pas quoi faire du cuir. Nos passes et nos combinaisons ne parviennent pas Ă dĂ©stabiliser le bloc adverse et quand nous parvenons Ă enfin sâapprocher du but, soit nous nous montrons peu prĂ©cis, soit Alexander Schwolow se montre intraitable sur sa ligne.
Je reconnais quâĂ lâimage de lâĂ©quipe alignĂ©e, je suis loin de faire mon meilleur match. ImprĂ©cis dans mes transmissions, trop peu en mouvements et bien malmenĂ© par mon vis-Ă -vis lorsque jâessaie dây aller en accĂ©lĂ©rant. Ma nuit sportive avec Cassie a laissĂ© des traces. Plus jamais je dors chez elle la veille dâun match.
La pluie commence Ă tomber lorsque le sifflet final retentit. Je baisse la tĂȘte pour ne pas voir le ciel grisatre dĂ©verser ses trompes dâeau sur un stade qui nous siffle, qui se moque de notre performance Ă base de Bande de vendu, ou dâEnnemi du football. Le fait que la marque Red Bull soit Ă lâorigine de ce que nous sommes attises toujours autant la haine.
Six jours aprĂšs notre derniĂšre rencontre en club, nous nous retrouvons avec Zinho et Yorbe sur le terrain immonde du Daugava, lieu de rĂ©sidence du FC Liepaja. Si ce stade a une capacitĂ© de 5000 places, il nây a que moins de 900 courageux qui ont oser braver le froid pour voir cette rencontre sur ce champ Ă patate. Lâambiance est moribonde dans le vestiaire, je crois que personne nâa envie dâaffronter la tempĂ©rature, la boue et cette Ă©quipe rugueuse devant son public. Mais bon, quand il faut, il faut.

DĂšs les premiers instants de jeu, je mâempare le ballon et fait le show. Je dribble un joueur, deux joueurs, trois joueurs puis lĂąche le cuir pour Verlinden qui voit son tir ĂȘtre captĂ© dans les mains du gardien. Ce nâest que partie remise. DĂšs le dĂ©gagement du portier, nous rĂ©cupĂ©rons la balle et nous repartons devant. Sur un centre de mon homologue de gauche, je mâinfiltre dans la surface, saute entre deux dĂ©fenseurs mal placĂ©s et ouvre ainsi le score, dĂšs la deuxiĂšme minute.
Peu de temps aprĂšs, je rĂ©cidive sur une passe en profondeur de Kenneth de Keyser, trĂšs en jambe, avant de voir triple grĂące Ă une talonnade de mon ami, Yorbe Vertessen, beaucoup trop altruiste. En effet, il aurait pu y aller seul, je suis certain quâil lâaurait mise au fond, mais il a prĂ©fĂ©rĂ© assurer le coup en remettant en arriĂšre.
Câest lors de la seconde mi-temps, aprĂšs lâheure de jeu, que jâinscris mon cinquiĂšme but du match, sur un penalty tirĂ© en force que jâai moi-mĂȘme provoquĂ© en allant titiller du ballon un dĂ©fenseur Ă lâallure patibulaire, juste au niveau du point de penalty. Juste aprĂšs, le coach me fait sortir afin de faire tourner lâĂ©quipe au maximum. Câest vrai quâĂ 7-0, avec mes cinq buts, celui de De Keyser qui rĂ©compense sa formidable activitĂ© ainsi que celui de Vertessen, nous sommes vraiment bien Ă lâabri. Dâailleurs, bon nombre des spectateurs ont dĂ©jĂ quitter le stade.

«Tom, tu tires !»
Cela me surprend, ce nâest pas moi le tireur dĂ©signĂ© mais bon. Je rejoins le ballon. Il est positionnĂ© sur la droite du terrain, Ă exacte distance entre le coin de la surface bulgare et la ligne de touche. Je me recule de trois grands pas, lĂšve la tĂȘte pour regarder le paquet de joueur massĂ© dans la surface, prend une grande inspiration et mâĂ©lance vers le ballon. La balle, flottante, sâĂ©lĂšve bien haut, passant largement au dessus du premier rideau de joueur et entame une redescente rapide au niveau du second poteau. Dâun coup, Zinho Vanheusden surgit et se lance en avant pour reprendre le ballon du bout du front. 1-0. Tout le monde se prĂ©cipite sur lui pour le fĂ©liciter. Je souris. Câest vrai que câest un beau but.
Le reste de la premiĂšre mi-temps est plus calme, les visiteurs cadenassant bien le terrain. Dans notre camp, aucune inquiĂ©tude ne se fait ressentir. Il nây a pas de raison de se presser, nous allons bien aggraver le score Ă un moment oĂč Ă un autre.
Finalement, ce sera Ă la 47e minute, aprĂšs ĂȘtre revenu sur le terrain pour la seconde moitiĂ©. Sur une mauvaise transmission adverse, je rĂ©cupĂšre la balle juste aprĂšs le rond central, plein axe. ImmĂ©diatement, jâavance balle au pied et Ă©tonnement, le pressing adverse nâest pas incroyable puisque le premier bulgare Ă me bloquer le chemin ne sâinterpose que juste devant sa surface. Je me joue de lui dâun rĂąteau savamment effectuĂ©, prend appui sur mon pied droit et dĂ©croche une frappe puissante, Ă une quinzaine de centimĂštre du sol qui fait trembler les filets pour la seconde et derniĂšre fois de la partie.
A la fin de la rencontre, je suis nommĂ© homme du match par la presse sportive belge qui loue le changement tactique de notre coach, nous disposant en 4-2-3-1, me permettant de jouer dans lâaxe, juste derriĂšre Yorbe. Câest vrai que jâapprĂ©cie de jouer dans lâaxe, ce qui me rapproche du but. Mais est ce que je pourrai un jour mâinstaller lĂ , je ne sais pas, jâai jamais vraiment rĂ©flĂ©chi Ă la question.
Je ne sais si le coach lit dans mes pensées mais à notre retour de rassemblement, nous commençons de nouveau à travailler sur un systÚme en 4-2-3-1, me permettant de jouer derriÚre Timo Werner.

Le seconde pĂ©riode est Ă lâimage de la premiĂšre. Schalke se montre solide au duel et ne recule pas de trop, ce qui leur Ă©vite de couler, sans pour autant se montrer fonciĂšrement dangereux devant. Juste avant lâheure de jeu, câest notre buteur numĂ©ro 1 qui aggrave le score dâune frappe puissante, sur une belle passe en profondeur de Diego Demme, auteur dâun rĂ©cital dĂ©fensif au milieu du terrain.
Enfin, je me permets Ă la 84e minute dâinscrire mon nom au tableau dâaffichage grĂące Ă un tir puissant. Je rĂ©cupĂšre le ballon dâun tacle glissĂ© plein axe et mâĂ©lance en avant. Sur une intuition, je dĂ©cide de tenter ma chance de loin, de lâextĂ©rieur de la surface et mon tir plein dâeffet trompe le portier adverse qui se couche du mauvais cĂŽtĂ©. 3-0, la messe est dite. Ce score nous rassure dâailleurs, vu la rencontre importante face au Milan qui arrive dans quelques jours.

La premiĂšre mi-temps est poussive, et câest peu de le dire. Je vois mes coĂ©quipiers Ă la peine au moment de construire, de faire le jeu et cela Ă©nerve certains joueurs sur le terrain, coupable de gestes dâhumeur, et Philipp Lahm qui fait les cent pas tout le long.
La mi-temps dans le vestiaire est le moment soufflante. Le coach met en avant ce quâil ne va pas et donne ses consignes pour la suite. Au moment de ressortir, il dit alors :
«Tom, tu vas tâĂ©chauffer, tu rentreras aprĂšs.»
Je mâĂ©xĂ©cute rapidement tout en ayant un petit sourire pour Fabrice que je vais remplacer. Câest vrai quâil ne joue pas son meilleur football aujourdâhui mais bon, ça reste mon ami, je nâaimerai pas quâil exprime de lâanimositĂ© envers moi comme Erik.
En faisant mon entrĂ©e sur la pelouse, je touche lâherbe, lĂ©gĂšrement humide. Le stade est rempli et son ambiance contraste avec le ciel Ă©toilĂ© qui nous surplombe. Je rejoins ma position et le jeu reprend.
Rapidement, je me montre en jambe, enchainant quelques actions intĂ©ressantes. Mais câest aprĂšs lâheure de jeu que je mâillustre. Kevin Kampl intercepte le ballon dâun tacle glissĂ© parfaitement executĂ©. Je me prĂ©cipite pour rĂ©cupĂ©rer le cuir, Franck KessiĂ© sur les talons. JâĂ©carte les bras pour le protĂ©ger du milieu milanais qui se tient les jambes ouvertes. Jâen profite et du talon, jây fais passer la balle que je rĂ©cupĂšre avec vivacitĂ©. Jâarrive Ă avancer dâune dizaine de mĂštre avant dâadresser une sorte de centre flottant en direction du point de penalty. Timo Werner pourtant mal positionnĂ©, se retourne en pleine course et lance ses jambes vers le haut pour reprendre le ballon en force. Tout en retombant au sol, il jette un regard vers le but. Le gardien milanais est immobile tandis que le ballon est sur son cĂŽtĂ©, au fond du filet. Devant la vivacitĂ© du geste, il nâa rien pu faire.
Timo et moi nous prĂ©cipitons lâun vers lâautre pour se fĂ©liciter de cette belle action qui reste jusquâau bout lâunique but de la partie. Quel bonheur de gagner dans un stade si majestueux !
Je nâai pas jouer aujourdâhui. Je nâĂ©tais mĂȘme pas sur le banc, mais bien en tribune.
AprĂšs la rencontre Ă Milan, jâai ressenti une gĂȘne Ă la cheville droite. Et pour cause. Elle arborait un bel hĂ©matome qui prenait toute sa largeur. PrivĂ© dâentrainement et donc de match pour quelques jours, je nâavais quâĂ mâasseoir dans les travĂ©es du stade de Mönchengladbach. Quel nâest pas ma surprise dây retrouver un compatriote, dâĂȘtre assis Ă cĂŽtĂ© de lui. Thorgan Hazard, lui aussi lĂ©gĂšrement blessĂ©, est le premier Ă mâinterpeller. Nous discutons pendant la totalitĂ© de la partie, conclue sur le score de 2-2, de Belgique et surtout de la sĂ©lection.
«Tu sais que tu pourrais ĂȘtre bien vite appelĂ©.» me dit-il alors que tout le stade sifflait le but de mes coĂ©quipiers.
«Je suis loin dâĂȘtre au niveau. Depuis que Wesley Sonck a reprit la sĂ©lection, le groupe a lâair hyper stable.»
Thorgan me regarde en souriant.
«Certains nâont pas beaucoup de temps de jeu et pourraient bien sortir des listes. Le niveau tu lâas, ne tâinquiĂšte pas.»
Je nâen reviens pas de ses propos. Câest vrai que disputer des rencontres avec les diables rouges ce serait une certaine forme dâaboutissement mais je suis bien incapable de mâimaginer maintenant en coĂ©quipier de ces joueurs que jâadmire depuis un moment.
Pendant tout le trajet du retour, Cassie me prend la tĂȘte par SMS. Elle me reproche de ne pas avoir passĂ© la journĂ©e avec elle. Je crois quâelle ne comprend pas que jâai des impĂ©ratifs professionnels et que je ne me ballade pas comme ça. Enfin bref, lorsque nous arrivons, je suis bien Ă©nervĂ©. Je dĂ©cide alors de faire un tour dans un bar pas loin, me dĂ©tendre un peu. Quelle nâest pas ma surprise dây trouver Mary Schröder, ma psy, visiblement pompette.
«Bonsoir Madame Schröder. Je suis surpris de vous voir ici, câest la premiĂšre fois.»
Elle Ă©clate de rire, titube un peu et mâattrape le bras, toute souriante, comme je ne lâai jamais vu.
<«Tu peux mâappeler Mary tu sais.» me rĂ©pond-elle en me faisant un clin dâoeil.
Puis elle rajoute :
«Je fĂȘte ma libertĂ© ! Câest bientĂŽt fini avec mon idiot de mari. Jâen profite.»

Sur ces mots, elle mâentraine vers le bar et nous commandons Ă boire, une flute de champagne pour elle, un rhum pour moi. Câest amusant, personne ne me demande ma carte dâidentitĂ© ici, pourtant, je nâai pas encore lâĂąge de tout ça mais bon, ça mâarrange. Personne ne sâĂ©tonne non plus quâune femme qui a plus du double de mon Ăąge soit pendu Ă mon bras et me raconte les causes de sa joie.
Nous restons une bonne heure ensemble Ă parler de tout et de rien puis Mary vraiment trĂšs saoule dĂ©cide dâappeler un taxi pour rentrer. Nous sortons et au moment de nous quitter, elle sâavance vers moi pour me faire la bise. Je ne peux mâempĂȘcher de loucher vers son dĂ©colletĂ©. Je crois quâelle mâa grillĂ© vu le regard malicieux quâelle me lance en montant Ă lâarriĂšre de la Mercedes.
Cette soirĂ©e aura vraiment prit une tournure inattendu. Mary Schröder est bien la derniĂšre personne quâon sâattend Ă croiser dans un bar, mĂȘme dans un classe comme celui-ci et pourtant. Sur le chemin du retour, je me remĂ©more la soirĂ©e. Câest vrai que câĂ©tait un moment agrĂ©able et je dois bien reconnaĂźtre quâelle ne me laisse pas indiffĂ©rent. Mais bon, je crois que câest Ă cause de lâalcool quâelle sâest comportĂ©e ainsi. Quâa-t-elle Ă faire dâun gamin mĂȘme pas majeur ?
Ah non, pas la vieille hein !
La suite est pour quand ? Câest long !
RĂ©ponses aux lecteurs
Câest dans les vieux pots quâon fait les meilleures confitures
AprĂšs lâentrainement le dernier entrainement du jour, je profite du beau temps pour faire un tour en ville. Aujourdâhui, câest la Saint Nicolas, une fĂȘte particuliĂšre oĂč petits et grands reçoivent des cadeaux sâils ont Ă©tĂ© sage. Quand jâhabitais chez ma mĂšre, il nâĂ©tait pas question que chacun ne retrouve pas dĂšs le rĂ©veil son assiette de friandises et chocolats en tout genre. Mais maintenant, je nâai plus personne pour me faire ça. Faut surtout pas compter sur Frank, il est de moins en moins prĂ©sent. Je sens que le vent tourne. Ăa ne me surprendrait pas quâil mâannonce dâici peu quâil souhaite retourner Ă Bruxelles retrouver sa copine Marie.
Bref, je me balade tranquillement, faisant du lĂšche vitrine. Je mâachĂšte un nouveau jeu vidĂ©o, un cd et un bouquin et, voyant la nuit tomber, dĂ©cide de rentrer chez moi. Dâun coup, la ville est dĂ©serte ou presque. Comme si le soir arrivant, tous disparaissaient. Je marche dâun pas dĂ©cidĂ©, lâestomac grognant.
Soudain, un homme surgit devant moi. Nous nous trouvons dans une rue dĂ©serte, qui bien quâĂ©troite, possĂšde des trottoirs suffisant large pour passer Ă deux. Pourtant, il se plante devant moi. Je mâarrĂȘte brusquement et le regarde avec insistance. Lâhomme doit avoir au moins la quarantaine et est tout de noir vĂȘtu. Nos regards se croisent et se fixent avec force. Dâun coup, sans que je ne puisse esquisser le moindre geste, il mâattrape par lâencolure de la veste et me pousse vers sa droite, contre le mur. De prime abord, il ne semble pas trĂšs costaud, mais il sâavĂšre que câest tout le contraire. Du moins, il a suffisamment de force que pour soulever mes 75kg.
«Je te reconnais toi ! » sâĂ©crit-il. «Tu es Tom Vanar !»
Jâaurai bien envie de le corriger sur mon nom mais vu son regard menaçant, ce nâest pas le moment de faire le malin. Ne sachant quoi dire, jâacquiesce dâun hochement de tĂȘte. Pourvu que ce ne soit quâun vol ou une idiotie comme ça.
«Toi et ton club de merde allez en enfer ! Bandes de pourris ! Vous dĂ©shonorez le football et lâAllemagne !»
Câest donc ça. Monsieur est un supporter dâun autre club et visiblement, il nâapprĂ©cie pas trop Leipzig.
Il enchaßne, sa voix toujours plus menaçante :
«Je ne sais pas ce qui mâempĂȘche de te casser la gueule.»
Ăa y est, je vais y passer. TabassĂ© par un cinglĂ© du ballon rond, une bien triste fin. Subitement, la pression de ses doigts sur mon col se relĂąche et lâhomme disparaĂźt en courant. Je me laisse tomber au sol et je vois une voiture, moteur allumĂ©, portes grandes ouvertes et deux personnes, un homme et une femme en sortir. Je comprends quâils passaient lĂ , ont vu lâagression et sâont descendu pour sâinterposer.
Mes sauveurs me ramĂšnent chez moi, bien gentiment aprĂšs mâavoir proposĂ© de mâamener au poste porter plainte contre X. Mais je refuse. Pourquoi faire ? Cela nâaura aucun effet. Puis, je nâen ai pas envie. Une fois chez moi, je les remercie chaleureusement. Ils me laissent leurs noms et numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone, au cas oĂč je changerai dâavis sur la plainte puis partent. Je me dĂ©barrasse de ma veste complĂštement dĂ©chirĂ©e, de mes vĂȘtements et me glissent sous la couette froide de mon lit. Fini pour aujourdâhui, je nâai plus envie de rien.
DĂšs le rĂ©veil, mon premier rĂ©flexe est de vĂ©rifier si jâai des marques visibles sur le corps. Heureusement, rien nâapparait. Tant mieux, je ne veux en parler Ă personne. Je prends une douche rapide, un solide petit dĂ©jeuner et je me met en route. Aujourdâhui, un dĂ©placement Ă BrĂȘme nous attend pour rencontrer lâactuel 4e de Bundesliga. LâĂ©quipe de Julian Nagelsmann fait peur. Elle a fait tomber les meilleurs et se montre vraiment solide cette saison aprĂšs avoir flirtĂ© avec la relĂ©gation. Il va falloir se mĂ©fier.

La rencontre est dĂ©jĂ compliquĂ© en soi, mais elle le devient encore plus pour moi avec le fait quâErik Majetschak, titulaire Ă la place de notre vice-capitaine, malade, refuse de me faire la passe, mĂȘme lorsque je dĂ©zone et redescend pour le soutenir. Du coin de lâĆil, je vois le coach passablement agitĂ© le long de la touche, agitation qui se transforme en colĂšre quand nous encaissons un but Ă la suite dâun contre assassin.
Si Erik est remplacĂ© Ă la pause, nous ne parvenons toujours pas Ă faire quelque chose du ballon. La frustration nous gagne, et les gestes dâhumeur apparaissent. Je suis notamment averti Ă la 62e pour avoir shootĂ© dans le ballon aprĂšs que lâarbitre ait sifflĂ© une faute en faveur de nos adversaires.
Lorsque la rencontre se termine, sur ce score de 1-0, câest la liesse pour le Werder et la grosse dĂ©prime pour nous. AprĂšs avoir fait match nul face Ă Wolfsburg mercredi, match oĂč jâĂ©tais en tribune, voilĂ que nous perdons. Sale semaine pour le RB Leipzig.
Malgré nos derniers résultats plutÎt médiocre, il faut repartir au charbon pour la derniÚre rencontre de la phase de groupe de la C1, rencontre qui déterminera si nous disputerons la Ligue des champions ou bien la Ligue europa.

La seconde mi-temps se rĂ©vĂšle un peu moins poussive. Nous jouons plus en bloc et cela porte ses fruits. Les catalans ne sâapprochent plus de notre but. Si Werner nous dĂ©livre dâune superbe frappe croisĂ©e, je ne dois pas dire que ma prestation restera dans les annales. Pendant 90 minutes, ce ne sera quâun florilĂšge de mauvaises passes, de dribbles ratĂ©s et dâimprĂ©cisions techniques.
Je ne suis ni fatiguĂ© ni blessĂ©. Je nâarrive juste pas Ă me concentrer. Je nâarrĂȘte pas de repenser Ă ce type qui mâa violemment accostĂ© en rue. Je crois que jâai peur que ça se reproduise et du coup, je nâarrive plus Ă penser Ă autre chose.
Quand le coup de sifflet retentit, je me laisse choir sur la pelouse. Jâai vraiment Ă©tĂ© nul aujourdâhui, et ça me dĂ©prime. Je jette un petit regard vers loges VIP, comme en guise de dĂ©solĂ©. Nous avons pu inviter nos familles pour ce dernier match de C1, et ma mĂšre, Frank, Cassie et ses parents sâont venu nous applaudir. Sans doute sâattendaient-ils Ă mieux de ma part.
Dernier match avant une trĂȘve bienvenue. Mais pas une rencontre facile. En effet, nous nous dĂ©plaçons sur la pelouse de lâactuel leader du championnat. Leverkusen, dirigĂ© depuis mars par le grand ZinĂ©dine Zidane, lĂ©gende parmi les lĂ©gendes, est en train de faire une Ă©norme saison, caracolant en tĂȘte de Bundesliga. Clairement, si nous gagnons, nous reprenons le commandement des opĂ©rations pour un point. Mais si nous perdonsâŠ
Pour lâoccasion, Philipp Lahm retente son 4-2-3-1. Avec Yussuf Poulsen, Bruma et Marcel Sabitzer, nous formons un quatuor offensif prĂȘt Ă tout, et ce malgrĂ© lâabsence handicapante de notre meilleur buteur.

A la 6e minute de jeu, nous perdons la balle sur une mauvaise transmission de notre part, juste devant notre surface. Mauvaise idée. Charles Aranguiz récupÚre le cuir, perfore notre défense et fixe notre portier qui est prit à contre pied. Nos adversaires sont aux anges, et nous, au fond du trou. Cela commence mal, trop mal.
DĂšs lors, nous sommes malmenĂ©s encore et encore et nous prenons lâeau de toute part. Je ne touche presque pas le ballon, malgrĂ© que je redescende un peu. Mais les joueurs de Leverkusen font preuve de bien trop de maĂźtrise que pour nous laisser nous Ă©chapper.
Et peu avant la pause, câest la pĂ©pite allemande, le futur de la nationalmannschaft, Kai Havertz qui sâempare du ballon, de nouveau sur une mauvaise transmission et inscrit un but magnifique. Je vois quâĂ cĂŽtĂ© du banc, le coach se prend la tĂȘte entre les mains. Le pessimisme est dans nos rangs.
A la pause, nous prenons une soufflante comme je nâai jamais vu. Philipp Lahm se montre vraiment furieux du jeu ou plutĂŽt de lâabsence de jeu que nous proposons. Et je sais que je suis particuliĂšrement visĂ©. A plusieurs reprises, jâai parlĂ© avec lui de mon attirance pour lâidĂ©e dâĂ©voluer dans lâaxe en soutien de lâattaquant. Et enfin quand il me le permet, je foire tout.
«Daniele, Ă©chauffes toi. On va repasser en 4-3-3. Tom, câest toi qui saute.»
A ces mots, je comprends que je lâai vĂ©ritablement déçu. Je nâai pas Ă©tĂ© incroyable face Ă Barcelone et pourtant il mâa laissĂ© sur le terrain. Aujourdâhui, pas de pitiĂ©. Je joue mal, je dĂ©gage.
Jâenfile mon survĂȘtement, une veste, et je vais prendre place Ă cĂŽtĂ© de Yorbe, la mine renfrognĂ©e. Avec Daniele De Rossi sur le terrain, lâĂ©quipe se montre plus Ă©quilibrĂ© et moins sujette aux percĂ©es adverses. A 36 ans, lâitalien reste un joueur impressionnant.
Alors que nous sommes dans le temps additionnel, Marcel Sabitzer inscrit un but, pour « lâhonneur », sur une passe dĂ©cisive de Forsberg, venant dâentrer en jeu. Ce nâest vraiment pas une belle maniĂšre de cloturer la premiĂšre partie de saison. Je me dis, et je pense que câest la mĂȘme chose pour mes coĂ©quipiers, quâheureusement que Munich et Dortmund déçoivent cette saison. Parce que si ça nâavait pas Ă©tĂ© le cas, on serait bien plus loin au classement.
Comme la saison passĂ©e, je profite de la trĂȘve de noĂ«l pour revenir en Belgique passer les fĂȘtes en famille. Cette annĂ©e, nous nous retrouvons Ă quatre dans le petit appartement de LiĂšge, ma mĂšre bien sĂ»r, Frank, Marie et moi.
Je profite du trajet en train de plusieurs heures pour lire un peu les forums des supporters du club. AprĂšs, je compte bien dĂ©connecter un peu du football pour les prochains jours, afin de me ressourcer et de revenir en pleine forme pour la seconde partie de saison. Je suis agrĂ©ablement surpris de voir que je suis quand mĂȘme apprĂ©ciĂ© par les fans. MalgrĂ© tout ce qui se passe, je nâai pas lâimpression que ma vie ait changĂ© par rapport Ă avant. Tant mieux devrais-je dire.

NoĂ«l comme on les aime. Comme chaque annĂ©e, ma mĂšre a mit les petits plats dans les grands pour que le rĂ©veillon soit un moment magique. Entre le repas copieux et dĂ©licieux, Ă base de dinde, de marron ou encore de saumon, la playlist dâambiance, le bon vin, et lâambiance chaleureuse, tout y est pour passer un bon moment.
Peu avant minuit, nous dĂ©cidons de procĂ©der au moment des cadeaux, pour ainsi profiter du feu dâartifice toujours tirĂ© Ă quelques encablures du balcon. Par soucis dâĂ©quitĂ©, nous avions choisi de ne pas dĂ©passer le budget de 15⏠par personne. Entre deux embrassades, les papiers cadeaux volent en tous sens. Je distribue Ă la volĂ©e, des chaussettes pour Frank, un livre pour ma mĂšre et une Ă©charpe pour Marie. Pour ma part, je reçois des bandes dessinĂ©es et des pyjamas de ma maman. Peut-ĂȘtre a-t-elle peur que je ne puisse pas en acheter Ă Leipzig ? Je la taquine avec ça, ce qui nous fait bien rire.
Soudain, ce moment est interrompu par un raclement de gorge. Câest Frank. Nous le regardons tous. Que veut-il nous annoncer ? Il sâavance dâun pas, pose rapidement un genou Ă terre devant sa moitiĂ©, se racle une nouvelle fois la gorge avant de se lancer dans un discours larmoyant. Avant mĂȘme quâil nâait ouvert la bouche, nous avions tous compris de quoi il retournait et Marie Ă©tait dĂ©jĂ en pleurs.
Un beau moment, touchant, mais qui sonne Ă©galement le glas de notre colocation. Je ne doute pas un seul instant que Frank va en profiter pour retourner sur Bruxelles, vivre Ă plein temps avec sa fiancĂ©. Je me sens un peu abandonnĂ© mais bon, câest le cours de la vie, je devais mây attendre.
«Jâattendrai que tu sois majeur pour repartir.»
Je me retourne. Câest mon frĂšre. Perdu dans mes pensĂ©es, je ne lâai pas entendu entrer dans ma chambre. Il continue :
«Je me doute bien que ça va te faire bizarre, mais ne tâinquiĂšte pas, je viendrai souvent te voir. Une semaine sur deux si tu veux mĂȘme.»
GĂ©nial, câest comme une garde alternĂ©e. Je soupire bruyamment.
«Bonne nuit Frank.»
Et je me glisse dans mon lit en silence pendant que mon frĂšre quitte doucement la chambre. JâespĂšre quâil a compris que je nâĂ©tais pas spĂ©cialement ravi de tout cela.
Cela faisait plusieurs dizaines de minute que jâessaie de faire une petite sieste mais rien nây fait. Je dois bien avouer que depuis noĂ«l, je mâennuie un peu. Mes journĂ©es se rĂ©sument Ă faire du sport, passer du temps avec ma mĂšre, dormir. Je ne sors pas, je ne parle Ă personne, des vacances loin de tout quoi.
Pourtant, aujourdâhui je craque. Je me dĂ©cide Ă sortir mon ordinateur de mon sac Ă dos, posĂ© Ă cĂŽtĂ© du petit lit et aller faire un tour sur internet.

Un article parlant des Diables Rouges, super ! Je clique sur le lien et entame immédiatement sa lecture.

Je reste stupĂ©fait quelques instants. Michel Preudâhomme me pense capable dâintĂ©grer Ă terme la sĂ©lection. Je suis aussi surpris quâheureux. Surpris car mon comportement lors de mon passage au Standard nâa pas vraiment Ă©tĂ© exemplaire et cela aurait pu peser dans la balance mais heureux quâun entraĂźneur reconnu comme cela me pense prĂȘt à ça. Câest vrai que ce serait un rĂȘve, disputer une compĂ©tition avec ces joueurs qui me font rĂȘver. La plupart des cadres sont des hĂ©ros de mon enfance et de mon adolescence.
Je repose la machine sur le sol. Finalement, jâai bien fait de craquer. Je ferme les yeux, un large sourire aux lĂšvres. Et rapidement, le sommeil me gagne, comme par enchantement.
La trĂȘve va faire du bien hein. Pas en forme le Tom.
Bon courage pour la suite !
RĂ©ponses aux lecteurs
Pas facile dâenchainer Ă cet Ăąge-lĂ . SĂ»r que la trĂȘve fera du bien
AprĂšs quelques jours de repos, il est temps de reprendre la direction de lâAllemagne pour la reprise de lâentrainement. Lâesprit encore embrumĂ©, je monte dans le train me ramenant chez moi, Frank Ă mes cĂŽtĂ©s. Pendant le trajet, un garçon vient me voir, me demande de lui signer un autographe et de faire une photo avec lui. Aussi surpris que flattĂ©, je mâexĂ©cute prestemment. Câest bien la premiĂšre fois que cela mâarrive, dâhabitude, câest lorsque les fans viennent assister Ă une session dâentrainement ou quoi et je ne suis pas seul. Je nâai pas lâimpression dâĂȘtre si connu ou si bon que ça pour mĂ©riter que quelquâun sâintĂ©resse Ă moi de la sorte. Mais bon, faut savoir en profiter.
Pour la premiĂšre fois depuis des jours et des jours, il fait beau Ă Leipzig. Du moins, câest ce que me disent mes coĂ©quipiers qui sont restĂ©s ici. Le premier entrainement se dĂ©roule Ă merveille. Câest un dĂ©crassage physique intense, pour Ă©liminer les excĂšs des fĂȘtes. Pour autant, lâambiance est relativement dĂ©tendue. Tout le monde sourit, discute, fait des plaisanteries aux autres. MĂȘme Philipp Lahm qui habituellement se tient plus en retrait court avec nous, un sourire aux lĂšvres.


Lorsque je vois passer un tweet annonçant le dĂ©part en prĂȘt dâErik, je dois bien avouer que je pousse un ouf de soulagement. Pas que je ne lâapprĂ©cie pas non, je suis juste toujours dĂ©stabilisĂ© par son animositĂ© nouvelle envers moi et je ne sais pas comment rĂ©agir. Cela me mettait la pression en permanence. JâespĂšre que lorsquâil reviendra, cela aura changĂ©. CâĂ©tait un bon ami aprĂšs tout.
Reprise de la compĂ©tition aujourdâhui ! A cause dâune petite douleur Ă la cuisse, je nâai pas pu participer Ă la rencontre amicale dâil y a une semaine, sur le terrain de Bochum, que mes coĂ©quipiers ont facilement remportĂ©.
Mais pour la reprise de la Bundesliga, je suis présent, en forme, et surtout titulaire dans le 4-2-3-1 que le coach veut de nouveau expérimenter, et ce malgré les blessures de Forsberg et de Werner.

A la pause, le coach fait part de son mĂ©contentement. Tu mâĂ©tonnes, on joue comme des pieds. Il prends alors la dĂ©cision de repasser au 4-3-3 et cette fois-ci, câest mon homologue autrichien, pas du tout en forme aujourdâhui, qui est sacrifiĂ©.
Nous revenons sur le terrain avec de meilleures intentions. Dâun coup, notre jeu est plus fluide, plus percutant et câest la panique Ă bord chez nos adversaires Ă chacune de nos incursions. Vers la 50e minute de jeu, je reçois le ballon de Daniele De Rossi, une passe longue dâune prĂ©cision folle, comme Ă son habitude. Je contrĂŽle de la poitrine et mâinfiltre entre deux joueurs avant de remettre le cuir Ă Yussuf, dos au but. Ce dernier me le remet immĂ©diatement dans la profondeur, sur sa gauche. Je rĂ©cupĂšre le ballon, dribble le latĂ©ral berlinois et centre en force. Un de leurs dĂ©fenseurs sâĂ©lĂšvent plus haut et le repousse dâune tĂȘte bien ajustĂ©e. Mais Bruma qui rodait Ă lâentrĂ©e de la surface reprend la balle en premiĂšre intention. Un tir puissant et plein dâeffet qui trompe le portier qui se couche du mauvais cĂŽtĂ©.
Pendant une grosse dizaine de minutes, nous continuons de mettre de lâintensitĂ© mais le repli dĂ©fensif de lâHertha Berlin nous empĂȘche dâalourdir encore le score. Philipp Lahm nous fait alors signe de baisser dâintensitĂ©. Nos adversaires ne se montrent plus dangereux offensivement et le score est Ă notre avantage, autant y aller mollo. Dâailleurs, il me sort Ă la 80e minute pour mon ami, Fabrice Hartmann.
«Bon match Tom.» me glisse-t-il au moment oĂč je lui tape dans la main.
Jâenfile mon survĂȘtement et prend la place vacante sur le banc, Ă cĂŽtĂ© de Yorbe avec qui je commente la fin de la rencontre, dix derniĂšres minutes oĂč il ne se passe plus grand chose Ă lâexception dâun joli tir de Fabrice contrĂ© par le talon du gardien.
Une semaine jour pour jour aprĂšs notre dĂ©placement Ă Berlin, nous recevons Hamburg pour un match au sommet. Si les promus enchaĂźnent depuis plus de dix ans des rĂ©sultats plus moyens les uns que les autres, ils sont actuellement 4e, Ă Ă©galitĂ© de points avec le Bayern Munich. Le coach, Hannes Wolf, abat un travail considĂ©rable, qui lui vaut beaucoup dâĂ©loge ici, et câest bien mĂ©ritĂ©.
Comme la semaine passĂ©e, je suis titulaire en soutien de lâattaquant. Nous enregistrons les retours dâEmil Forsberg et de Timo Werner, qui sont dâailleurs tout deux titulaires avec Marcel Sabitzer et moi.

Nos combinaisons dans les petits espaces font des merveilles. Kevin Kampl rĂ©cupĂšre la balle au milieu de terrain et me le passe dâune ouverture puissante. Je vois Sabitzer faire un appel et aspirer avec lui deux dĂ©fenseurs, me libĂ©rant de lâespace. Je contrĂŽle dâun pointu, me retourne et tire de loin. Jâaurai pu avancer, mais jâai peur de me retrouver dans un goulot, asphyxiĂ© par la dĂ©fense adverse, et prĂ©fĂšre donc tenter ma chance de loin. Le ballon tourne, dĂ©crit une petite parabole et termine sa course au fond des filets, non sans avoir heurtĂ© avant le poteau droit. Tandis que je me dirige vers le coin de corner, le poing en lâair, mes coĂ©quipiers se jettent sur moi.
En me replacant, je cherche du regard Cassie. Elle est quelque part, assise dans les loges VIP. Mais je ne la vois pas. En mĂȘme temps, ça me semble assez improbable. JâespĂšre quâelle est fiĂšre de moi. DĂšs lâengagement, nous faisons pression sur les visiteurs pour rĂ©cupĂ©rer le contrĂŽle de la possession et mettre le feu dans le camp adverse. Nos adversaires semblent dĂ©bordĂ©s et inquiet et reculent de plus en plus.
Je rĂ©cupĂšre le cuir Ă la suite dâune louche de Diego Demme, dribble un joueur avec nonchalance avant de lancer en profondeur Sabitzer, pour une fois le long de sa ligne. Lâautrichien cavale, stoppe le ballon juste avant quâil ne sorte des limites du terrain. Câest vrai que ma passe nâa pas Ă©tĂ© la plus prĂ©cise. Petit crochet pour se dĂ©faire de son vis-Ă -vis, suivi dâun centre repoussĂ©.
Quelques instants plus tard, la mĂȘme action se reproduit. Je reçois le ballon de Diego Demme et tout en me retournant, je lance Emil dâune longue passe aĂ©rienne. Mon coĂ©quipier contrĂŽle facilement la balle et centre en force malgrĂ© que personne ne soit devant le but. Mais câest sans compter sur Werner qui, au mĂ©pris de la gravitĂ©, se jette en avant pour couper la trajectoire de la tĂȘte, juste avant le second poteau. Quel but fantastique ! Nous nous prĂ©cipitons pour le fĂ©liciter.
Quelques minutes plus tard, alors que je dispute une balle aĂ©rienne, je retombe mal sur ma cheville. Une petite douleur aiguĂ« se fait immĂ©diatement sentir. Si la bombe analgĂ©sique fait un peu de bien sur le moment, le gonflement de la cheville mâempĂȘche de rester sur le terrain et je me vois contraint de cĂ©der ma place Ă Tyler Adams, tandis que lâĂ©quipe repasse sur son habituel 4-3-3.
Je suis déçu Ă©videmment, jâaurai aimĂ© rester sur le terrain et continuer, je mâen sentais capable, mais le staff ne veut prendre aucun risque. Si je suis autorisĂ© Ă assister Ă la fin de la premiĂšre pĂ©riode, je me retrouve coincĂ© Ă lâintĂ©rieur avec un kinĂ© pendant la seconde, pour mon plus grand dĂ©plaisir.
AprĂšs deux mois sans consultation je retrouve Mary Schröder Ă son cabinet, dans une tenue plus sage que la derniĂšre fois que nous nous Ă©tions vu, dans ce bar oĂč elle Ă©tait dĂ©jĂ saoule.
Pour autant, la psychologue adopte une attitude qui tranche avec celle des rendez-vous ultĂ©rieurs. Je la trouve beaucoup plus souriante, avenante, me faisant mĂȘme des petits clins dâĆil rĂ©guliĂšrement. Dâailleurs, nos discussions sont beaucoup plus ancrĂ© sur le prĂ©sent et sur moi, et non sur la conception que je peux faire de diffĂ©rentes choses.
A un moment, je crois halluciner. Mary Schröder se redresse dans son siĂšge, dĂ©croise ses jambes, reste quelques instants les cuisses lĂ©gĂšrement entrouvertes avant de les recroiser de nouveau, mais dans lâautre sens. Ceci, dans un mouvement emplit de grĂące, de voluptĂ©. Ce moment me fait repenser Ă la fameuse scĂšne de Sharon Stone dans Basic Instinct, au moment de lâinterrogatoire. En vrai, ma psychologue fait exactement la mĂȘme chose.
En sortant du cabinet, je me sens un peu perdu. Je ne sais pas si je dois ĂȘtre excitĂ© de la tournure des Ă©vĂ©nements, inquiets ou tout simplement en avoir rien Ă faire. La douceur des lĂšvres de Cassie qui mâattend dans la rue me fait alors oublier mes rĂ©flexions tandis que nous partons, main dans la main vers sa maison.