Anibal GuimarĂŁes se trouvait dans une phase de profonde rĂ©flexion. Depuis plusieurs semaines, il oscillait entre deux visions de son avenir. Dâun cĂŽtĂ©, la tentation de retrouver une vie plus calme et sereine, entourĂ© de sa famille, loin des pressions et des dangers qui avaient marquĂ© son sĂ©jour en Colombie. De lâautre, le dĂ©sir de poursuivre lâaventure et de continuer Ă bĂątir sur les bases solides quâil avait Ă©rigĂ©es avec Envigado. Les succĂšs quâil avait connus en Copa Sudamericana et dans les compĂ©titions locales rĂ©sonnaient encore dans lâesprit des supporters et des dirigeants. Il avait atteint des sommets avec le club colombien, mais Ă quel prix ?
Assis dans sa villa isolĂ©e, un endroit oĂč il tentait de fuir les tumultes extĂ©rieurs, Anibal contemplait la mer qui sâĂ©tendait Ă perte de vue. CâĂ©tait ici, dans cette tranquillitĂ© apaisante, quâil rĂ©flĂ©chissait Ă ce quâil voulait vraiment. La Colombie lui avait offert Ă la fois le meilleur et le pire. Dâun cĂŽtĂ©, la reconnaissance dâun peuple, la satisfaction dâavoir transformĂ© un petit club en gĂ©ant continental. De lâautre, lâombre des cartels, les menaces sur sa famille et la peur omniprĂ©sente qui ne le quittait jamais vraiment.
Alors quâil sâabandonnait Ă ses pensĂ©es, son tĂ©lĂ©phone sonna, le sortant brusquement de sa rĂȘverie. CâĂ©tait Rafaela Pimienta, son agente et fidĂšle conseillĂšre depuis le dĂ©but de ses dĂ©boires. Il savait que cet appel allait chambouler ses rĂ©flexions.
« Anibal, comment tu te sens ? » demanda-t-elle dâune voix douce mais dĂ©terminĂ©e.
« FatiguĂ©, Rafaela⊠fatiguĂ© de tout ça. Jâai besoin de retrouver un peu de paix, de sĂ©rĂ©nitĂ©. Mais en mĂȘme temps, je ne peux pas mâempĂȘcher de penser Ă tout ce quâon a accompli en Colombie. Et tout ce quâon pourrait encore faire. »
Rafaela marqua une pause avant de répondre. Elle connaissait Anibal mieux que quiconque, elle savait que derriÚre son envie de calme se cachait toujours cette flamme brûlante de compétition.
« Ăcoute, je comprends, vraiment. Mais tu sais aussi bien que moi que ce que tu as rĂ©alisĂ© cette annĂ©e ne passe pas inaperçu. Tu as marquĂ© les esprits, pas seulement en AmĂ©rique du Sud, mais dans le monde entier. »
Anibal écoutait, silencieux.
« Je ne veux pas te pousser dans une direction ou une autre, mais je dois te dire ce que jâai appris. De nombreux clubs te veulent, et pas seulement en Colombie. Les grands dâArgentine et du BrĂ©sil sâintĂ©ressent sĂ©rieusement Ă toi. LâintĂ©rĂȘt saoudien est toujours lĂ aussi, tu nâes pas sans savoir que leurs moyens sont Ă©normes. Ils veulent construire un empire, et ils te voient comme lâun des piliers. »
Anibal ne rĂ©pondit pas tout de suite. Il avait dĂ©jĂ entendu parler de lâintĂ©rĂȘt du Golfe, mais lâidĂ©e de sâengager dans cette direction ne lâavait jamais rĂ©ellement convaincu.
« Mais ce nâest pas tout, » poursuivit Rafaela. « La CONCACAF a statuĂ©. Tu es autorisĂ© Ă entraĂźner en AmĂ©rique du Nord. Et lĂ -bas, ils sont prĂȘts Ă te dĂ©rouler le tapis rouge. Les Pumas au Mexique, Atlanta aux Ătats-Unis⊠Ils veulent tous te rencontrer. Et jâai eu des nouvelles de la fĂ©dĂ©ration qatarie, ils souhaitent faire de toi leur nouveau sĂ©lectionneur. Ils te voient comme lâhomme capable de relancer leur Ă©quipe nationale avant la prochaine Coupe dâAsie et pourquoi pas, les mener au Mondial. »
Ces mots rĂ©sonnĂšrent dans lâesprit dâAnibal. Le coach portugais, qui avait rĂȘvĂ© de compĂ©titions mondiales toute sa vie, se retrouvait face Ă une multitude dâoptions. Mais aucune nâĂ©tait simple.
« Rafaela, je ne sais plus quoi penser. Jâai donnĂ© tellement cette annĂ©e, et ces derniers mois avec tout ce quâil sâest passĂ© avec Reyes⊠Je veux juste retrouver une vie normale. »
« Je comprends, Anibal, vraiment. Mais est-ce que tu peux vraiment tâĂ©loigner du football ? Tu as encore tant Ă donner. Et tu le sais. Peut-ĂȘtre que ce que tu cherches, ce nâest pas la retraite, mais un nouveau dĂ©fi. Un dĂ©fi qui ne te met pas en danger, mais qui te permettrait de retrouver cette flamme, sans avoir la pression des cartels ou des histoires sordides. Câest ça que tu dois chercher. »
Anibal soupira.
« Tu as raison, comme toujours. Mais je dois aussi penser Ă ma famille. Je dois parler Ă Yessica, voir ce quâelle en pense. Je ne veux plus vivre dans la peur pour elle et pour notre futur enfant. »
« Bien sĂ»r. Prends le temps quâil te faut. Mais nâoublie pas que ces opportunitĂ©s ne se prĂ©sentent pas deux fois. Il y a des options qui peuvent te permettre de continuer Ă briller sans risquer ta sĂ©curitĂ© ou celle de ta famille. »
Anibal raccrocha, pensif. Il devait maintenant faire un choix. LâidĂ©e de diriger une sĂ©lection nationale comme le Qatar, ou de relever un dĂ©fi en AmĂ©rique du Nord, loin des tumultes de lâAmĂ©rique du Sud, Ă©tait tentante. Mais il savait que quelle que soit sa dĂ©cision, elle devait ĂȘtre celle qui lui permettrait de retrouver lâĂ©quilibre, de retrouver lâhomme quâil avait presque perdu dans cette annĂ©e folle.
Il se leva, se dirigea vers le jardin oĂč Yessica lâattendait. Ensemble, ils allaient prendre cette dĂ©cision. Anibal savait quâil ne pouvait pas tout abandonner. Il avait encore beaucoup Ă prouver. Mais il savait aussi que cette fois, il devait le faire dans des conditions qui garantiraient la sĂ©curitĂ© et la tranquillitĂ© de sa famille.
Les vacances Ă Viana de Costelo quâil avait imaginĂ©es comme reposantes Ă©taient tout sauf cela. Les propositions se multipliaient, les tentations aussi. Mais cette fois, Anibal ferait un choix qui serait dictĂ© par la raison et non par la passion.