Chapitre 5 âPrĂ©parer demainâ
Lâhiver sâest installĂ© sur Polkowice. Le vent souffle sur la plaine, les terrains sont durs comme du bĂ©ton, et les respirations des joueurs dessinent des nuages Ă chaque course. MalgrĂ© le froid, lâambiance est lĂ©gĂšre.
On vient de prolonger tous nos cadres en lâespace de quelques semaines, une victoire en soi.
Ce matin-lĂ , jâavais convoquĂ© le staff dans le petit bureau du stade. La cafetiĂšre tournait, la lumiĂšre grĂ©sillait, et Lukasz avait apportĂ© des pÄ czki, ces beignets polonais quâil distribue toujours quand il est de bonne humeur.
« Bon travail, coach », dit a-t-il lance. « Les garçons restent. La stabilitĂ© est de mise, câest ce dont nous avons besoin. Surtout quâil y rĂšgnent une belle harmonie autour du club dont je suis content»
Je lui ai rĂ©pondu avec un sourire. Oui, câĂ©tait essentiel. GĂłrnik Polkowice nâa peut-ĂȘtre pas dâargent, mais on a quelque chose de plus prĂ©cieux : un groupe uni.
Rafal, Filip et Marcin tous ont signĂ©. Personne nâa cherchĂ© Ă partir. Câest ce genre de geste qui fait une Ă©quipe.
Quand la rĂ©union a commencĂ©, on a parlĂ© dâavenir.
Lukasz, le président, a sorti un dossier jauni plein de chiffres et de plans griffonnés.
« Si on monte lâannĂ©e prochaine», dit-il en tapotant sur la table, « la fĂ©dĂ©ration va demander des travaux au stade. De nouveaux Ă©clairages, de nouveaux siĂšges, des portiques de sĂ©curitĂ©. Il faut quâon commence Ă y penser dĂšs maintenant. »
Jâai hochĂ© la tĂȘte.
Le stade de Polkowice, je lâaime pour son charme rustique, mais il nâa rien dâun Ă©crin pour le football professionnel. Il faudra investir et pas quâun peu.
On a convenu dâun prĂ©-budget, de quelques contacts avec la mairie, et mĂȘme dâune proposition dâaide rĂ©gionale. Pour la premiĂšre fois, on parlait concrĂštement dâavenir.
Pas de survie. Dâavenir.
Vint ensuite la question du mercato dâhiver.
Mon adjoint, Marcin, a sorti une liste de noms. Jâavais Ă©tĂ© clair :
âJe veux un milieu dĂ©fensif. Pas plus de 23 ans. Libre, et capable de sâimposer dĂšs maintenant.â
Trois profils ressortaient : un Polonais formé à Lodz libre de suite, un TchÚque en fin de contrat, et un jeune Français perdu dans les divisions inférieures.
Câest finalement Jan Kuzma, 22 ans, qui a signĂ©. Un gamin athlĂ©tique, disciplinĂ©, et affamĂ© de jeu. Il sâest intĂ©grĂ© en deux jours, parlant peu, courant beaucoup. Tout ce que jâaime.
Sur le terrain, la dynamique a continué.
Janvier et février ont été rudes avec des terrains gelés,des blessures légÚres, et des matches reportés mais les résultats ont suivi : 3 victoires, 2 nuls.
Rien dâĂ©tincelant, mais suffisant pour maintenir le cap.
7 points dâavance sur le deuxiĂšme, Ă 7 journĂ©es de la fin.
Quand je suis rentrĂ© au vestiaire aprĂšs la derniĂšre victoire, mes joueurs mâont aspergĂ© dâeau glacĂ©e en rigolant.
Jâai levĂ© les yeux vers le tableau blanc : nos prochains adversaires, nos objectifs, et juste en haut, en lettres majuscules Ă©crites au marqueur :
âDO KOĆCA â jusquâau bout.â
Le soir, seul dans mon bureau, jâai repensĂ© Ă tout ça.
Il y a quelques mois, jâĂ©tais un inconnu en Pologne, un âĂ©trangerâ venu de nulle part.
Aujourdâhui, je mĂšne une Ă©quipe vers un rĂȘve que personne nâosait imaginer.
Et si le chemin est encore long, une chose est sĂ»re : cette fois, je ne doute plus dâĂȘtre Ă ma place.















