DĂ©cembre 2020, Bureau Ovale
Mais quâest-ce que je fous dans le Bureau Ovale, vous demandez-vous.
Tout commença il y a quelques jours Ă peine Ă FelcsĂșt, alors que je reçus la visite de lâAmbassadeur amĂ©ricain en Hongrie, le tout fraĂźchement nommĂ© Marc Dillard. Heureusement, mon encombrant voisin Viktor Orban nâĂ©tait pas prĂ©sent, il vaut mieux Ă©viter de se faire voir avec pareil interlocuteur.
Mr. Dillard avait un message de la part de la Maison-Blanche, et plus prĂ©cisĂ©ment du prĂ©sident Trump. Bien quâil ne doutĂąt point de rester prĂ©sident malgrĂ© la dĂ©faite lors des Ă©lections du mois de novembre, le prĂ©sident Trump avait dĂ©cidĂ© de faire plaisir Ă ses amis et proches donateurs. Est-ce que je faisais partie de ceux-lĂ ? Jâen doute⊠Quoi quâil en soit, je mâenvolai bien vite pour Washington avec Dorottya, ravie de quitter sa petite Hongrie natale pour passer des vacances chez lâOncle Sam. HĂŽtels, limousine, gardes du corps, compte de dĂ©pense⊠Le prĂ©sident semblait avoir pensĂ© Ă tout !
Ă notre arrivĂ©e Ă la Maison Blanche, Dorottya fut accueillie chaleureusement par Melania et Ivanka alors que moi je fus dirigĂ© vers la salle dâattente jouxtant le Bureau Ovale. Les longues minutes dâattente me permirent de penser Ă Arafat, qui fut un jour assis dans cette salle Ă attendre dâĂȘtre introduit auprĂšs de Bill Clinton. Savait-il, le vieux leader palestinien, que le prĂ©sident Ă©tait en fait en train de dicter ses exigences Ă son assistante Monica ? Elle savait manier le crayon Ă grosse mine, la bougresse !
Au bout dâune bonne demi-heure dâattente, je fus enfin conviĂ© Ă entrer dans le mythique bureau de la prĂ©sidence amĂ©ricaine. Le prĂ©sident devait ĂȘtre dĂ©bordĂ© de travail pour mâavoir fait attendre ainsi. Et, en effet, il lâĂ©tait : il jouait avec ses petits-enfants ! Le temps de donner un petit bisou Ă Joseph et il Ă©tait prĂȘt Ă me recevoir.
Une fois la marmaille éjectée du bureau, je sentis que les choses sérieuses allaient commencer.
Donald Trump commença Ă mâexpliquer ses intentions. Alors que la fin de son rĂšgne risquait â injustement selon lui â de bientĂŽt sonner, il voulait rĂ©compenser ses amis et donateurs, au cas oĂč ces rumeurs seraient fondĂ©es, dont un certain David Tepper.
Ce Monsieur Tepper, avec qui il avait derniĂšrement jouĂ© au golf Ă Mar-A-Lago, est le propriĂ©taire des Carolina Panthers, Ă©quipe de NFL. DĂ©sirant amener la MLS en Caroline du Nord, Tepper a introduit une demande dâexpansion auprĂšs de la ligue de Soccer en 2019, demande qui fut acceptĂ©e lâannĂ©e mĂȘme. Il faut dire quâil a payĂ© des droits dâexpansion de $325M Ă la ligue. Un record. Ăa aide.
Bref, voilĂ que Charlotte, plus prĂ©cisĂ©ment le Charlotte FC, entrera dans la MLS en 2022, dans un peu plus dâun an. Et M. Tepper cherche un entraĂźneur rompu Ă ce genre dâexercice.
« Jâai parlĂ© Ă notre ami commun, Vladimir Poutine, me dit le prĂ©sident, et câest lui qui vous a chaudement recommandĂ©. Vous auriez dĂ» lâentendre : ââDonald, je nâai quâun nom Ă te donner : Mark Beaubien ! Câest un crack ! Câest un winner ! Il va skĂ©ter lâbaraque ! Passer la gratte ! Heâs gonna kick Libtardâs asses !ââ »
AprĂšs un silence, il reprit : « Alors, que pensez-vous de devenir le Head Coach dâune Ă©quipe dâexpansion en MLS ? »
Les Ă©quipes dâexpansion, câest un job Ă ma mesure ça ! Puis, ce nâest pas un secret que je mâennuie ferme en Hongrie⊠Et si le prĂ©sident Poutine mâa recommandĂ©, câest quâil est dâaccord.
« He bien prĂ©sident, inutile de rĂ©flĂ©chir trop longtemps : câest dâaccord ! »
Le prĂ©sident Ă©tait visiblement content ! Il aime faire des cadeaux Ă ses amis, mâexplique-t-il. Un ami câest un ami, comme on dit en politique ! Du coup, midi sonnant, il mâa invitĂ© Ă dĂźner avec lui. Loin de devoir me contenter des abjects cornichons Ă lâaneth dâOrban, jâai eu droit Ă un menu triple Big Mac avec un Dr. Pepper format gĂ©ant : un seau de plus dâun litre.
Mais câest vrai, et Orban ? Le pauvre⊠Bah, il se dĂ©brouillera bien sans moi. Puis, comme lâa dit Mr. Trump un peu plus tĂŽt, entre deux bouchĂ©es de hamburgers, il ne faut pas traĂźner avec les sous-fifres. Pourquoi faire les yeux doux Ă Orban quand on a ses entrĂ©es chez Poutine ? Poutine dâailleurs quâil ne semble pas aimer tant que ça.
« Je me mĂ©fie de ce serpent, me dit-il. Je nâai pas confiance en lui, sauf pour le Soccer. LĂ il en connaĂźt un bout. La preuve, il mâa offert un ballon de Soccer avant la Coupe du Monde de 2018. Moi je pensais que câĂ©tait un ballon de volley de plage, vous savez, le sport oĂč des nanas Ă moitiĂ© Ă poil se trĂ©moussent dans le sable. Il a vite rectifiĂ© mon erreur. On reconnaĂźt un spĂ©cialiste Ă ces choses-lĂ . Mais en-dehors du Soccer, je me mĂ©fie de lui. Comme disait Ronald Reagan : ââDonald High and Trump Overhigh !ââ
â Pardon ?
â Câest du russe, vous nâavez pas reconnu ?
â Non.
â Câest ce que Gorbitchouf disait Ă notre prĂ©sident lorsquâils nĂ©gociaient la fin du communisme.
â Vous voulez dire : ââDoveriai no proveriaiââ sans doute.
â Oui, câest ca !
â Fais confiance mais vĂ©rifie.
â Melania me reprend Ă chaque fois que jâessaie de le dire. Elle est charmante, mais que sait-elle aux affaires ? Mais enfin, ces Russes, ils ne pourraient pas parler anglais, comme tout le monde, non ? »
Lancé sur le sujet des femmes, il y alla de ses analyses édifiantes :
« Aujourdâhui, les AmĂ©ricaines sont soit prudasses soit fĂ©ministes soit lesbiennes. Et dans tous les cas, il nây a rien de bon Ă en tirer. On ne peut mĂȘme plus leur ââgraber leur pussyââ sans se faire gifler, câest un monde ! Sans oublier les vegans qui sentent le bac Ă compost. Non, aujourdâhui, Mark, aujourdâhui, pour retrouver de vraies femmes, il faut aller en Europe de lâEst. Les femmes de lĂ -bas sont encore facilement impressionnables et pas farouches pour deux cents. Mais vous devez savoir tout cela, puisque votre amie vient de lĂ . Je lâai entrâaperçue, Dorota, elle a lâair belle.
â Dorottya, PrĂ©sident.
â Oui, câest ce que jâai dit : Dorota. »
Une fois le copieux repas-santé terminé, le président a repris son sérieux. Il avait une seconde proposition à me faire.
Afin de couper lâherbe sous le pied des Democrats qui gangrĂšnent, selon lui, le Soccer US, Ă lâinstar de âč âč la lesbienne de lâĂ©quipe fĂ©minine âș âș, comme il a dit avec sa dĂ©licatesse lĂ©gendaire, il voulait marquer son territoire en nommant un nouveau coach. Pour lâĂ©quipe masculine, pas pour celle de gonzesses, prĂ©cisa-t-il avec un clin dâĆil complice.
« Mr. Beaubien, sur les conseils de Vladimir, je veux vous nommer Ă la tĂȘte de lâĂ©quipe nationale de Soccer US ! Avec prise dâeffet immĂ©diate.
â Moi ? Mais je ne suis pas amĂ©ricain, et depuis Klinsmann je ne suis pas certain queâŠ
â LĂ est lâattrape justement ! Je nomme un Ă©tranger Ă la tĂȘte de lâĂ©quipe en faisant montre dâinclusion alors que je vous sais de mon bord ! Les imbĂ©ciles de Democrats, Sleepy Joe en tĂȘte, chanteront vos louanges au nom de la diversitĂ©. Je gagne sur les deux tableaux ! Que je suis gĂ©nial ! »
Je ne me voyais pas refuser une telle opportunitĂ©. Le tout fut trĂšs vite rĂ©glĂ©, le contrat Ă©tait prĂȘt, le prĂ©sident le relutâŠ
Puis sortit son gros feutre noir indĂ©lĂ©bile Ă alcool et le signaâŠ
Et me le montra !
Pour des raisons Ă©videntes, je devais abandonner mon nom russe et reprendre celui sous lequel je me fis connaĂźtre Ă lâImpact et au DC United il y a quelques annĂ©es. Pour la pĂ©riode dâabsence, il fut dĂ©cidĂ© que je dirais que je mâĂ©tais retirĂ© dans une lamaserie reculĂ©e du Tibet pour y mĂ©diter.
Charlotte FC et Team USA : un nouveau défi qui me correspond plus que la Hongrie !
Et Dorottya dans tout ça ? La pauvre ne voudrait peut-ĂȘtre pas sâĂ©loigner de sa famille si longtempsâŠ