Alors que les derniĂšres heures du mercato sâĂ©tiraient dans une tension maĂźtrisĂ©e, entre appels dâagents fĂ©briles et documents Ă transmettre avant le couperet de minuit, le calme apparent du centre dâentraĂźnement de Vianense fut soudain brisĂ©. Un convoi de vĂ©hicules de la GNR avait surgi dans le silence du soir, gyrophares discrets mais prĂ©sents, silhouettes dĂ©terminĂ©es et visages fermĂ©s. Les hommes du parquet financier, mandatĂ©s pour une perquisition, venaient dâenvahir les locaux du club. Le football portugais sâapprĂȘtait Ă vivre un de ses tremblements de terre.
TrĂšs vite, la rumeur sâĂ©tait propagĂ©e comme une traĂźnĂ©e de poudre : des soupçons de paris truquĂ©s, concernant plusieurs rencontres de Liga Betclic, auraient Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s sur des plateformes asiatiques. Et Vianense figurait au cĆur de cette enquĂȘte prĂ©liminaire explosive, Ă©voquĂ©e du bout des lĂšvres dans les couloirs dâA Bola et Record. Lâonde de choc fut immĂ©diate : les mĂ©dias sâagglutinĂšrent Ă lâentrĂ©e, certains journalistes allant jusquâĂ diffuser en direct les images des scellĂ©s posĂ©s sur le bureau de la direction sportive. Le club sombrait dans lâĆil du cyclone mĂ©diatique.
AnĂbal GuimarĂŁes, pourtant habituĂ© aux secousses, resta quelques instants interdit lorsquâun intendant lâavertit de la situation. Il coupa court Ă la sĂ©ance, rassembla briĂšvement ses hommes, et exigea que chacun garde le silence. Ce nâĂ©tait ni le moment de paniquer ni de nourrir la bĂȘte mĂ©diatique.
En retrait, le technicien portugais avait fini par interpeller Hugo Viana, restĂ© stoĂŻque, mais visiblement secouĂ©. LâĂ©change fut bref, dense, pesant.
« Tu savais quelque chose ? », demanda AnĂbal, la mĂąchoire serrĂ©e.
« Rien du tout. Je lâapprends comme toi. Le parquet nâa encore donnĂ© aucun dĂ©tail. »
« Et ils cherchent quoi, exactement ? » continua Anibal désemparé.
« Des anomalies sur des paris sportifs⊠Mais on a rien à se reprocher, je te le jure. »
Face Ă lâampleur du tumulte, le club nâavait pourtant pas cherchĂ© Ă fuir. Les portes avaient Ă©tĂ© ouvertes, tous les serveurs informatiques mis Ă disposition des autoritĂ©s, et les relevĂ©s bancaires transmis dans la soirĂ©e. Ce fut la seule rĂ©ponse de Vianense : une coopĂ©ration totale, convaincu de son intĂ©gritĂ©, mĂȘme si lâombre de lâaffaire venait de ternir la dynamique exceptionnelle construite ces derniĂšres annĂ©es.
Les joueurs, eux, furent invitĂ©s Ă quitter les installations par lâarriĂšre du centre, dans un silence pesant, presque irrĂ©el. On murmurait dans les travĂ©es que le nom dâun ex-joueur du club circulait dans les documents de lâaccusation, mais aucune preuve ne semblait exister Ă ce stade.
Pendant ce temps, AnĂbal observait la scĂšne depuis la passerelle surplombant le terrain synthĂ©tique dâentraĂźnement , les bras croisĂ©s, le regard perdu. Lui qui avait tant donnĂ© pour hisser ce club au sommet du football portugais, voyait surgir lâun des dĂ©fis les plus pernicieux de sa carriĂšre : laver lâinstitution de tout soupçon .
Ce soir-lĂ , le mercato de Vianense ne fut pas marquĂ© par un prĂȘt tardif ou une recrue surprise , mais par le silence lourd des accusations, et la promesse intĂ©rieure dâun club prĂȘt Ă dĂ©fendre son honneur.