Réponses aux lecteurs
@celiavalencia oui ça a été plus dur avec la qualification acquise.
@Rhino c’est un peu l’état d’esprit même si j’aurais préféré de plus gros score.
@alexgavi Renato c’est Jesus réincarné
on domine toujours mais moins ![]()
@CaptainAmericka coquin
Il y avait parfois, dans la vie d’un footballeur, des instants de bascule qui ne ressemblaient pas à des tragédies mais à des failles intérieures. Le cas d’Eli Patermeu relevait précisément de cela : non pas la chute vertigineuse, mais l’effritement progressif d’un équilibre fragile. À l’automne 2045, le jeune ailier portugais, celui qui, deux saisons durant, avait incarné l’étincelle créatrice de Vianense, traversait un passage que d’aucuns nommeraient crise, mais qui ressemblait plutôt à une transition douloureuse vers l’âge adulte.
Ce qui frappait en premier lieu, ce n’était pas son jeu, encore audacieux lorsqu’il s’exprimait enfin balle au pied, mais son absence de lumière sociale. Celui qui aimantait les regards s’était refermé sur lui-même : il entrait le premier et sortait le premier, l’échine basse, le casque vissé sur les oreilles, esquivant jusqu’aux tapes amicales de Carlos Simões ou les plaisanteries de Sérgio Mata. Dans le vestiaire, l’ambiance restait bon enfant mais on sentait autour de lui un halo d’ombre volontairement entretenu, comme un signal silencieux : « ne me parlez pas, je rumine ».
Car Eli Patermeu n’était pas seulement confronté à une concurrence sportive ; il faisait face, pour la première fois, au vertige de la dépossession. Le retour en grâce de Luis Almeida son aîné, son guide tacite, celui qu’on croyait sur le déclin avait bousculé l’ordre acquis. Eli n’était plus “le crack par défaut”, mais un talent parmi d’autres, et cette idée le blessait plus qu’il ne voulait l’admettre. Il avait grandi dans une logique de survie, non de partage. À Lisbonne, il fallait être le plus fort ou disparaître. À Vianense, il découvrait qu’un groupe pouvait se mériter plutôt que se conquérir.
Les symptômes commencèrent hors du rectangle vert. Une soirée à Porto, simple dîner entre amis, se transforma en dérapage médiatique. Un paparazzo trop insistant, cherchant la provocation facile, l’avait harcelé de questions. Les mots avaient fusé. La colère aussi. Et soudain, filmée en basse luminosité, ses menaces agressives tournèrent en boucle sur les chaînes sportives. On n’y voyait pas un jeune homme excédé, mais une caricature : un joueur “au melon”, frustré, instable.
Lorsque la vidĂ©o fut prĂ©sentĂ©e Ă AnĂbal GuimarĂŁes, ce dernier resta d’abord immobile, le regard fixe, pensif. Puis il hocha la tĂŞte lentement, comme si la vie venait de lui rappeler une vĂ©ritĂ© simple : grandir fait mal. Aucun commentaire tonitruant, aucune humiliation publique. Juste une phrase Ă Hugo Viana :
« On va le rattraper. »
La condamnation la plus subtile arriva cependant de la part d’une voix que personne n’attendait. Bernardo Silva, légende portugaise, homme de sagesse et de retenue, analysa l’incident avec une justesse presque douloureuse. Sur le plateau de Record, il déclara d’un ton posé :
« Patermeu vit ce que vivent tous les jeunes talents. Être discuté, c’est une étape obligatoire. Il doit apprendre à respirer dans l’adversité, à retrouver le plaisir du jeu, à accepter qu’on n’est jamais au sommet par droit acquis. »
C’était dit sans violence, mais avec la force d’une vĂ©ritĂ© longue. AnĂbal dĂ©cida de montrer cette sĂ©quence Ă Eli, seul, dans son bureau. Le jeune joueur, crispĂ©, s’attendait Ă une remontrance. Le coach, lui, parla bas, presque avec tendresse.
« Tu es dans ton premier hiver, Eli. Tu crois que tu recules, mais tu mûris. La frustration, on l’a tous ressentie. La vraie question est simple : qu’est-ce que tu en fais ? Tu t’effondres ou tu transformes ? »
Eli resta silencieux longtemps, puis murmura, la voix Ă peine audible :
« J’ai peur de disparaître. »
« Alors travaille, » rĂ©pondit AnĂbal. « Ceux qui travaillent ne disparaissent pas. »
La reconstruction commença de là . Pas en un éclair. Mais par un retour à la base.
Après l’entraînement, il resta pour travailler les centres avec Marcos Paulo, puis les frappes lointaines avec João Infante. Le lendemain, il observa pendant vingt minutes l’analyse vidéo de ses déplacements avec le préparateur. Et un soir, ce fut Luis Almeida lui-même, son “rival”, qui s’assit à côté de lui sur le banc du terrain annexe pour lui glisser :
« Je n’ai pas pris ta place, Eli. Tu l’as juste laissée ouverte. Maintenant reprends-la. Je t’aiderai. »
Alors, quelque chose s’adoucit en lui. La colère se fissura. La peur se reconfigura. Et dans ce vacillement discret, dans cette fragilité assumée, commença peut-être la construction d’un joueur plus complet. Non pas seulement rapide et instinctif, mais patient, lucide, stratège.
Car Vianense savait une chose que le monde extérieur ignorait encore : les chutes transforment, et ce que l’on reconstruit après avoir douté est souvent plus solide que ce que l’on avait avant.
