Réponses aux lecteurs
@VertPourToujours il est un peu jeune. 14 ans je te rappelle.
@CaptainAmericka On espère qu’il va percer fort.
Le salon du palace madrilène baignait dans une lumière douce, tamisée par les lourdes tentures ivoire. Les dorures des murs, les murmures du personnel, les tasses de café qui s’entrechoquaient — tout semblait vouloir contenir le tumulte intérieur d’un homme fatigué de se taire.
Gilson s’assit, posa les mains sur ses genoux. À trente-deux ans, son regard n’avait rien perdu de sa vivacité. Mais les paupières, elles, s’étaient alourdies. Et dans O Globo, entre les lignes d’un entretien accordé sans filtre, il accepta enfin de raconter.
«Je ne joue presque plus. Le Real, c’est un rêve devenu silence. Mais parfois, les silences en disent long.»
On l’avait cru éternel. À raison.
Son histoire avait commencé sur les pelouses brûlantes de Cotia, à São Paulo, où un certain Ronaldo Nazário, de passage pour une visite de bienfaisance, l’avait repéré lors d’un entraînement des moins de 17. « Ce gosse-là , il joue avec la tête et les pieds. Signe-le tout de suite. »
Deux mois plus tard, il rejoignait l’Europe. Direction : Valladolid.
Un pari fou. Un projet fou. Mais un projet menĂ© tambour battant par AnĂbal GuimarĂŁes, fraĂ®chement nommĂ© Ă la tĂŞte du club. Gilson dĂ©barqua en mĂŞme temps qu’un autre joyau brĂ©silien, EstevĂŁo, et l’Espagne dĂ©couvrit, incrĂ©dule, ce duo d’éclairs venus du sud.
Ce furent huit saisons de splendeur. Quatre titres de Liga, deux Champions League, une Europa League, des Supercoupes à la pelle, et des buts inscrits mais surtout des caviar distillés dans toutes les langues d’Europe. Gilson s’était imposé comme l’un des meilleurs pistons de sa génération. Une fusion rare d’élégance et de puissance, capable de changer le rythme d’un match par un simple contrôle orienté.
Puis il y eut Pep Guardiola, successeur d’AnĂbal au bord du terrain. Une transition en douceur, comme un passage de relais entre deux Ă©coles. Mais quelque part, Gilson, lui, ne s’en remit jamais tout Ă fait. Il joua, bien sĂ»r. Il brilla mĂŞme encore. Mais dans les interviews, il parlait moins. Dans ses gestes, un soupçon de nostalgie s’était glissĂ©.
« AnĂbal m’avait compris comme un père comprend son fils. Il ne me disait pas comment jouer. Il me demandait ce que je voyais. »
Après Valladolid, il tenta l’Angleterre. Newcastle, projet ambitieux, bruyant, généreux. Mais l’alchimie ne vint jamais. Des blessures, des incompréhensions tactiques. Il brilla par intermittence, laissa quelques fulgurances, puis disparut peu à peu du onze type.
Et c’est alors, à la surprise générale, que le Real Madrid l’arracha de ses doutes. Une signature qui fit trembler la presse. Certains y virent un choix financier, d’autres une volonté de retrouver la grandeur. Mais à Madrid, le temps n’attend personne. Et Gilson, trop souvent remplaçant, finit par comprendre.
Alors, dans les colonnes d’O Globo, il ouvrit son cœur.
« Je ne suis pas aigri. J’ai tout gagnĂ©. J’ai aimĂ© ce mĂ©tier. Mais parfois, je repense aux bancs de Valladolid, aux causeries d’AnĂbal, aux Ă©clats de rire dans le vestiaire. Et je me dis que j’aimerais finir lĂ oĂą j’ai grandi. »
Le journaliste lui demanda ce qu’il envisageait pour la fin de sa carrière.
Gilson sourit, regarda au loin. Puis, sans fioritures, il lâcha :
« Si AnĂbal GuimarĂŁes ou Valladolid m’appelle, je pose mes valises demain. Il y a encore un dernier chapitre Ă Ă©crire. Et je veux que ce soit l’un ou l’autre qui le signe. »
Et dans les rues de Madrid, alors que la nuit tombait, certains affirmaient avoir vu un ballon rouler seul sur un terrain d’entraînement déserté. Comme un rappel. Un appel, peut-être.
Car les grands joueurs ne choisissent pas toujours leur fin. Mais parfois, ils la réclament. À ceux qui les ont révélés.