Assis au fond du siège de mon auto, j’esquisse un léger sourire avant de prendre une grande bouffée d’air tout en fermant les yeux… Ces derniers jours ont été intense en émotions et je prend à cet instant une pause comme pour me remettre de tout ça. Le 23 avril 2018 restera pour toujours dans ma mémoire…
Il était presque onze heures quand mon téléphone m’interrompit dans ma séance de sport quotidienne. L’homme de l’autre côté du combiné se présenta sous le nom de Bernardo Gomes de Oliveira, président de SC Espinho. Après quelques banalités d’usage, il en vint à l’objet de son appel… Mes récents résultats, ma manière de travailler et le football développé par mon équipe avait attiré son attention. Il souhaitait me rencontrer pour me faire une proposition. Piqué au vif, j’acceptais l’invitation. Espinho n’était pas un club de l’élite ni même de deuxième division mais ils évoluaient dans une division supérieur à celle où j’exerçais.
Le rendez-vous avait été marqué dans un restaurant choisi par mon hôte. À ma surprise, je me retrouvais devant un homme plutôt jeune, mais confiant. La discussion qui suivi me conforta dans ma première impression. L’homme était sûr de lui sans tomber dans l’égocentrisme. Il savait où il voulait aller et comment y parvenir. Sa passion sans pareil pour son club se notait dans chacun de ses mots. Un passionné, un vrai… Un supporter du club depuis son plus jeune âge. Son projet était le reflet de sa passion. Ambitieux, un tantinet rêveur, il l’exposait avec certitude. Son club devait se repositionner parmi les meilleurs comme à ses plus belles années. Bien que désireux de garder du recul pour ne pas sombrer dans une euphorie passagère, Bernardo m’avait emporté avec lui. Il voulait un club avec du caractère, une identité, qui représenterait la ville et ses valeurs.
L’enthousiasme de mon interlocuteur n’avait qu’un seul bémol, ses moyens. Depuis des années, le club avait non seulement sombré sportivement, mais aussi financièrement. En récupérant le club en 2014, Bernardo avait hérité d’un club au bord de la liquidation judiciaire. Sans argent, avec des installations en piteux état, le travail paraissait démentiel. Trois ans plus tard, la constatation était sans appel. Bernardo avait fait un travail exceptionnel qui mettait en exergue ses capacités à mener le projet ambitieux qu’il me détaillait. La situation n’était toujours pas idéal. Elle était même franchement moyenne. Mais la situation financière s’était assainie. Le vieux stade délabré allait être remplacé par un stade municipal flambant neuf à l’aube 2020. Plus la conversation avançait, plus je sentais l’envie de le suivre dans cette aventure…
Vint le moment de discuter de mon cas personnel. Pourquoi moi? Et quelles conditions me proposait-il?
La première question fut élucidé après un deuxième long monologue. Bernardo me confia qu’il me suivait depuis quelques mois. Avoir un coup d’avance, selon lui, était la recette du succès. D’autant plus dans le football, un milieu complètement instable. Mon parcours avec Valadares avait attiré son attention vers le mois de janvier. Il s’était depuis informé sur mes références et avait suivi mes résultats. Il connaissait toutes les étapes de ma courte carrière. Visiblement, son indic était bon. Rui Quinta était l’entraîneur en poste. Un homme d’expérience qui avait connu deux titres de champion du Portugal en tant qu’adjoint au FC Porto. Les rênes lui avait été confié dans le but d’intégrer la phase finale du championnat. L’objectif n’avait pas été atteint. Certes de peu mais le résultat était là condamnant le club à une nouvelle saison en troisième division. Bernardo ne se voyait pas repartir avec l’homme en place et son staff. Il voulait un vent de fraîcheur. Un entraîneur au profil différent. Un homme jeune, dynamique, imposant un style de jeu dans l’ère du temps. Un homme qui mènerait le club en deuxième division pour, au plus tard 2020, et l’inauguration du nouveau stade. À ses yeux, j’avais le profil pour cette phase du projet… Restait la deuxième question, celle des conditions qu’il me proposait pour atteindre cet objectif. Sans tourner autour du pot, il m’annonça un contrat de deux ans à temps plein avec un salaire mensuel net de 1.500€. À prendre ou à laisser. Les finances ne permettait aucune négociation… À vrai dire, je n’avais pas l’intention de négocier. L’homme m’avait conquis dès les premières minutes de notre entretien, et dans ma tête, ma décision était prise. L’offre me faisait faire un bond dans ma carrière et je pouvais enfin me dédier à temps plein à ma carrière de coach.
En ouvrant les yeux, je jette un regard sur le siège conducteur. L’enveloppe est belle et bien là. Mon premier contrat d’entraîneur de football à temps plein. Je lance enfin ma carrière après neuf ans de labeur dans des divisions inférieures. Le SC Espinho est, je l’espère, la première étape dans la réalisation de mon rêve…