Je referme le clapet de mon ordinateur portable. Cela faisait plusieurs mois que je n’avais pas relu cet article. En fait, depuis le soir même de mon départ du Servette FC, le 22 août 2031.
Depuis, je me suis complètement déconnecté du monde du foot. Pendant plus de six mois, ma femme, mon fils et moi avons voyagé un peu partout dans le monde, enchaînant les destinations les plus dépaysantes : Australie, Thaïlande, Cambodge, Egypte, Kenya, Chili et Argentine. Du foot européen, je n’ai pris quasiment aucune nouvelle. A notre retour, tout juste étais-je au courant des excellents résultats du Servette FC, vainqueur de la totalité de ses matches en championnat, à l’exception d’un nul.
Mais depuis notre retour, le 1er mars, j’ai longuement discuté avec mon frère et agent. Plusieurs propositions sont arrivées sur sa table durant mon absence. West Ham, l’Olympique lyonnais, Stuttgart, l’Inter… Mais comme convenu avant mon départ, il s’est contenté de refuser toutes les offres poliment. Cela n’a pas affecté ma cote de popularité, et plusieurs clubs vennaient encore se renseigner sur mon éventuelle disponibilité. Il faut dire que ma carte de visite parle pour moi. En neuf ans et deux mois, j’ai remporté par moins de 21 titres avec Servette, dont trois Ligue des Champions sur les quatre dernières années (2028, 2030, 2031). Les Grenats sont le club le plus populaire au monde, avec le meilleur coefficient UEFA et des installations notées à 5 étoiles dans tous les domaines. Le solde du club s’élevait à 200M€ à mon départ, grâce notamment aux 108 joueurs vendus depuis mon arrivées pour un montant de 1,23Mrd€.
Dix jours plus tard, mon frère se rendait chez moi et m’indiquait que mon nom était beaucoup revenu du côté de Marseille, où les phocéens étaient un peu en retard sur leur objectif de top 4. Mais en me penchant sur le championnat de France, c’est un autre club qui a attiré mon attention.
« C’est ça qu’il me faut! »
Mon frère m’a regardé comme si j’étais fou, mais je lui ai confirmé que c’était exactement le type de challenge dont j’avais besoin. Après avoir tenté de me dissuader quelques minutes, il soupirait et filait dans la pièce d’à côté, son téléphone à la main. A son retour, il semblait dépité :
« Les dirigeants vont te recevoir, c’est en ordre. Ils sont en contacts avancés avec Amar Boumilat depuis le départ de Jorge Maciel, mais quand ils ont entendu ton nom… Bref, ils veulent évidemment te recevoir. Vu le ton de leur voix, je pense que tu peux y aller les mains dans les poches, le job sera pour toi. Mais t’es sûr de vouloir aller là-bas? La situation est… chaotique ».
Chaotique, c’était le bon mot. 4 points sur les dix derniers matches, restant sur cinq défaites de suite, bon dernier avec seulement 17 points en vingt-six matches, à 4 longueurs de ses deux plus proches poursuivant, 8 de la 15ème place. Le meilleur joueur du club, Dilyan Galev, annonce ouvertement son envie d’ailleurs… le club est au bord du précipice, avec déjà un pied dans le vide.
Il est temps d’embarquer. Je sens qu’on va bien se marrer.
