Un bureau dans la pénombre. Cela sent l’encaustique et l’eau de toilette. Le Conseil d’Administration est réuni autour d’une grande table en verre où sont posés un ensemble d’hors-œuvres. Vinnie Jones s’approche. De l’agression, quinze jours plus tôt, il ne lui reste qu’une jambe raide, à peine visible. Daniel Tseung prit la parole : « Rejoins-nous. » Javier Zanetti grommela : « Tu ne nous en veux pas. On a commencé à manger sans toi. On a l’appétit ponctuel. » Référence au scandale Antonio Marin, qui allait certainement être évoqué ici. Vinnie ne pippa mot mais il savait que la discussion pouvait dégénérer d’un moment à l’autre.
- Lorsque j’étais joueur, on savait que le seul moyen de se taper du bon temps, c’était de réaliser des coups en Coupe Nationale mais nous étions les salopards de Wimbledon. Le prestige ne se gagne pas avec une Coupe Nationale lorsque l’équipe s’appelle l’Inter; cela se gagne à l’internationale. Vous retenez le 1- 3 en Coupe d’Italie; je retiens le 3- 0 contre toujours Verone en championnat quatre jours plus tard et je retiens que l’on a un match jouable en Ligue des Champions. Pas besoin d’alourdir le calendrier.", argumenta Vinnie Jones
- Junio Caiçara, c’est un bon choix, approuva Daniel Tseung.
*- C’est un très bon choix. Combien déjà ? *
- 3 buts, 1 passe décisive en 4 rencontres; dommage qu’il soit âgé. La revente est compromise, indiqua Joe les pinces de crabes.
- Vinnie, tu avais bien commencé le mercato. Pourquoi t’es-tu arrêté en milieu de chemin ? Ne comptes-tu pas renforcer l’équipe ?, demanda Tseung.
- Xhaka, d’Arsenal ou Izzo du Torino pourraient me tenter mais c’est trop cher. Je ne ressens pas le besoin de recruter pour recruter, assura Vinnie Jones.
- Surtout qu’Arturo Vidal & Leandro Paredes nous rejoindront en juillet, cela peut se concevoir, nota Ausillo.
- Ce qui nous amène à Antonio Marin", conclut Javier Zanetti.
"Qu’est-ce qui s’est passé réellement avec Marin ?, demanda Zanetti.
- Avec cette pépite croate, on aurait pû tirer le gros lot, se lamenta Viterelli.
- et vendre un paquet de produits dérivés en Asie, ajouta Tseung.
- L’explication ? Un traumatisme crânien durant mon agression et voilà, j’ai oublié le rendez-vous avec l’agent. Je dormais, répondit Jones.
- Deux semaines après votre agression ? Vous n’avez pas recouvert ?, demanda Zanetti soupçonneux.
- Je ne sais pas; je ne suis pas médecin. Je ne sais pas combien ça dure de temps ces choses-là."
L’entraineur anglais semblait détaché, désintéressé. On aurait pû même dire qu’il se foutait royalement d’être là.
"Vous ne le vouliez pas vraiment en fait, s’avança Vitirelli soupçonneux.
- En fait ? Ouai, je m’en fous. Se prendre une bouteille de whiskey sur le crane, vous auriez compris."
Toujours soupçonneux, Vitirelli reprit : "Pourquoi il n’y a pas eu d’évolution dans votre affaire ?
-Je ne suis pas plus flic que médecin, souffla d’emmerdement Vinnie.
- Je te tiens le rapport entre mes mains du petit Don. Il doute de l’effraction, dit fataliste Vitirelli.
- Le petit Don ?, demanda Zanetti.
- Non, le petit Don est mort maintenant, répondit Vitirelli.
*- Ah, merde, il est mort de quoi ? *
*- De vieillesse… Je te parle du Don, le fils de Donatella, Don le faisandé en fait. *
- Don le faisandé ! ah oui, d’accord. Je me rappelle encore lorsqu’il était vigile à Meazza. Il fouillait les fans et gardait sur lui les choses sympas, s’éclaira Zanetti.
- Votre mec-là, le faisandé, il a pas vu que ma fenêtre derrière, elle était fracturée ? C’était du putain de double vitrage.
- Et la blessure à ta main, tu te l’es fait comment en fait ?, demanda Vitirelli.
- Les éclats de bouteille, on s’est battu comme des chiffonniers", tenta de se montrer convaincant Vinnie.
Vinnie stoppa là l’autoradio. Phil Anselmo chantait les dernières paroles du « Mausoleum ». Il s’alluma une cigarette, inspira une première fois, expira à pleins poumons… ne vit personne et descendit…
A l’approche de l’entrée, la porte s’ouvrit brusquement : « Tonton Vin, tonton Vin ! » Je le poussais à rentrer, regardant de gauche à droite : « Je t’ai dit qu’il ne fallait pas rester dehors. Tu comprends ça, oui ou merde ? » Je regardais de droite, à gauche… Rien. « Ta mère, elle est à la maison ? » « Elle n’a pas bougé », m’indiqua le gamin.