Ce matin, dĂ©crassage pour ceux qui ont jouĂ©, opposition pour ceux qui nâont pas jouĂ© puis sĂ©ance vidĂ©o. AprĂšs le match, on laisse quartier libre aux joueurs jusquâau lendemain petit-dĂ©jeuner. Ils peuvent aller voir leurs familles ou amis. La seule consigne: restez sĂ©rieux, on est quand mĂȘme en compĂ©tition.
De mon cĂŽtĂ©, je mâoccupe des devoirs de mon fils. Puis aprĂšs une leçon de gĂ©omĂ©trie bien laborieuse, je lui propose dâaller Ă la plage Ă cĂŽtĂ© de lâhĂŽtel. En arrivant Ă la plage, jâai une grosse surprise: les joueurs ont profitĂ© de leur temps libre pour aller Ă la plage mais⊠Ils sont restĂ©s entre eux. Que je suis fier! Câest ce quâil y a de mieux pour la cohĂ©sion et câest la preuve quâils se sentent bien ensemble.
En me voyant, ils crient « on jette le coach Ă lâeau, tout habillĂ© ». Jâai Ă peine le temps de rĂ©agir que des bras me portent et mâemmĂšnent. Mon fils crie « ArrĂȘtez, arrĂȘtez.
-TâinquiĂšte pas gamin. On jette juste ton pĂšre Ă lâeau.
-Non mais câest pas ça. Il a son tĂ©lĂ©phone dans la poche. Comment je vais regarder Youtube aprĂšs? Bande de gros malins. »
Les joueurs Ă©clatent de rire, tirent le tĂ©lĂ©phone de ma poche, le donnent Ă mon fils et me jettent Ă lâeau. Le soir, nous nâavions prĂ©vu aucun repas. « Pizza pour tout le monde » annonce mon cousin. On passera pour la diĂ©tĂ©tiqueâŠ
Le petit match de hand organisĂ© la derniĂšre fois par mon fils mâa donnĂ© des idĂ©es. Jâai contactĂ© la sĂ©lection nationale fĂ©minine de hand pour un entraĂźnement sur le sable (oui, lĂ -bas le hand se joue sur sable). Les joueurs ont adorĂ© mais je ne sais pas si câest pour le hand ou pour les filles qui les ont accompagnĂ©âŠ
Le midi, mon cousin annonce pour le repas « kebab pour tout le monde ». Je lâengueule en lui demandant de faire plus sportif, plus dĂ©tiĂ©tique. Le soir, câest salade de pĂątes. Je suis content. Mais pas les joueurs qui ne mangent quasi rien. Ils vont avoir faim! Les uns aprĂšs les autres, ils vont sâisoler dans leurs chambres. En allant dans la mienne, je fais un dĂ©tour voir si des joueurs sont encore debout. Jâentends rire dans la salle de rĂ©union. Et quand jâouvre⊠Je vois toute lâĂ©quipe sâempiffrer de McDo avec mon cousin qui les sert en soda. Je hurle « CâEST QUOI CE BORDEL? » Mon cousin rĂ©pond: « Notre cuisine secrĂšte. Mes repas sont plus apprĂ©ciĂ©s que tes repas sportifs! » Lâun des joueurs me dit « Vous inquiĂ©tez pas coach, câest notre façon Ă nous de prĂ©parer un grand tournoi. On va les dĂ©foncer au prochain match comme je dĂ©fonce ce burger. » Et il croque un grand coup dedans laissant Ă©chapper deux feuilles de salade qui tombent aussi doucement sur le sol que mes espoirs dâavoir une Ă©quipe ultra professionnelle!.
La journée se passe tranquillement: entraßnement, repas peu diététique (« Tacos pour tout le monde »), devoirs de mon fils, entraßnement, balade à la plage avec mon fils, nouveau repas bien gras (« Kebab pour tout le monde ») et tout le monde va se coucher. Enfin une journée qui se passe à peu prÚs normalement!
Au moment oĂč je commence Ă mâendormir, quelquâun toque Ă la porte de ma chambre ce qui me fait sursauter. Câest mon adjoint: « Coach⊠On a un problĂšme. Je vous conseille dâaller voir dans les chambres des joueurs » Et voilĂ , ça recommenceâŠ
En effet, en approchant de leurs chambres, jâentends de forts bruits de musique. Jâouvre une chambre au pif et lĂ , stupeur! Je vois plusieurs de mes joueurs en train de faire la fĂȘte avec les nanas de lâĂ©quipe nationale de handball. « CâEST QUOI CE BORDEL ENCORE? » La musique sâarrĂȘte, tout le monde me regarde. « Vous commencez Ă mâuser. Qui vous a autorisĂ© Ă inviter des filles et Ă faire la fĂȘte?
-Câest votre cousin, coach. Il fait rentrer des filles par la sortie de secours. »
Je file en direction de sa chambre et ouvre la porte violemment. LĂ , je vois mon cher cousin, le joint Ă la main comme plusieurs autres joueurs de lâĂ©quipe. Il me voit et dit « HĂ© mon gros, viens entre. Je leur apprends Ă fumer. Câest de la bonne. DĂ©solĂ© pour les filles, certains Ă©taient en manque de tendresse. Jâallais pas leur faire un cĂąlin moi-mĂȘme! »
Je hurle, ordonne Ă mes joueurs de rejoindre leurs chambres et menace mon cousin dâexpulsion. Ce Ă quoi il rĂ©pond: « Bon courage! Je suis pire quâun morpion. » Ho oui⊠ça je confirmeâŠ
Brief dâavant-match. Jâai des joueurs peu concernĂ©s Ă cause dâun repas encore un peu trop lourd (« Raclette pour tout le monde! Quoi, vous ne connaissez pas ça ici? Vous allez adorer! » a dit le morpion Ă lâheure du repas).
« Les gars, celui-ci, il ne faut surtout pas le perdre. On y va pour gagner si on veut rĂȘver Ă la suite de la compĂ©tition. On nâa pas le droit Ă lâerreur. Nos voisins Samoans risquent de faire le plein de points. Alors les Ăźles Cook, on les Ă©crase, ok? »
Aucun enthousiasme. Juste un ronflement depuis le fond de la piĂšce. Câest mon adjoint qui sâest endormi. « Haaaaa ça veut faire la fĂȘte, fumer, bouffer gras et ça assume pas? »
Mon cousin se lÚve. « Laisse faire le pro! » Il me pousse, prend ma place et lance « les ßles Cook , ON VA LES CUISINER! » Là , les joueurs explosent de joie.
« Tu vois, câest pas si difficile » dit mon cousin en retournant sur sa chaise. « Coach, ouais les Ăźles Cook, ON VA LES CUISINER » reprennent les joueurs. Mais oĂč est-ce que je suis tombĂ©?
Aujourdâhui, tout le monde est sĂ©rieux. Mon cousin a fait un repas sportif. Il sâagit dâassurer, tout le monde en a bien conscience et cela me rassure. Dans le vestiaire, personne ne parle si ce nâest moi, mon staff et Jordan Maufroy, le capitaine. Câest uni quâils rentrent sur la pelouse. Câest fort (et faux) quâils chantent lâhymne. On entame trĂšs bien le match et on domine notre adversaire. Et câest Ă la 18e minute, sur un centre que Poasa Collins expĂ©die une tĂȘte rageuse au fond des filets faisant exploser les 1 300 spectateurs.
On a lâavantage au score et on le gardera tout le match malgrĂ© une fin de match sous tension oĂč nous nâarrĂȘtions pas de reculer. Nous lâavons emportĂ©!
Les Samoa ayant battu les Tonga 3-2, ils occupent la premiĂšre place grĂące Ă une meilleure attaque.
Mais nous rentrons Ă lâhĂŽtel heureux! Chacun se couche dans sa chambre et reste sĂ©rieux (pour une fois). Tout le monde a bien conscience que le dernier match sera dĂ©cisif pour notre lutte Ă distance avec le voisin Samoan.