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London Calling
Un jour, je reçois un mail depuis un club de Londres, l’adresse électronique ne me laisse guère d’indice sur l’identité du club expéditeur. C’est à la fois un peu bizarre et terriblement excitant. Je les intéresse.
Ils me proposent un entretien, sans que je sache vraiment qui ils sont, si c’est pour leur équipe fanion ou pour prendre en main leur Academy ou pour tondre leur pelouse. Je ne cherche même pas à négocier les billets d’avion et j’honore ce rendez-vous. Je suis convoqué dans un hôtel typique du sud de Londres dans le quartier de Kingston, briques rouges, groom à l’entrée, pakistanais à la réception et salon pas très chic mais très britannique. On m’installe dans un petit coin et je leur demande un thé. Je me dis que si je prends une bière, ca passerait mal auprès de mon peut-être nouveau patron.
Ils sont en retard mais le petit pakistanais de la réception m’en informe dans son anglais typique. A leur arrivée, je reconnais l’écusson de l’AFC Wimbledon sur leurs vestons. Ils sont deux, un ancien la septantaine avec un regard rassurant mais autoritaire et un plus jeune, la quarantaine, un peu bouffy et négligé mais à la poignée de main très ferme.
Erik Samuelsson, l’ancien, se présente, c’est le président et son club est l’AFC Wimbledon. Woah, Wimbledon, j’ai suivi leur histoire avec sa création par des supporters suite au vol de leur identité par Milton Keynes Dons et le déménagement à plus de 100 kms.
Je me rappelle que c’est les fans du FC Wimbledon qui avait créé ce club mais je n’avais plus rien suivi. Je me dis qu’ils doivent être en 7 ou 8ème division même si j’ai le souvenir récent d’un derby face au rival voleur en Cup voilà quelques années.
M. Samuelsson m’explique que son club aimerait s’affirmer dans la division actuelle, envisager une promotion à moyen terme et cherche un homme avec des idées nouvelles, qui leur ressemble et qui puisse succéder à Neal Ardley, entraineur depuis 2012.
Au fond de moi, je m’étonne de leur intérêt, quelle idée d’aller chercher un mec comme moi, sans véritable référence, mais je me démonte pas et je leur vends mon produit : Un football attractif, axé sur la transition offensive, avec un gros pressing, du cœur et de la verticalité. Un projet de formation, viable sur 3 à 5 ans, avec un gros travail de détection et des efforts sur le développement de l’Academy, avec du personnel qualifié que je dirigerai en personne. Je sais que les moyens sont limités mais la croissance d’un tel club ne passe que par la formation.
L’adjoint de M. Samuelsson m’explique que pour eux, le maintien en League One est économiquement primordial et me demande comment je pourrais m’y maintenir en axant ma politique sur la formation à moyen terme. La League One, purée, je ne m’en doutais pas. La 3ème division anglaise, merdalors. Je réalise que je passe un entretien pour entrainer une équipe de League One, la vache !
La surprise passée, je ne leur cache pas que j’ai aucune idée de l’effectif à disposition mais que je reste persuadé qu’avec un assainissement de l’effectif, un nouveau départ avec de la jeunesse, la signature de un ou deux vétérans, le partenariat avec un club de Premier League et un peu de patience, une relégation n’aurait rien de catastrophique et nous permettrait de travailler plus sereinement.
Si le petit Bouffy n’a pas semblé convaincu, M. Samuelsson m’a regardé en souriant mais me dit qu’avec le nouveau stade pour 2020, il serait indispensable d’être encore en League One, pour entrer dans ce qu’il décrit comme un petit bijou.
Il me demande ensuite quelles étaient mes conditions pour l’engagement. J’ai répondu que pour le salaire, son prix sera le mien, que j’aimerais que le club me trouve un appart proche du stade pour que je puisse y venir à pied et que j’aimerais une enveloppe intéressante pour pouvoir faire venir un staff de 4 à 6 personnes dont la moitié pour créer une cellule de recrutement. M. Samuelsson a pris note, sans rien dire. Après avoir passé la soirée à refaire le monde, M. Samuelsson me promet une réponse dans les 10 jours.
Je rentre en Suisse, excité mais stressé. Je contacte plusieurs personnes, ceux que j’imagine dans mon staff, mon assistant, un entraineur pour les jeunes, des recruteurs et bien sûr quelques amis et mes proches. Certains me rient au nez, n’y croient pas et d’autres m’encouragent timidement et me répondent avec un pourquoi pas. Mes proches sont dubitatifs, spécialement mes deux gars de 18 et 16 ans, footeux dans l’âme mais pas encore ouvert au foot d’ailleurs.