Santiago de Compostela.
Depuis des siĂšcles, des milliers de pas convergent vers cette ville nichĂ©e au cĆur de la Galice. Des routes traversent lâEspagne, franchissent les cols, longent les cĂŽtes, toutes guidĂ©es par une mĂȘme Ă©toile : le tombeau de Saint Jacques. Câest ici que sâachĂšve le Camino, ce chemin de foi, de doute, dâendurance.
Mais tous les pĂšlerinages nâont pas de fin religieuse.
Dans les ruelles pavĂ©es et les tribunes modestes du Stade Municipal Vero Boquete, un autre sentier sâouvre. Celui dâun club Ă reconstruire, dâune identitĂ© Ă revendiquer, dâun football enracinĂ©.
Onze maillots. Un mĂȘme blason. Et une seule certitude : le chemin importe autant que lâarrivĂ©e.
Compostela : Un chemin, onze maillots
Ăpisode 1 â Le premier pas
« Le football, câest pas une route toute droite. Câest un sentier. Tu poses un pied, puis lâautre. Et tu regardes jamais trop loin. »
â Manuel VĂĄzquez, confĂ©rence de presse, 10 juillet 2023
Santiago de Compostela â Stade Municipal Vero Boquete
Nomination officielle. JournĂ©e grise, salle sobre, journalistes locaux. Le club nâa pas de projecteurs. Pas de tapis rouge. Mais une idĂ©e. Et un nouvel entraĂźneur. Manuel VĂĄzquez, 35 ans, fait face Ă son premier mur de micros.
Nouveau coach de la SD Compostela, il sâassoit droit, parle peu. Ni grande gueule, ni discours creux. Mais quand il termine en galicien, le ton change :
« Imos camiñar xuntos, paso a paso. »
(âOn va marcher ensemble, pas Ă pas.â)
Un murmure. Un hochement de tĂȘte. Pas dâapplaudissements, mais le message passe.
Le chemin commence.
Manuel VĂĄzquez â Le bĂątisseur de lâombre
NĂ© en 1987 Ă Santiago de Compostela, VĂĄzquez nâa jamais quittĂ© longtemps la Galice. Milieu de terrain discret dans les divisions rĂ©gionales, il doit arrĂȘter tĂŽt Ă cause dâune blessure au genou. Mais le football ne lâabandonne pas.
Il enchaĂźne les formations, les postes dans lâombre, les carnets noircis pendant les matchs de jeunes. PrĂšs de dix ans Ă observer, comprendre, guider. Aujourdâhui, il obtient sa chance. DiplĂŽme Continental B en poche, il prend les rĂȘnes du club de sa ville.
« Je ne crois pas aux révolutions. Je crois aux racines profondes. »
Compostela, entre gloire éteinte et renaissance fragile
Il fut un temps â pas si lointain â oĂč Saint-Jacques-de-Compostelle affrontait les gĂ©ants.
De 1994 à 1998, la SD Compostela évolue en Liga, bousculant les hiérarchies.
Mais lâhistoire tourne court. Crises internes, dettes accumulĂ©es, et en 2007, le club est vendu aux enchĂšres aprĂšs sa disparition administrative.
Depuis, câest une longue marche.
Compostela Ă©volue aujourdâhui en Segunda FederaciĂłn, quatriĂšme division du football espagnol. Le club reste professionnel, les finances sont stables, sans folie.
Lâobjectif officiel : atteindre les barrages. Rien dâimpossible, mais rien dâassurĂ© non plus.
Manuel VĂĄzquez, lui, voit plus loin. Il veut tout reconstruire. Poser les fondations dâun club fort, cohĂ©rent, enracinĂ©.

Un projet galicien
DĂšs sa nomination, VĂĄzquez lâannonce : aucun joueur ne sera recrutĂ© sâil nâest pas nĂ© en Galice ou formĂ© par le club. Ni joueur, ni membre du staff Ă©tranger. Une identitĂ© rĂ©gionale forte, pensĂ©e comme une ressource, pas une contrainte.
« Ce nâest pas lâAthletic Bilbao. Câest Compostela. Et ça, câest notre force. »
Une réponse au football globalisé, une fidélité au territoire.
Pas dâobsession pour les rĂ©sultats immĂ©diats.
Mais une volonté claire : ancrer le club dans sa région. Valoriser les jeunes. Bùtir une identité.
Un projet de reconstruction, oui. Mais avec des fondations solides.
« Ce maillot, câest pas du folklore. Câest une histoire qui continue, portĂ©e par ceux qui la vivent ici. »
Cahier de Manuel VĂĄzquez â 10 juillet 2023
âIls ne croient pas encore que câest possible.
Moi non plus, parfois. Mais on nâa pas besoin dâĂȘtre sĂ»rs.
On a juste besoin dâavancer. Un jour, ils regarderont le banc et penseront :
âAvec lui, on peut monter.â
Ce jour-lĂ , on saura quâon est devenus un grand club.ââOn part de rien, ou presque. Une Ă©quipe Ă reconstruire. Une identitĂ© Ă rĂ©affirmer.
Les piliers sont lĂ : la ville, les supporters, la Galice.ââMaintenant, il faut tout bĂątir autour.
Je ne sais pas combien de temps jâaurai.
Mais chaque jour comptera.
Ce nâest pas encore un chemin de pĂšlerin.
Câest une ligne blanche sur de lâherbe un peu fatiguĂ©e.
Et on va la suivre.â
Ă suivre