:article: :tactic2: La révolution des Postes

:article: :tactic2: La révolution des Postes

Aujourd’hui je vous partage une série d’articles que j’ai vu sur le site l’Equipe réservé aux abonnés qui pourrais vous intéresser vous qui vous interessé surement aux tactiques et aux postes de vos joueurs.

:article: L’ATTAQUANT DE POINTE

Article original de Régis Dupont

:leafredfms: Qualités techniques et participation au jeu : la mutation du poste d’attaquant

Le poste d’attaquant de pointe a évolué. Il s’insère de plus en plus dans le jeu, au point qu’il deviendrait presque, parfois, un milieu offensif de plus.

La victoire de Manchester City à United, le 10 décembre dernier, a fait beaucoup de bruit avant et après le match. C’est pourtant ce qui s’est passé pendant qui aurait dû attirer l’attention. Deux entraîneurs, deux conceptions du football, une opposition incarnée par le profil des avants-centres alignés par les deux entraîneurs. Pour José Mourinho, le très massif Romelu Lukaku. Pour Josep Guardiola, le plus frêle Gabriel Jesus puis personne : une fois les Sky Blues en tête au score (2-1), il a remplacé le Brésilien par Mangala, City est passé à une défense à trois et a fait glisser David Silva en position théorique d’avant-centre.

Impossible de mieux illustrer la différence de conceptions que par Lukaku et Jesus, aux statistiques remarquablement dissemblables sur cette rencontre. Un avant-centre peut avoir tous les visages, voire s’effacer dans un rôle de sixième ou septième milieu de terrain.

:leaffms: Jesus-Lukaku, le non match

La confrontation entre l’avant-centre brésilien et son adversaire belge, lors du sommet du 10 décembre dernier, a largement tourné au désavantage du second, maladroit et directement coupable de la défaite de Manchester United dans le derby du nord de l’Angleterre (1-2) : impliqué sur les deux buts de City, il a aussi manqué l’égalisation à 2-2 en envoyant sa reprise sur le visage de Ederson. Sur ce match, Lukaku est très en-deçà de son rendement habituel, alors que les «marqueurs» de Jesus sont plutôt au-dessus de ce qu’il réalise en général. Des chiffres qui expliquent sans doute l’appétence de Guardiola pour les avants-centres hybrides, toujours plus à l’aise à mesure que le niveau s’élève, utiles au collectif à défaut de marquer.

S’il y a presque autant d’avants-centres différents que d’équipes, c’est parce que le n°9 est le dernier maillon de l’équipe. Jesus peinerait à United autant que Lukaku s’avèrerait inadapté à City. Qu’on construise sa formation en fonction de son attaquant ou que le buteur soit recruté en fonction des caractéristiques de l’équipe, on en revient toujours au même : l’attaquant de pointe doit être le prolongement du reste.

:leaffms: D’abord, défendre

Dans le football dit «moderne», l’avant-centre est soumis à un impératif commun : défendre. «La défense commence avec l’attaque, toujours. Si tu as des attaquants agressifs, qui ne laissent pas les défenseurs développer tranquillement leur jeu, tu peux défendre plus haut, récupérer le ballon plus près du but adverse et économiser du carburant, rappelle Viorel Moldovan, l’ancien avant-centre du FC Nantes. L’adversaire sent ça, il prend moins de risques. Barcelone ne demande jamais de défendre bas, Paris ne le fait que lorsqu’il n’a pas d’autre possibilité. Les équipes fortes comme Barcelone, City ou le Bayern, défendent toujours haut, avec des attaquants agressifs.»

Y compris, voire plus encore dans un schéma en 4-4-2, où ils doivent éviter toute relance axiale de l’adversaire. «Ce retour actuel au 4-4-2, c’est aussi permettre aux attaquants d’occuper toute la largeur en phase défensive pour empêcher toute relance facile», rappelle le champion de France 2001.

Il doit aussi savoir à peu près tout faire : «J’aurais du mal à être aussi performant que j’ai pu l’être», reconnaît Yannick Stopyra, 33 sélections en équipe de France de 1980 à 1988. L’ancien Toulousain n’était pas le plus emprunté de son époque, mais il avait du mal à aller vite tout en maintenant sa justesse technique. Moldovan, onze ans plus jeune mais au profil pas si éloigné, confirme : «A un moment, on pouvait dire à un attaquant de garder sa fraîcheur pour être efficace devant le but. Plus maintenant. A Nantes, déjà, on me demandait de participer beaucoup au jeu, de défendre et de marquer. Si tu peux faire tout ça, tu es un attaquant complet.»
Trezeguet, le contre-exemple

Aujourd’hui, être excellent dans un seul registre ne suffit plus. «Le profil Cascarino, qui sait jouer dos au but et impose sa présence physique, ça reste important, mais moins qu’avant, pense Stopyra. On a de plus en plus d’avant-centres qui vont vite, cherchent la rupture et moins la bagarre. De mon temps, j’avais deux ailiers de débordement, des garçons capables de centrer en première intention du vrai pied. Avant, un Horst Hrubesch pouvait faire sa carrière sur son jeu de tête. A un moment, on pensait même que l’évolution du jeu se ferait par les airs. Maintenant, on a tendance à apprécier des joueurs comme Benzema, techniquement élégants. Le besogneux style Delio Onnis ou Gerd Müller, ça n’existe plus. Il y aurait plutôt une tendance aux petits gabarits capables de se débrouiller au milieu d’une défense resserrée. On cherche du dynamisme dans la zone de vérité.»

Champion du monde 1998, vainqueur de l’Euro 2000, David Trezeguet a réussi une grande carrière à la Juventus Turin en dépit d’un profil «dépassé». «C’est une référence, rappelle Stopyra. Il n’avait pas des tests de vitesse d’un attaquant de niveau international. Comme Onnis, il n’allait pas vite mais, sur deux ou trois mètres, il anticipait avant tout le monde. Avant-centre, c’est d’abord un état d’esprit : le garçon qui veut marquer, ce côte gagneur, c’est ça qui relie les attaquants.»

Y a-t-il encore des Trezeguet au plus haut niveau ? Pas vraiment, d’ailleurs le manque de mobilité et de vitesse du Turinois a fini par constituer une limite, en club comme en équipe nationale. «Il y a toujours ce boulot de créer des espaces, être mobile, pense Moldovan. Le jeu sans ballon est primordial pour un avant-centre. Avoir ce nez, être toujours bien placé. C’est un poste assez compliqué, tu dois être né avec ce sens du but mais certains sont des tueurs, d’autres participent beaucoup.»

:leaffms: Les faux-pieds ont tout changé

L’environnement a changé. Plus ça va, plus l’avant-centre ressemble à un milieu offensif ou un ailier qui allierait l’agilité technique à l’adresse face au but. «Il y a une plus grande protection des joueurs mais en même temps, tout est disséqué et tout devient plus compliqué : il faut changer, se renouveler en permanence pour réussir ce que Jean-Pierre Papin réussissait à faire, c’est-à-dire marquer plus de vingt buts toutes les saisons, rappelle Stopyra. Aujourd’hui, l’attaquant idéal serait proche d’un Neymar ou Mbappé : ils ont un peu ce qu’avait Ronaldo le Brésilien des premières années, cette vitesse et cette technique en mouvement, cette adresse dans les petits espaces.»

Une finesse qui lui rappelle les spécimens italiens des années 70-80 : «A une époque, ils sortaient de grands buteurs en permanence : Altobelli, Rossi, etc… Quand je leur demandais comment ils faisaient, ils me répondaient : ‘‘On ne fait rien, simplement on met les meilleurs jeunes devant.’’ Une fois qu’on a compris ça… Avant, on mettait plutôt le meilleur joueur au milieu, parce qu’il y touchait un maximum de ballons, bien plus que s’il était au milieu de deux grands défenseurs.»

Dans un football toujours plus disséqué, la spontanéité ne suffit plus. Il faut un bagage extra-large pour se débrouiller en pointe. D’autant que le jeu de l’équipe n’est plus forcément au service de l’avant-centre. «La grande évolution des dernières années, c’est les faux-pieds à droite et à gauche, avec des garçons qui sont surtout là pour rentrer et frapper, et non pour centrer», continue Stopyra.

Dans son approche tactique, l’attaquant de pointe est une variable d’ajustement. Le 18 décembre 2011, en finale du Championnat du monde des clubs, le FC Barcelone s’est d’ailleurs présenté sans avant-centre ni véritable joueur de rupture contre Santos, dans une sorte de 3-7-0. «Nous avons appris beaucoup de choses aujourd’hui. Et je pense que vous aussi avez appris quelque chose», avait assuré après la démonstration Muricy Ramalho, l’entraîneur brésilien. Ce jour-là, Alexis Sanchez, David Villa et Affelay sont indisponibles : Guardiola aligne une équipe sans véritable attaquant, ni ailier. Messi en faux numéro 9, Alves sur le côté droit, cinq véritables milieux assurent aux Catalans une domination caricaturale.

Révolutionnaire ? Oui et non : L’AS Rome de Luciano Spaletti, avec Francesco Totti en pointe dans les années 2000, ou le Naples actuel de Maurizio Sarri avec Mertens en avant-centre très fuyant, ont été et sont sur cette ligne d’un numéro 9 hybride, plus milieu offensif que véritable attaquant. Une sorte d’évolution logique, si on se souvient l’explication de Guardiola après le récital contre Santos : «Je ne pense pas que nous ayons joué en 3-7-0. C’est simplement notre manière de jouer. Nous essayons de contrôler le milieu et d’exploiter l’espace.»

Il n’a pas fait autre chose, à Old Trafford au début du mois, en se passant de Gabriel Jesus quand il n’en a plus eu besoin. Alors bientôt la fin de l’avant-centre ? L’Allemagne a gagné la Coupe du monde 2014 sans véritable spécialiste du poste. Le Portugal qui a arraché l’Euro 2016 aussi, même si le but décisif est venu d’un «vrai» avant-centre, Eder. Le Real Madrid, vainqueur de trois des quatre dernières Ligues des champions, aligne en pointe un joueur qui marque relativement peu (Benzema), qui est avant tout là pour le liant qu’offre sa justesse technique. Le sens de l’histoire ? Au très, très haut niveau, c’est bien possible.

Article Original

:article: LE LATÉRAL

Article Original de Sébastien Surron

:leafredfms: Le latéral moderne, nouvel animateur du jeu

De plus en plus offensif et impliqué dans le jeu, le latéral est aujourd’hui un véritable couteau suisse sur le terrain devenu une arme offensive supplémentaire. Au détriment de son travail défensif ?

Finale de la dernière Coupe du monde, 13 juillet 2014, Rio de Janeiro. L’Allemagne domine l’Argentine 1-0 en prolongation. Capitaine de la Nationalmannschaft, Philipp Lahm est le joueur le plus sollicité de la rencontre, avec 132 ballons joués.

Finale de la dernière Ligue des champions, 3 juin 2017, Cardiff. Le Real Madrid conserve son titre en surclassant la Juventus 4-1. International brésilien du club merengue, Marcelo touche le ballon à 90 reprises, record du jour.

Le point commun entre ces deux joueurs ? Ils occupent, lors de ces deux matches, le même poste : celui de latéral.

Le poste de latéral n’est pas considéré comme le plus glamour et le gamin qui l’occupe en U11 l’a rarement choisi. Pourtant, dans le football moderne, il est devenu essentiel et le latéral constitue une pièce maîtresse de sa formation.

«C’est peut-être le poste le plus intéressant, il est extraordinaire. Vous pouvez tout faire sur un terrain, alors qu’auparavant l’aspect défensif était prépondérant», affirme l’ancien latéral Bertrand Reuzeau, ex-directeur du centre de formation du PSG et aujourd’hui en fonction à Monaco. «On y mettait des joueurs avec des caractéristiques défensives, là avant tout pour bloquer leur couloir», abonde Jérôme Fougeron, recruteur au Havre.

Les joueurs de côté au profil offensif n’ont pourtant pas attendu l’époque moderne pour s’émanciper des tâches uniquement défensives.

Entre la force de frappe de l’Italien Giacinto Facchetti - 59 buts en Serie A avec l’Inter Milan de 1960 à 1978 -, les superbes centres de l’Allemand Manfred Kaltz - les « centres banane », pour leur trajectoire bombée - au tournant des années 70-80, et les montées de Manuel Amoros dans les « eighties », prétendre le contraire relèverait de l’amnésie.

Le premier contre-attaquant

«Dans le football, la difficulté, c’est d’être surprenant, et il n’y a pas mieux qu’un latéral pour créer la surprise», expose Bixente Lizarazu, référence du poste. Pour le champion du monde 1998 et d’Europe 2000, «la contre-attaque, avec une projection instantanée à la récupération, empêche l’autre de se réorganiser et le latéral constitue une véritable arme, car c’est grâce à lui que tu développes les attaques rapides : tu as récupéré le ballon, tu es le premier relanceur et tu te projettes tout de suite.»

Une autre mission incombe au latéral moderne : effectuer des courses pour créer des fausses pistes et permettre à l’ailier de rentrer dans le jeu pour pouvoir tirer avec son pied fort.

Premier contre-attaquant, le latéral a vu sa palette s’élargir en raison d’un jeu qui a gagné en rapidité et en puissance.

L’axe bouché, la solution par les côtés

«Les défenseurs se sont améliorés, les ailiers sont de suite pris par les latéraux adverses, c’est difficile de rentrer par les dribbles, donc ce qui arrive de loin, lancé, est déstabilisant», détaille Raymond Domenech, lui aussi ancien joueur à ce poste.

Et comme « les équipes sont de mieux en mieux organisées, de plus en plus prêtes physiquement, les blocs se referment plus vite, les espaces se sont réduits, il faut apporter de la supériorité numérique, et vous arrivez le plus souvent à l’apporter par les couloirs», développe Bertrand Reuzeau.

Le match Chelsea – AS Rome, disputé le 18 octobre dernier en Ligue des champions, en est la parfaite illustration. Cinq Blues ayant verrouillé l’axe au niveau médian, la formation italienne s’était appuyée sur les côtés pour créer le déséquilibre.

Conséquence ? Le latéral gauche Aleksandar Kolarov est le joueur de la Louve à avoir été le plus souvent sollicité durant la rencontre et, avec 65 passes - dont 35 dans le camp adverse -, il est celui qui a le plus distribué le jeu. Et l’international serbe avait même permis à son équipe d’y croire en réduisant la marque à 1-2 (3-3 au final).

Cette participation accrue des latéraux au jeu se voit également en Ligue 1. Agé de 31 ans, Romain Danzé a commencé sa carrière professionnelle en 2006 au Stade Rennais, à qui il est resté fidèle. L’international français Christophe Jallet (34 ans) a, lui, évolué dans l’élite avec quatre équipes : Lorient, le PSG, Lyon et Nice. Deux trajectoires différentes pour une même évolution : de leur première saison en L1 à celle écoulée, leur nombre de ballons touchés en 90 minutes a connu une augmentation de 42 % pour Danzé et de 33 % pour Jallet.

Plus sollicités dans le jeu, plus concernés par le travail offensif, les latéraux se montrent, logiquement, de plus en plus impliqués aux abords de la surface adverse. Lors de la phase à élimination directe en Ligue des champions, le nombre de passes délivrées par les latéraux ayant abouti à un tir a augmenté de plus de 23 % entre 2010 et 2017. En Ligue 1, sur la même période, ce pourcentage s’élève même à 38 % !

«On n’est plus juste un latéral» - Jallet

«Au début de ma carrière, je ne vais pas dire que c’était plus tranquille, mais il y avait beaucoup moins d’attente sur ce poste, constate Christophe Jallet. C’est, pour moi, le poste qui a le plus évolué ces dix dernières années. Avec l’apport, la sortie de balle, on n’est plus juste un latéral.»

Une impression confirmée par Bertrand Reuzeau. «Ce qui me marque vraiment, c’est de voir, aujourd’hui, un latéral dans les seize mètres à la réception d’un centre opposé, comme le fait par exemple Layvin Kurzawa. Ils sont presque comme des attaquants sur certaines actions», s’étonne-t-il.

Cette saison, l’international français est d’ailleurs entré dans l’histoire en devenant le premier défenseur à inscrire trois buts dans un match de Ligue des champions, le 31 octobre dernier face à Anderlecht (5-0). Une rencontre durant laquelle l’ex-Monégasque a touché plus de fois le ballon dans la surface adverse que dans la sienne et inscrit son troisième but sur un centre de Daniel Alves, l’autre latéral.

Au Vélodrome, Benjamin Mendy, qui est devenu le défenseur le plus cher du monde en rejoignant Manchester City (pour 57,5 M€) avait réalisé la saison dernière un sprint de 70 mètres, sur un contre construit côté droit, pour marquer dans le but vide plein axe, après être parti de son côté gauche. «C’est pour ça que j’ai demandé d’acheter des joueurs de couloirs l’été dernier : pour faire plus de jeu sur les côtés», savourait alors Leonardo Jardim, le coach de l’ASM. «Maintenant, on a tendance à sentir les coups et à se projeter même quand le ballon n’est pas encore de notre côté», explique Jallet.

Une nouvelle dimension physique

Au regard des différentes tâches qui lui sont assignées, l’aspect athlétique joue plus que jamais un rôle essentiel chez le latéral de l’ère moderne. Car s’il n’existe pas de morphologie type du latéral (comment comparer le Barcelonais Jordi Alba, avec son 1,70 m et ses 68 kg, au 1,90 m et 92 kg du Parisien Thomas Meunier ?), ce poste exige d’être complet physiquement.

Dans l’«impulsion» (Raymond Domenech), le latéral doit être rapide, fort dans les duels, capable de réaliser des sprints sur une longue distance, et de répéter les efforts à haute intensité. L’explosivité, la vélocité, l’aérobie, la vitesse et l’endurance sont donc des qualités essentielles pour occuper ce poste.

«Il faut qu’il soit capable de sprinter sur 30 mètres départ arrêté en moins de quatre secondes, et il doit posséder une vitesse maximale aérobie (la vitesse de course à pied à partir de laquelle une personne consomme le maximum d’oxygène) supérieure à 18 km/h», détaille Christian Schmidt, préparateur physique de Lucerne passé par Rennes, Nice ou Monaco.

«Des joueurs d’il y a 30 ou 40 ans ne pourraient pas, je pense, occuper ce poste sur le plan physique, affirme-t-il. Ils étaient moins bien suivis et ne jouaient pas autant de matches dans la saison.» Mais même le suivi actuel ne suffit pas, parfois, pour qu’un latéral n’explose pas en plein match.

«Parfois, c’est injuste : un joueur va être hyper généreux et tellement donner qu’il va manquer de fraîcheur, rater un geste défensif et au final, il va être critiqué parce qu’il a raté ce geste, et on oublie tout ce qu’il a pu apporter offensivement», déplore Bixente Lizarazu.

Une qualité technique supérieure

Particulièrement exigeant sur le plan physique, ce poste l’est aussi toujours plus au niveau technique. Le latéral doit être un pourvoyeur de ballons pour les joueurs d’axe, rapide dans sa prise de décision et juste dans ses choix, savoir jouer en une touche, combiner, centrer, etc. «La qualité technique à pleine vitesse des latéraux s’est améliorée, il n’y a pas photo, confirme Raymond Domenech, ancien sélectionneur et DTN. Aujourd’hui, des centres qui vont directement derrière le but, j’en vois rarement. A notre époque, quand un latéral débordait, les spectateurs baissaient la tête (rires)».

La nécessité de la couverture

Physique, technique, ce poste est aussi tactique. L’équilibre d’une équipe est fondamental et un latéral peut se libérer des tâches défensives seulement si un autre joueur vient combler son absence. «En équipe de France, quand je montais, je savais que Manu Petit allait me protéger, explique Lizarazu. Il faut une couverture pour partir librement.»

La compréhension entre partenaires est donc essentielle. «L’expression d’un latéral dépend beaucoup du joueur qu’il a devant lui, enchaîne l’ancien international français. La communication doit être fluide, comme ce fut le cas la saison dernière à Monaco entre Benjamin Mendy et Thomas Lemar. Avec les Bleus, quand j’avais Zizou devant moi, je savais que ça allait fonctionner, car lui avait tendance à repiquer vers l’intérieur et me laisser l’espace.»

Aujourd’hui, les joueurs dézonent beaucoup, le football est devenu très ouvert, développe Bertrand Reuzeau. Quand je discute avec les coaches (des équipes de jeunes), on ne parle plus de poste, mais d’espace et d’occupation du terrain.»

Un défenseur ne sachant pas défendre ?

N’oublions pas que le latéral est d’abord un défenseur. S’il est de plus en plus concerné par le jeu offensif, la base de son métier doit, donc, d’être performant défensivement. Or, il arrive, bien souvent ces dernières années, que le latéral donne l’impression de pécher dans ce domaine. «Il ne faut pas en faire que des milieux excentrés maquillés, qui défendent moins bien, juge Bertrand Reuzeau. Au niveau du club (Monaco), on est en train d’en discuter, il faut aussi que nos latéraux sachent bien défendre, c’est une base pour le haut niveau, ce qu’on a tendance à oublier.»

Cité comme le modèle du latéral moderne en raison de sa puissance offensive, Roberto Carlos avait d’ailleurs été amené à quitter l’Inter Milan un an seulement après son arrivée en Italie, direction le Real Madrid, en raison de ses largesses défensives. «Ils attaquent bien, mais qu’est-ce qu’ils défendent mal, en rit Raymond Domenech. C’est vrai qu’on leur demande tellement dans le jeu offensif que leur manière de défendre, c’est d’attaquer. Mais ils ont des lacunes dans les couvertures, dans les fermetures, des fois même dans les duels ou dans leur positionnement pour empêcher l’adversaire de prendre les ballons», constate l’ancien coach des Bleus.

Du latéral offensif à l’attaquant défenseur

Ce constat n’a, en tout cas, rien de surprenant. Car de nombreux latéraux sont d’anciens attaquants ou joueurs offensifs reconvertis, à l’image de Layvin Kurzawa, de Patrice Evra ou encore de Bixente Lizarazu. Le Basque avait su s’adapter, au point d’être quasi infranchissable. Une question d’état d’esprit, de concentration, de capacité à se faire mal, de réussir à prendre du plaisir au duel et à «essayer de péter un mec plus grand ou plus costaud», dit-il lui-même.

Marcelo, la référence ?

Alors, le latéral parfait existe-t-il ? A écouter Bertrand Reuzeau, il serait un oiseau rare: «Le latéral idéal, c’est celui qui :

  • sait défendre correctement,
  • a un apport offensif très intéressant,
  • sait se positionner selon l’animation offensive,
  • est capable de revenir à l’intérieur au milieu,
  • possède une grosse intelligence tactique,
  • s’adapte aux animations adverses,
  • peut évoluer bas, haut,
  • doit également aller assez vite
  • être doté d’une belle qualité avec son pied fort.
    C’est énorme.»

Est-ce la raison pour laquelle le match d’un latéral donne rarement l’impression d’être complètement abouti? Est-ce la raison pour laquelle Raymond Domenech n’a «jamais fait une équipe en se basant sur un latéral de l’équipe en face»? Quoique, l’ancien sélectionneur ferait bien une exception pour Marcelo. «Quand vous avez un client comme Marcelo, c’est spécifique. Le couloir doit être densifié, car il fait souvent la différence, et il est capable de rentrer à l’intérieur. Quand il est en forme, il est très dangereux.» Opposé au Real Madrid en 8es de finale de la C1, le PSG aurait tout intérêt à se pencher sur le sujet.

Quel est pour vous le meilleur latéral actuel ?

  • Alexandar Kolarov
  • Marcelo
  • David Alaba
  • Daniel Carvajal
  • Benjamin Mendy
  • Alex Sandro
  • Daniel Alves
  • Jordi Alba
  • Joshua Kimmich
  • Filipe Luis

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:article: LE GARDIEN DE BUT

Article Original de Régis Testelin

:leafredfms: Comment le gardien a évolué pour devenir un onzième joueur

Au cours des cinquante dernières années, l’évolution du jeu, de ses règles et de son environnement, a profondément modifié le métier de gardien de but. Plus grand, plus technique et plus adroit, il couvre désormais une zone de terrain plus étendue.

Le matériel

L’évolution technologique a fait du ballon lourd et perméable des anciens un objet léger, étanche, au revêtement plastifié. Plus glissant, plus flottant, plus réceptif aux effets, il emprunte des trajectoires de plus en plus capricieuses. «On dirait un volant de badminton, estime Jean-Paul Bertrand-Demanes, ancien gardien du FC Nantes, de 1969 à 1987 et de l’équipe de France (11 sélections de 1973 à 1978). Avant, on devait bloquer le ballon dans la niche ; aujourd’hui, c’est devenu accessoire, c’est trop dur avec ces ballons.» Le changement a été colossal pour les gardiens. «Un frappe de 25 mètres est devenue aussi dangereuse qu’une frappe de 12 mètres, explique André Amitrano, entraîneur des gardiens de but de l’AS Monaco depuis 2009 et ancien gardien de L1, à Monaco, Nice et Cannes. Sur les tirs de loin, le ballon a le temps de changer d’effet. Il peut y avoir un écart de 1,5m entre la trajectoire initiale et la trajectoire finale. Pareil pour les tirs en cloche qui retombent très vite. Les variations sont trompeuses.»

Avant, on jouait un match de L1 avec trois ballons, aujourd’hui, il y en a une douzaine dans les mains des ramasseurs, cela atténue l’effet d’usure du ballon et le gardien est quasiment toujours confronté à des ballons neufs. Le jeu va plus vite, la concentration doit s’adapter. Les gants, eux, ont fait du bien au métier. Il en existe pour tous les temps (sec, humide, neige), la révolution c’est leur côté amortisseur. Enfin, du maillot noir de Lev Yachine on est passé aux couleurs fluo. «Une étude a montré que le fluo attire inconsciemment l’œil du frappeur, c’est bon pour les gardiens», conclut Amitrano.

L’athlétisation du poste

Si Lev Yachine (1929-1990, 78 sélections avec l’URSS de 1957 à 1964) reste considéré comme l’un des plus grands gardiens de tous les temps, c’est en raison de son côté précurseur : relances rapides à la main, frappes repoussées vers l’extérieur, sorties de sa surface. Mais sa taille aussi était avant-gardiste : 1,89m ; c’est grand, à l’époque, c’était immense. «En dessous de 1,90m, c’est difficile de s’en sortir pour un gardien de nos jours, estime Bertrand-Demanes, surnommé «Le Grand» à son époque (1,92m). Les joueurs de champ sont de plus en plus grands, le foot est de plus en plus athlétique. Jean-Luc Ettori (1,73m, gardien des Bleus à la Coupe du monde 1982) aurait du mal aujourd’hui.»

En Angleterre, la taille est indispensable, Thibault Courtois (Chelsea) mesure 1,99m, David De Gea (Manchester United) est à 1,92m. Les gardiens parisiens, Alphonse Areola (1,95m) et Kevin Trapp (1,89m) sont grands. «L’athlétisation du poste s’est accélérée avec l’arrêt Bosman, en 1995. On a vu arriver dans les clubs des joueurs de champ africains ou scandinaves très grands et costauds et il a fallu répondre avec de grands gardiens», précise Amitrano.

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Une préparation spécifique

En club ou en sélection les gardiens travaillent la majorité du temps ensemble, à l’écart des joueurs de champ. Cet entraînement spécifique, avec des préparateurs étant souvent des anciens gardiens professionnels, date du milieu des années 70. Il a «millimétré» le poste en lui donnant un cadre très strict. «Enfin, il y avait une prise en charge précise, avec des exercices spécifique », se souvient Amitrano. Echauffement, réduction d’angles, prises de balle, déviations, sorties, dégagements aux poings, arrêts réflexes, coup francs, relances ou jeu au pied font désormais partie du bagage. «Quand (José) Arribas entraînait Nantes (entre 1960 et 1976) et que (Jean-Claude) Suaudeau était son adjoint, on avait un entraîneur des gardiens, Guelso Zaetta, qui était un ancien attaquant, se souvient Bertrand-Demanes. Quand Jean-Marc Desrousseaux est arrivé pour être mon numéro deux au poste en 1975, il venait de finir sa formation à l’INF Vichy, où les premiers entraîneurs spécifiques de gardien exerçaient. Jean-Marc nous a initié avec plein de nouveaux outils, on a ‘‘piqué’’ la méthode INF.»

Depuis, la réactivité, au sol et en l’air, se travaille notamment grâce à des trampolines ou des filets, sur lesquels sont envoyés les ballons. A Monaco, Amitrano a inventé l’exercice de la barrière : lorsque le ballon la touche, sa trajectoire est déviée et le gardien travaille ses réflexes.

Un entraînement de Petr Cech

Les entraînements du Costaricien Keylor Navas (Real Madrid), qui exerçait son œil en arrêtant des balles de tennis frappées avec une raquette, lorsqu’il jouait à Levante, participent de ce progrès. Des medecine balls de deux kilos sont également utilisés dans certaines séances, pour passer rapidement du ballon lourd au «vrai».

La règle de la passe en retrait

En 1992, pour favoriser un football offensif, la Fifa a interdit aux gardiens de saisir à la main les passes en retrait volontaires de leurs partenaires. C’est une révolution, le gardien est devenu un onzième joueur de champ à mi-temps et a dû s’adapter techniquement : contrôles, passes, pied droit, pied gauche, jeu court, jeu long, dribble. «Avant on ne jouait pas sous la pression comme ça, ajoute Amitrano. Là, quand le gardien reçoit une passe en retrait, il doit être face au jeu et l’avoir lu, et relancer sur un partenaire des deux pieds. Vous vous rendez compte de ce qu’on lui demande ? C’est le poste le plus difficile du terrain. Aujourd’hui, quand on recrute un gardien, les trois questions sont : Quel âge il a ? Combien il mesure ? Et comment est son jeu au pied ?»

L’évolution des règles, mais aussi l’évolution du jeu. Le libero, ce dernier défenseur qui couvrait ses partenaires en se tenant en retrait d’eux, a disparu, et c’est le gardien de but qui remplit ce rôle. «La lecture du jeu, l’anticipation, la vitesse de course sont devenues des qualités indispensables, dit Amitrano. A ce niveau-là, Manuel Neuer est le meilleur. A mon époque, quand un gardien sortait de sa surface, il désertait.» La défense à plat et la remontée du bloc défensif plus près du rond central ont «offert» une zone de couverture colossale au gardien de but, cinq ou six fois sa surface de réparation. «A Nantes, on jouait déjà assez haut pour l’époque, dit Bertrand-Demanes, mais je sortais de ma surface une fois tous les cinq matches. Quant au jeu au pied, c’était un coup de pied le plus loin possible.» Le jeu au pied, c’est désormais 25% du temps de travail des gardiens à l’entraînement, ils participent aux toro avec les joueurs de champ, et lorsqu’ils travaillent le jeu aérien, ils se chargent eux-mêmes des centres, et des deux pieds.
La vidéo est une alliée

Dans la majorité des clubs pros, les entraînements sont filmés et les matches aussi, ce qui permet un travail de correction. Le debriefing des rencontres a pris d’autant plus d’importance que le gardien de but est soumis à des choix permanents, dans la gestion des ballons chauds et dans la gestion de la profondeur, devant eux : bloquer ou repousser une frappe, sortir sur les ballons aériens ou rester devant sa ligne, quitter sa surface ou attendre? La vidéo est un bon outil pour répondre à ces questions. Elle permet aussi le décryptage du jeu et du danger adverse. «On étudie les coups de pied arrêtés adverses, mais aussi le comportement des attaquants pour savoir s’ils ont tendance à contrôle avant de frapper», conclut Amitrano. A l’inverse, de nombreux attaquants aiment qu’on leur dresse un petit portrait vidéo du gardien adverse, avec forces et faiblesses. C’est le cas de Radamel Falcao, notamment.

:article: LES MENEURS DE JEU

Article Original par Grégory Blachier

:leafredfms: Les meneurs, qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?

Si le mythe du numéro dix est vivace, les meneurs «à l’ancienne» se sont raréfiés à mesure que le jeu a pris de la vitesse et du muscle, et au gré des modes tactiques. Au point qu’aujourd’hui, tous les postes du milieu peuvent cacher un meneur et rares sont les équipes qui misent tout sur un homme.

Zinédine Zidane éclairait le football et, avec lui, notre façon de le voir. Le meneur de jeu, c’était lui. Or, dix ans après sa retraite, aucun successeur n’est apparu. Non qu’il n’y ait plus de numéro dix. Il en reste, d’envergure et de réputation plus ou moins grande. De Benjamin Nivet à Mesut Özil, de Yoann Gourcuff à Wesley Sneijder.

Mais au haut niveau, tous sont des exceptions. Car être meneur de jeu, ce n’est pas ou plus être numéro dix. Plus seulement. C’est davantage un rôle, un «état d’esprit», pour emprunter à Jonathan Wilson, auteur d’une Histoire des tactiques du football qui fait autorité. C’est une mission plus qu’un poste ou un positionnement. Aujourd’hui, plus encore qu’hier, des joueurs aux qualités très diverses sont meneurs de jeu.

La vitesse a rattrapé le n°10

L’histoire enseigne que le jeu n’a pas toujours été dirigé par les numéros dix. Après la Coupe du monde 2010, qui avait vu le 4-2-3-1 revenir en grâce, Jonathan Wilson s’était penché sur l’histoire du poste et les évolutions tactiques qui avaient conduit à le faire naître dans un billet rétrospectif publié par le Guardian. Il y concluait que la forme la plus aboutie de n°10 dit «à l’ancienne» était née avec l’Argentine de 1966 installée en 4-3-1-2 et avait survécu essentiellement dans ce même pays, où Juan Roman Riquelme était jusqu’à sa retraite, en 2014, le meilleur représentant de cette belle lignée d’enganche.

Or, de cette étude ressortaient deux éléments majeurs : d’abord que le meneur est né en faisant reculer un attaquant et que ce mouvement est celui de l’histoire ; ensuite que Juan Roman Riquelme, sa lenteur corporelle et sa vivacité d’esprit, vus en Europe de 2002 à 2007, sont un anachronisme magnifique, parce que le jeu réclame de plus en plus d’intensité et que les meneurs sont les premiers touchés.

Dans son dyptique La prépa physique en football, Alexandre Dellal, docteur en sciences du sport et chargé de la performance à l’OGC Nice, montre par exemple qu’en 2006-07 déjà, les joueurs qui réalisaient le plus de courses à haute intensité en Premier League étaient les milieux offensifs axiaux (soit 334 mètres, pour 2,5% de la distance totale).

Romain Poirot, recruteur pour Watford et Udinese après avoir œuvré pour Manchester City, rappelle pour sa part qu’«aujourd’hui, on cherche avant tout de l’explosivité, une capacité à accélérer sur dix ou vingt mètres». Thiago Alcantara, au Bayern, excelle dans les petits espaces par sa vitesse d’exécution. Mais tous les dix n’ont pas cette qualité-là. Aussi les entraîneurs ont-ils dû trouver des parades pour déplacer leurs meneurs.

Reculer pour mieux sauter (les lignes)

Plusieurs techniciens ont contribué à éloigner le meneur du pressing adverse et Carlo Ancelotti a poussé la logique à son paroxysme à l’AC Milan, au mitan des années 2000, lorsqu’il a fait d’Andrea Pirlo son «regista». Formé en numéro dix, Pirlo se retrouvait posté en sentinelle, avec pour objectif non de veiller mais d’organiser l’assaut.

Ce qui lui permettait de remplir l’un des rôles fondamentaux du meneur de jeu selon Johan Micoud : «Le top, c’est quand [le meneur] arrive à trouver la verticalité sur une passe ou deux, à casser les lignes adverses», explique l’ancien meneur de Bordeaux, du Werder et (un peu) des Bleus dans le livre Comment regarder un match de foot ?

En renvoyant Pirlo si bas, Ancelotti n’a pas seulement fait reculer son numéro dix, il a réparti les responsabilités. Si deux milieux (Gennaro Gattuso et Massimo Ambrosini) protégeaient le regista, deux autres assuraient le reste des tâches offensives : à Clarence Seedorf la liaison milieu – attaque, à Kakà la création des occasions et des buts. Ainsi naquit un « sapin de Noël » décoré de trois meneurs mais sans n°10.

«Désormais, le jeu implique que le numéro dix ne joue pas seulement quand il a le ballon»

Johan Micoud, meneur excentré et pendant d’Ali Benarbia dans le Bordeaux champion de France 1999, résume bien cette mutation : «Désormais, le jeu implique que le numéro dix ne joue pas seulement quand il a le ballon. Et on met les numéros dix dans un autre positionnement au départ, qui évolue une fois le ballon récupéré.»

Il apporte là un aspect essentiel : le jeu sans ballon, inimaginable pour le n°10 « à l’ancienne » et pourtant indispensable pour comprendre la mutation du meneur de jeu. S’il est abordé sous l’angle défensif –on replace le meneur parce que le haut niveau ne tolère plus qu’un joueur ne défende pas–, le jeu sans ballon est fondamental en phase offensive : ce que le jeu a gagné en vitesse et en intensité, les joueurs l’ont perdu balle au pied. Il faut se repositionner, comme Pirlo, pour gagner du champ et du temps ; ou se déplacer mieux pour ouvrir des espaces – ainsi vont les meneurs excentrés qui rentrent dans l’axe et libèrent l’aile aux latéraux.

De là découle une conclusion : si une mythologie reste attachée au numéro dix –«celui qui se met au service des autres parce qu’il est au-dessus techniquement », disait Alain Giresse il y a peu dans un France Football consacré aux meneurs–, ils sont de plus en plus rares à pouvoir se dire descendants des grands n°10.

Tous meneurs

Ce d’autant plus que les grands n°10 ont parfois été eux-mêmes de faux dix, moins meneurs que buteurs. L’Argentine, pays de tradition avec l’enganche, est aussi celui qui a contribué à le transformer en second attaquant : la légende du dix s’est écrite en partie lorsque Carlos Bilardo a placé Diego Maradona derrière un seul attaquant pour affronter l’Angleterre en quarts de finale de la Coupe du monde 1986.

En Italie, Michel Platini était aussi un trequartista, meneur attiré par le but. Lui-même disait d’ailleurs, dans un livre d’entretien avec Gérard Ernault, n’avoir été «qu’un 10 d’occasion … tirant parfois vers le 9 et demi». Après lui et plus près de nous, Dennis Bergkamp ou Francesco Totti ont eu ce registre. Et peut-être demain Paulo Dybala.

En attendant qu’il impose ce rôle, où sont aujourd’hui les meneurs de jeu ? Peu sont à leur place naturelle puisque rares sont les schémas qui font place au dix, si ce n’est le 4-2-3-1. Le 4-4-2 avec un milieu en losange semble jugé inadaptable au très haut niveau. Et ni le 4-3-3, 3, ni 4-4-2 à plat, ni les systèmes avec une ligne de cinq ne prévoient d’intégrer un dix.

En réalité, les meneurs sont partout. En Ligue 1, par exemple, ils sont placés en n°10 comme Fekir ou Payet avec des profils différents, ils sont excentrés comme Thomas Lemar à Monaco, ils sont milieu et ont la charge de construire, comme Marco Verratti. Mais Verratti ne va guère sans Thiago Motta, et l’Italien est-il meneur…

S’il faut tenter de définir le meneur moderne, ce sera davantage par les rôles qu’il assume, le créateur et le métronome, que deux Allemands incarnent parfaitement.

Özil s’impose d’abord comme distributeur, présent à la passe. Malgré un positionnement assez haut, il dribble peu (1,2 par match) et ne frappe pas beaucoup. Özil est ce que Johan Micoud appelle «le chef d’orchestre offensif».

Le second serait Toni Kroos. Il forme un duo complémentaire avec Luka Modric, formé comme n°10 avant de devenir couteau suisse (quoique croate). Kroos a le physique d’un relayeur (1,82m, 77 kg) mais il est bien plus que cela : il donne le tempo, gère l’espace, choisit où et comment le Real attaque. Il a le meilleur total de passes en Liga (78,4 passes par match), le cinquième taux de passes réussies (91,9%), malgré 5,7 longs ballons et 1,6 passe transversale par match. Il est en outre un dernier passeur de talent (1,9 passe clé par match).

De Bruyne, l’art de la synthèse

Si personne n’a pris la place laissée vacante par les grands numéros dix, un joueur est peut-être en passe de devenir l’archétype du meneur moderne. A Manchester City, Kevin De Bruyne rayonne parce qu’il fait la synthèse entre le créateur et le métronome.

Créateur, De Bruyne est le co-meilleur passeur de Premier League avec David Silva et Leroy Sané (8 passes décisives) et un buteur régulier (6 buts). Il donne 3,1 passes clés par match, ce qui en fait le deuxième créateur d’occasions derrière Özil. Métronome, il compile 75,9 passes par match, soit le sixième total de Premier League – David Silva est le seul autre joueur offensif du Top 10.

Surtout, le rouquin au visage poupin apporte de la richesse au jeu : ses passes clés sont variées (2,2 courtes / 0,9 longue, contre 3,4 et 0,2 pour Özil), il se distingue par les changements d’aile (1,7 par match, 3e de Premier League), les passes longues (4,1/match, premier joueur offensif), la recherche de la profondeur.

Ces variantes entraînent du déchet – il a le 67e taux de passes réussies d’Angleterre (83,4%) – mais témoignent de sa qualité de meneur géomètre, tel un Pirlo, modérateur du rythme et inventeur d’espaces, buteur au besoin et excellent frappeur de coups de pied arrêtés.

Le meneur de jeu est le seul rôle à City où la fiche d’observation des recruteurs compte huit critères quand les autres nécessitent de réunir quatre voire cinq qualités. De Bruyne, ni n°10 ni n°8 mais tout à la fois, pourrait bien être le seul homme qui remplit toutes les cases.

:article: LA SENTINELLE

Article Original par Yann Sternis

:leafred: La sentinelle moderne, un architecte du jeu

Autrefois récupératrices et destructrices, les sentinelles présentent désormais un profil plus technique. Et leur rôle dans la création et l’organisation du jeu est devenu déterminant.

Les années 2000 devaient marquer l’extinction des sentinelles techniques, ce fut finalement leur ascension. En 2004, un article du quotidien britannique The Times sur les dernières années de la carrière de joueur de Pep Guardiola – alors âgé de 33 ans - décrivait à quel point son style de jeu, ses qualités, pour ne pas dire son registre, étaient devenus obsolètes.

«Je n’ai pas changé, j’ai toujours les mêmes capacités, c’est juste que le football est différent désormais, témoignait l’ancien milieu du Barça, alors parti à Al Ahli (Qatar). Le rythme est beaucoup plus élevé, le jeu plus physique. Les tactiques sont différentes, au milieu, vous devez avoir un gros récupérateur, un tacleur, comme Patrick Vieira ou Edgar Davids. Si vous êtes bon passeur, ce n’est qu’un bonus. L’accent est mis sur le travail défensif pour les milieux centraux… des joueurs comme moi ont disparu.»

Explore : Guardiola, la loi des 32 minutes

Treize ans plus tard, les sentinelles type Guardiola n’ont pas disparu. Au contraire, elles se sont répandues, notamment au sein des meilleures équipes d’Europe. Des joueurs comme Sergio Busquets, Andrea Pirlo, Xabi Alonso ou Michael Carrick ont régné sur l’Europe, participant activement à la mutation du jeu moderne.

Pour tenter de déterminer l’évolution moderne des sentinelles, il faut d’abord s’entendre sur la définition de ce poste et sur son histoire. En France, ce terme n’est apparu que très progressivement à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990 pour caractériser les postes de joueurs comme Claude Puel à Monaco ou de Paul Le Guen au PSG devant Ricardo et Roche.

Sa définition est complexe ; elle dépend du système de jeu dans laquelle elle évolue, de l’animation de l’équipe, de la philosophie de jeu prônée par l’entraîneur, des qualités des milieux. Basiquement, le poste peut toutefois être résumé ainsi : il s’agit du milieu axial évoluant seul devant sa défense. Il s’intègre donc principalement au sein de 4-3-3, 4-4-2 losange, 4-1-4-1, 4-3-2-1.

«Avant, le rôle d’un Makelele était de récupérer le ballon et de le donner à Zizou»

«On peut dire que c’est un milieu récupérateur, défensif… même si, en y réfléchissant, ça a évolué, note Raynald Denoueix. J’entends parfois l’expression ‹ ‹ n°10 devant la défense › › pour évoquer ce poste, ça convient presque mieux.»

Car la principale évolution des sentinelles a été de ne plus avoir une vocation exclusivement défensive. Dans les années 1990, les milieux de ce type étaient, hors exceptions, de gros récupérateurs, puissants, livrant de nombreux duels, taclant, commettant des fautes, donnant rapidement les ballons reconquis, bref réalisant le sale boulot pour protéger leur défense, à l’image d’un Roy Keane à Manchester United ou d’un Didier Deschamps chez les Bleus.

Plus proches de nous, Claude Makelele, lors de ses passages au Real puis à Chelsea, a donné son nom à un type de sentinelles (le Makelele role) aux taches uniquement défensives, alors même que l’ancien Nantais était loin d’être maladroit dans la relance. «Quand j’ai joué avec lui à Paris, il me disait effectivement qu’au Real, son rôle était à la récupération. Il devait récupérer le ballon, et le donner à Zizou», résume le Nancéien Jérémy Clément, qui a évolué comme sentinelle à Lyon, au PSG et à Saint-Etienne.

La créativité s’est déplacée vers le bas

Plusieurs facteurs ont favorisé cette mutation expresse des sentinelles au milieu des années 2000. Les 4-4-2 avec deux milieux axiaux – souvent un à vocation défensive et l’autre se projetant davantage – se sont raréfiés, au profit des 4-3-3 et des 4-2-3-1. Une place au milieu de terrain s’est ainsi souvent libérée pour un profil de passeur. Cela a ainsi été le cas de Liverpool qui a associé un milieu destructeur (Mascherano), un créatif (Gerrard) et un passeur (Xabi Alonso).

Par ailleurs, les n°10 comme Zidane, Boban, Ortega ou Rui Costa, dépositaires du jeu dans les années 1990, ont eu de moins en moins de place pour s’exprimer dans l’axe, densifié défensivement. L’émergence des ‹ ‹ Makelele role › ›, placés dans leur zone, a notamment entraîné leur déclin. De fait, la créativité s’est déplacée ailleurs sur le terrain. Sur les ailes, dans l’entrejeu mais aussi devant la défense.

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«Ceux qui orientent le jeu sont plus bas qu’avant, confirme Denoueix. Les sentinelles ne sont plus uniquement des récupérateurs mais également des constructeurs. Si on part du but pour construire, il faut que les joueurs évoluant devant la défense aient une qualité de passe.»

«Les sentinelles d’aujourd’hui ne sont plus des n°6 à l’ancienne, comme Deschamps et Makelele, ajoute Jérémy Clément, qui se considère lui-même comme ‹ ‹ de l’ancien modèle › ›. Maintenant, certains sont moins bons dans la récupération mais ils sont meilleurs dans l’organisation de jeu, l’utilisation du ballon, ils ont plus de capacité à faire jouer les autres.»

Le triomphe du football de possession, prôné par Pep Guardiola et symbolisé par les victoires du FC Barcelone et de l’Espagne sur la scène internationale, a été à la fois un facteur déterminant de cette mutation et sa conséquence directe.

Il en a été de même pour l’apparition durant les années 2000 de meneurs devant la défense (Andrea Pirlo à l’AC Milan ou à la Juve, David Pizarro à la Roma) ou d’organisateurs/régulateurs (Xabi Alonso, Thiago Motta). Même les équipes britanniques, habituées à un style de jeu plus direct, ont intégré ce profil au sein de leur milieu (Michael Carrick à MU, Mikel Arteta à Arsenal).

Le n°6 est ainsi devenu le patron axial de son équipe, son centre de gravité, comme les libéros et les n°10 l’avaient été dans les précédentes décennies. Il est possible de constater la mutation du jeu des sentinelles en observant un contraste : leur nombre de duels livrés est en diminution alors que leur nombre d’interception et de ballons joués augmente.

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La comparaison de certaines statistiques de Konstinos Katsouranis, n°6 de la Grèce en finale de l’Euro 2004, à celles d’Andrea Pirlo, n°5 italien en finale de l’Euro 2012, montre également la dimension offensive prise par certaines sentinelles.

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Un quadruple rôle

Si le périmètre d’action des sentinelles modernes n’a pas sensiblement évolué (il ne s’excentre pas plus que la largeur de la surface de réparation), ses missions se sont multipliées, notamment avec l’importance prise par les phases de transition. Il est possible de diviser ses tâches ainsi :

  • En position défensive : couvrir les incursions des milieux adverses, notamment de son vis-à-vis axial, et prêter main forte à ses défenseurs centraux lorsque la situation l’exige (débordement et centre de l’adversaire par exemple).

Contre la Juve, au Camp Nou, en septembre dernier, Busquets sort sur son vis-à-vis, Pjanic, lorsque celui-ci s’infiltre ballon au pied vers la surface.

  • En transition défensive : intercepter ou stopper les contre-attaques adverses le plus vite possible, si besoin en commettant une faute, parfois loin de son but. La sentinelle doit aussi compenser le placement de ses défenseurs centraux si l’un de ces derniers est monté ou s’est excentré.

Dès la perte du ballon, Busquets anticipe la première passe de relance adverse pour couper l’action et récupérer la possession.

Lors du déplacement à Montpellier, alors que le PSG vient de perdre le ballon, Motta compense le déplacement de Thiago Silva dans le couloir en se positionnant au poste de défenseur central.

  • En transition offensive : choisir la meilleure solution pour construire (contre-attaque ou attaque placée). Pour cela, la sentinelle doit savoir jouer court ou long et posséder une technique élevée. «Je sais que les gens regardaient jouer Sergio et pensaient qu’il ne correspondait pas au style du Barça mais ils se trompaient, assurait Xavi en 2011 dans El Pais en évoquant les qualités de son partenaire. Il apporte beaucoup, c’est lui qui fait la première passe, il joue la tête levée et fait constamment les meilleurs choix.»

Le Barça vient de récupérer le ballon contre le Sporting, Busquets lance aussitôt Messi en profondeur.

Iniesta récupère le ballon contre Séville, remet en retrait vers Busquets qui sert immédiatement Rakitic.

  • En position d’attaque : Offrir des solutions au porteur de balle dès la construction de l’action, participer à la circulation, anticiper les déplacements de ses partenaires. Au Barça, Busquets est le premier créateur de supériorité numérique, offrant sans-cesse des possibilités à ses partenaires.

Servi par Umtiti, Busquets sert directement ses attaquants.

Cette description des missions des sentinelles modernes permet de mettre en lumière les qualités qui les caractérisent désormais : la qualité de passe et l’intelligence de jeu. «Ils anticipent constamment, ce qui est extrêmement important dans la zone qu’ils couvrent, souligne Denoueix. Ces joueurs sont vraiment dans la logique de l’évolution du jeu ; de plus en plus tous les joueurs vont avoir, comme eux, une aptitude à dribbler, éliminer et surtout à avoir une qualité de passe intéressante.» Encore une fois, les sentinelles pourraient avoir eu un temps d’avance sur leurs coéquipiers.