Petit préambule. Bonjour à tous, ça fait un petit moment que j’avais l’idée d’essayer de me remettre à écrire une story, du coup je me lance. Je ne promets rien en terme de rythme/fréquence. Ceux qui me connaissent depuis longtemps savent que j’ai une tendance à laisser de nombreux projets inachevés (mais ça va, je me soigne). Le titre est probablement provisoire, j’ai juste pas d’inspiration. (Egalement, j’ai chié dans la colle en créant le sujet initialement, bref)
Dolores savait qu’elle était en train de rêver. Pas un rêve ordinaire toutefois. Tout était surréaliste, mais sans l’être vraiment. Comme si la réalité s’enchevêtrait avec son subconscient. Il faisait froid. Si froid. Mais ce rêve avait ceci de bizarre que bien qu’étant partiellement lucide, elle était parfaitement incapable d’interagir avec son environnement. Elle se sentait figée, simple spectateur des ramifications chaotiques de son sommeil. Elle se sentait comme en apesanteur, son corps bougeant lentement vers l’arrière. Dolores tenta de se propulser vers l’avant. Sans succès. Elle fût pris de panique pendant un court moment. “Je suis en train de mourir” pensa-t-elle. Elle essaya de bouger, à nouveau. Un doigt, une jambe, juste un orteil, le gros. En vain. “Je passe vers l’au delà”. La panique fit place à un sentiment différent. Presque de la satisfaction. Dolores ne se sentait pas triste, juste défaite. Il lui paraissait inutile de résister la fatalité d’une probable crise cardiaque. Elle vivait probablement une expérience de mort imminente. La possibilité d’une vie après la mort la satisfaisait. “Il y a quelques personnes que j’aimerais tellement revoir”. Ayant accepté sa mortalité et l’imminence de la sentence, elle ferma les yeux et se laissa emporter. Il faisait tellement froid.
Après ce qui lui parut être des heures, elle ouvrit à nouveau les yeux. Son corps n’était plus en mouvement. Elle ne pouvait toujours pas bouger, mais était en position verticale. Devant elle, l’obscurité, le vide. Elle était dans un grand espace vide seulement illuminé par la lueur de la Lune qui passait par une rangée de grandes fenêtres une dizaine de mètres plus haut. L’odeur de la poussière et de la moisissure lui attaqua les narines. Il n’y avait pas un bruit, hormis celui de sa propre respiration qui résonnait de manière presque irréaliste dans le néant d’un espace abandonné. “Le vieil entrepôt Dubois”. L’entrepôt avait été abandonné quelques d’années auparavant lorsque la crise économique a frappé de plein fouet les quelques bastions qui résistaient ce que les politiciens appelaient “le progrès”. “En restant dans une mentalité de l’âge industriel, votre seule issue est l’extinction” disaient-ils. La ville avait énormément souffert à l’époque, de nombreux commerces mirent la clé sous la porte et la zone n’avait plus d’industrielle que le nom et était devenue une véritable zone fantôme. “Mais si je suis en train de mourir, qu’est-ce que je fais ici ? Peut-être bien n’est-ce qu’un rêve”. Et puis inconsciemment, alors qu’elle cherchait désespérément à donner un sens à ce rêve, cette situation, un mot lui vint en tête. “KETAMINE”. Elle perdit connaissance.
Elle dériva dans ce qui semblait vraiment être un rêve, cette fois. Elle revécut certains évènements importants de sa vie. Des souvenirs précieux. Le sourire de sa mère, partie trop tot. Son premier amour, sa première rupture. Toutes ces petites choses qui l’avaient forgée au fil des années. “Ma vie défile devant ces yeux qui ne sont même pas ouverts”. Elle se sentait impuissante, mais en paix. Un souvenir de son père lui apparut, ce qui la surprit. Elle n’avait pas de souvenirs de son père, soit-disant parti acheter des cigarettes un jour, pour ne jamais revenir. Un lâche qui abandonna sa femme et sa fille pour courir après un je-ne-sais-quoi. Dolores pensait à lui parfois et espérait qu’il avait finalement trouvé ce qu’il était parti chercher. Mais elle en doutait. Elle avait tellement de questions pour lui. Sa mère n’avait jamais souhaité y répondre et les années passèrent alors que Dolores rassemblait son courage pour avoir une discussion franche avec sa mère. Puis, elle décéda, subitement, dans un accident de bus. Et toutes ces questions restèrent à jamais sans réponse. “Papa, Papa c’est toi ?”. Il était plutôt charmant, la quarantaine d’années peut-être, des cheveux poivre et sel sur une coupe de type undercut, presque anachronique. Ses yeux étaient rieurs, son sourire franc et amical. Il mit sa main sur son épaule. “Réveille toi, Dolores”. “Papa, pourquoi tu es parti ?” demanda-t-elle. Il ne répondit que par un sourire triste. “Pourquoi, pourquoi ? Tu nous a abandonné” continua-t-elle. Son sourire ne quittait pas son visage. “Réveille toi, Dolores, réveille toi”. Elle se réveilla.
Elle ne pouvait toujours pas bouger, mais était consciente désormais. Elle tenta de regarder à droite, à gauche mais son cou restait rigide. Un homme se tenait face à elle, dans l’obscurité. Il se tenait dans la maigre lueur de la Lune et Dolores ne pouvait distinguer que sa silhouette. “Bonsoir, Dolores” dit-il. Sa voix était douce et chaleureuse. Il devait faire un bon mètre quatre-vingt. Mince, non, athlétique. Il était tout de noir vêtu. Il s’approcha d’elle. Il avait le même visage que son père dans son rêve. “Tu ne peux pas bouger, mais tu peux parler”. Sa voix était tellement tendre.
-“Je vous connais”, commença-t-elle, il sourit.
-“J’ai une certaine réputation”.
-“ La presse a parlé de vous toute la semaine”
-“ Et me voici”
-“Je vais mourir”. Ce n’était pas une question. Juste un simple fait.
-“Oui”. répondit-il tristement
Dolores essaya de bouger, mais comme il l’avait annoncé, elle ne pouvait pas bouger. Elle se tenait à la verticale mais regardait son agresseur de haut. En regardant de côté elle vit que ses bras étaient écartés en signe de croix. Elle devinait du sang coulant depuis ses poignets. En faisant attention elle parvenait même à entendre les gouttelettes de sang résonner sur le sol poussiéreux. En regardant vers le bas, elle réalisa que ses jambes étaient liées ensembles. Du sang semblait s’échapper de ses chevilles. Surprise, mais calme, elle se rendit compte qu’elle était crucifiée, littéralement, et nue.
“Vous allez me violer” annonça-t-elle. Sa voix était calme, trop calme pour une situation où elle était clouée à une croix. Les effets de la drogue, s’imaginait-elle. Il semblait presque offensé de la question. Ses yeux laissèrent brièvement passer une expression d’incrédulité, non, de révolte. L’instant d’après, ses yeux redevinrent rieurs.
“Non”, sourit-il. “Il n’y a aucune composante sexuelle dans …” il hésita un moment, “… ce que je fais”.
"-Religieuse alors ?”
-Oui et non”
-La croix est un symbole fort
-La croix, c’est juste de la dramaturgie, du théâtre. Lorsque la police va retrouver ton corps, Dolores, ils vont passer du temps à s’interroger sur le symbolisme, vont étudier des théories religieuses. La croix ne veut strictement rien dire. Mais j’ai remarqué que tu es catholique, je t’ai laissé ton pendentif”.
Il disait vrai. Entre ses deux seins nus, Dolores devinait son pendentif. Sa grand-mère le lui avait offert pour sa communion. Un simple crucifix en or. Dolores avait fait sa communion comme tous les autres cousins dans la famille, mais elle ne s’était jamais vraiment sentie religieuse, ou proche de Dieu. Elle portait toujours ce pendentif en mémoire de sa grand-mère, décédée peu de temps après. Vous croyez en Dieu ? demanda-t-elle. Un son sortit de sa bouche. Une brève hésitation. Il réfléchissait à sa réponse. Il avait l’air si sérieux, et dans la faible luminosité, avait presque l’air mystique.
“-Je ne crois pas en un ou plusieurs être divins. Mais je crois en la présence d’être biologiques supérieurs”. Un sourire malicieux apparut sur son visage. Dolores ne voulait pas en demander plus, mais elle ne put pas s’en empêcher.
-“Des êtres biologiques supérieurs ?”
-“Aujourd’hui nous sommes capables d’envoyer des fusées sur Mars. Demain nous pourrons y envoyer des hommes. Tous les jours, la technologie spatiale à notre disposition augmente de manière exponentielle. Bientôt le système solaire sera à nous. Dans notre perpétuelle et vaine quête de richesse, nous allons créer des mines sur les Lunes de Saturne et de Jupiter, afin que les hommes les plus riches ne le deviennent encore plus. Et en prévision de la destruction de notre planète, et de notre système solaire au nom du grand Capitalisme, un jour, nous allons explorer d’autres systèmes, d’autres planètes, et coloniser. Et que va t’il se passer lorsque nous allons atterrir sur une planète à des années lumières d’ici, et trouver une forme de vie intelligente mais nettement moins avancée que nous ?
Il attendait une réponse, mais rien ne lui vint. Elle ne put bredouiller qu’un faible, “je ne sais pas”. Il poursuivit
“-Imaginons que cette forme de vie à un niveau technologique équivalent à notre âge de bronze. Ils nous voient arriver dans leur Ciel, un beau jour. Ils n’ont aucun moyen d’imaginer qu’ils sont en train d’assister à l’atterrissage d’un peuple extraterrestre. Pour eux, ils ne voient qu’un chariot volant atterrir dans un bruit assourdissant et une énorme colonne de feu. Puis, nous sortons de notre vaisseau et établissons un premier contact. Non seulement nous ne leur ressemblons en rien, mais en plus de ça, nous portons des combinaisons spatiales. Peut être que cette peuplade, apeurée et agressive décide alors d’envoyer leurs meilleurs guerriers, leurs champions pour nous accueillir. Et nous, nous avons la capacité de les exterminer. N’ayant aucune compréhension concernant les armes à feu, ce peuple va penser, littéralement, que nous avons le pouvoir de tuer à distance d’un seul geste. N’ayant aucune compréhension des ondes radios, il leur semblera juste que nous soyons capable de communication télépathique. Comment penses-tu alors qu’ils nous considèreraient ?”
“-Comme des Dieux”. La réponse était évidente.
-Mais que sommes nous vraiment ?
-Des êtres biologiques supérieurs.
Un large sourire apparut sur son visage. Il semblait vraiment heureux de discuter ses théories farfelues.
“-Attendez, qu’est-ce que ça a à voir avec moi ? Avec cette croix ? “
“-Avec la croix ? Rien. Avec toi, tout. Ces êtres biologiques supérieurs, ils existent. Ils sont parmi nous depuis bien longtemps. Leur pouvoir est illimité, en tout cas pour nous, pour moi. Ils accordent des voeux. En échange, ils ne demandent qu’un sacrifice, un signe de dévotion. Dans le passé, les Mayas organisaient des sacrifices rituels. En échange ils obtinrent un calendrier astronomique d’une extrême précision, l’accès à des technologies pour eux inconnues. D’autres peuples apprirent à communiquer efficacement grâce à l’écriture, ou à construire des pyramides.“
“-Attendez, êtes vous en train de suggérer que les Mayas et les…”
“-Dans leur Bhagavad Gita, livre sacré pour les hindous, ils décrivent ce qu’ils appellent Vimana. Ces vimanas sont simplement des palaces, ou chariots volants dans lesquels se déplacent les Dieux. Partout dans le monde on peut voir des traces d’une ancienne activité extraterrestre.”
“-Mais c’est complètement absurde.”
“-Ca l’était, oui. Jusqu’à ce que j’en rencontre un. J’ai passé un deal. Et ce deal nécessite un sacrifice.”
-Ma vie ?
-La vie de quelqu’un, oui.
-Une fois par an ?
-Chaque fois que je souhaite quelque chose.
-Qu’allez vous obtenir en échange ?
-Du succès, de la richesse probablement.
-Du pouvoir ?
-Pas le genre de pouvoir auquel tu penses, Dolores. Pas un pouvoir politique.
-Vous allez me tuer, parce que vous avez passé un deal avec un être bio… avec un extraterrestre qui demande un sacrifice en échange de succès ?
-Bien sûr, c’est extrêmement simplifié. Mais c’est l’idée oui. Cet être a le pouvoir d’influencer certaines choses. Et j’ai besoin de cette influence.
-Mais pourquoi faire ?
-Pour gagner.
Dolores ne parvint pas à déchiffrer l’expression sur son visage. Il avait parlé de gagner comme si c’était la chose la plus naturelle au monde mais aussi comme s’il avait comme un doute à se sujet. Son regard s’était brusquement déplacé vers sa droite, comme s’il cherchait quelque chose ou quelqu’un.
Elle reprit, “vous avez choisi ma fleur” ? Cette question le rendit heureux. Un large sourire se forma sur son visage. Il chercha dans sa poche et en sortit une orchidée bleue. Séchée, comme les autres.
-Encore une fois, le hasard a bien fait les choses. Bleue, comme tes cheveux. La police va vraiment croire que je t’ai profilé.
-Ce n’est pas le cas ?
-Non. Tu étais au mauvais endroit, au mauvais moment.
Il tenait la fleur d’une manière délicate, presque précieuse.
-La fleur, ça fait partie du sacrifice ?
-Non, juste une touche personnelle. Pour être sincère, j’ai souvent regretté laisser une fleur ainsi. La police n’aurait aucune idée de mes … activités si je ne le leur avait pas mis directement sous le nez. Parfois je me demande si ça n’aurait pas été plus simple.
Dolores était trop fatiguée pour répondre. Au loin, par la fenêtre, les premières lueurs de l’aube apparurent. Elle était heureuse de pouvoir voir le soleil se lever une dernière fois. Pendant un moment, elle voulait continuer de lui parler. Gagner du temps. Peut-être que quelqu’un allait s’apercevoir de son absence, prévenir la police. Mais elle savait que c’était peine perdue. Elle n’était pas la première. Des années qu’il “sacrifie” des jeunes femmes au profit de sa délusion. Elle le regardait dans les yeux. Encore une fois, un triste sourire lui passa sur le visage.
-“Peu importe ce que disent les gens, la presse, je n’éprouve aucun plaisir à faire ce que je fais” se sentit-il obligé de préciser. “La fin justifie les moyens”.
-Dans ce cas, j’espère sincèrement que ma mort vous apporte ce que vous désirez. Ainsi, elle ne sera pas vaine.
-Je dois avouer que c’était un plaisir de discuter avec toi, Dolores. D’habitude c’est … différent.
-Différent comment ?
-Elles crient, elles pleurent, elles négocient pour leurs vies. Elles offrent des faveurs sexuelles. Je te suce la bite en échange de ma vie, ce genre de choses. Tellement triste. Merci pour la conversation, Dolores.
Devant son silence, il ajouta,
-Il me faut en finir, Dolores. J’ai des choses à faire. Je suis vraiment désolé.
-Attendez. Le soleil est en train de se lever. Me laisserez vous une dernière fois le contempler ?
Il s’éloigna d’elle avec un sourire. “Bien sûr”. Comme pour ne pas la déranger, il sortit de son champs de vision. Dolores était triste. Pas devant l’imminence de sa mort. Elle se demandait combien de temps cela allait prendre pour que quelqu’un remarque son absence. Pas de famille proche, pas de relation stable, pas vraiment d’amis non plus. Un travail sur Internet qui ne lui permettait qu’à peine de payer un morceau de viande en fin de mois. Elle se demandait si elle manquerait vraiment à quelqu’un. Il lui restait l’impression d’avoir pratiquement traversé la vie comme on voyage dans un train direct, sans prendre le temps de s’arrêter à diverses stations pour profiter de l’environnement. Elle n’avait jamais voyagé faute de moyens et son vague projet d’économiser pour aller se dorer sur une plage paradisiaque en Asie ne verrait jamais le jour. Au loin, dans l’entrepôt, elle sentit plus qu’elle ne vit une présence. Comme si une aura mystique était venu regarder. Elle chercha son meurtrier du regard. Il devait l’observer car il vint immédiatement face à elle. Il avait un long couteau à la main.
-Je vais souffrir ? demanda-t-elle, pas vraiment inquiète.
-Non, la drogue fait toujours effet. Ca sera vite terminé.
-Je suis prête.
-Je sais.
-Comment vous appelez vous ?
-Joseph.
-Allez-y, Joseph
-Dans une autre vie nous aurions pu être amis.
-Rencontrons nous dans une autre vie, alors. J’esp …
Sa main toucha son visage. Bien que gantée elle ressentit toute la tendresse de cette homme envers elle. Elle n’était pas en colère après lui, comme si elle le comprenait d’une certaine manière. Il lui murmura quelque chose à l’oreille et bien qu’elle devina l’immense mélancolie dans sa voix, elle ne put démêler aucun mor. Elle ne se rendit compte du couteau dans sa poitrine que lorsqu’un flot de sang lui envahit la bouche. Il avait raison, elle ne souffrait pas. Elle ne se sentait pas plus faible qu’elle ne l’était déjà. Juste fatiguée. Et il faisait froid, tellement froid.