*-La transac’ est finalisée ! On les tape !
…
-Ca part derrière la tour numéro 2 ! Individu en fuite, porteur d’un gilet gris, jean bleu et casquette NY rouge portée à l’envers !
*-Position Gui ? *
*-Au pied de la tour 2 a l’angle de la rue! **
Le bruit de respiration et d’essoufflement hachurent un peu la fin des transmissions radio et les rendent difficilement compréhensibles, mais l’habitude de bosser avec les mêmes gars font que nous parvenons à nous comprendre.
La poursuite du dealer va continuer encore quelques minutes. Des minutes où l’ont ne voit plus que le lièvre qui court devant soi. Tout est occulté… Les personnes, l’ambiance, l’environnement, les bruits… Seul les transmissions radios dans l’oreillette vous sortent de ce couloir interminable qui se crée entre le fuyard et vous-même.
*-Direction le parc, tour 3!
Plus la poursuite avance et plus les messages sont courts. La fatigue et la congestion musculaire s’emparent de votre corps. Le goût du sang dans la bouche est désagréable au possible. Les jambes sont lourdes…
-Gui, es-tu seul ou avec des collègues ?
-Seul !
-Ne prend aucun risque ! Tant pis si tu le perds.
-…
-Gui tu as reçu ?
-Affirmatif !
Je peux à désormais sentir mon pouls taper au fond de mes oreilles. J’entends et je ressens chaque battement de mon cœur dans ma tête. Mes jambes sont de plus en plus lourdes et chaque pas me donne l’impression que mes mollets vont exploser.
-Merde !.. Regroupement d’individu !
-Gui barre toi de là maintenant ! Ca fait presque cinq minutes ! Et tu t’enfonces de plus en plus au milieu de la cité ! Arrête toi maintenant ! Donne moi un point de chute et je te récupère en voiture !
-Négatif !.. Je suis tout prêt de lui !.. Demande de renfort !
-Gui, donne moi ta position!.. Gui !? Position !?
-Embuscade ! Embuscade ! Besoin de renfort immédiat ! Six ou sept individus ! Plus un autre avec une arme de poing !
Quelques secondes s’écoulent après mon dernier message, quand deux détonations vinrent fracasser le silence de cathédrale inhabituel de la cité. Comme si tout ici s’était préparé à ce qui vient de se passer.
-Je viens d’essuyer des tirs!.. Feu sur un individu !
Le ton de ma voix n’était plus seulement celui d’une personne essoufflée. Il était aussi désormais celui d’une personne complètement apeurée par ce qui venait de se passer et par l’inconnu de ce qui pouvait arriver… Les oreilles sifflantes dû aux coups de feu, je ne m’entendais plus parler. Je hurle désormais à la radio.
-Je l’ai touché à la tête ! Deuxième individu à terre touché au thorax ! J’ai besoin de renfort sur mon point !
Le « smells like teen spirit » de Nirvana m’extrait de ce cauchemar… Le même qui hante mes nuits depuis quelques années maintenant. Depuis que j’ai tué ces deux jeunes. La légitime défense a retenue et je n’ai donc fait l’objet d’aucune poursuite ni pénale, ni administrative. Il n’en reste pas moins que les séquelles psychologiques seront gravés en moi à vie. Aucun homme n’est prêt à tirer sur un être humain.
Le métier de policier ne m’était pas destiné à la base. Il est juste le fruit du je-m’en-foutisme que j’avais pour l’école en étant plus jeune. Après avoir raté mon baccalauréat économique et sociale je me suis fais embauché dans une entreprise du bâtiment et j’ai compris très vite que j’aurai mieux fait de bosser à l’école. J’ai saisi là tout le sens de la phrase que tant de parents rabâchent à leur enfant, « travaille à l’école ! »
Le bâtiment n’ était clairement pas fait pour moi et j’ai donc décidé de prendre une nouvelle orientation professionnelle. Mais sans aucun diplôme, difficile de s’ouvrir les portes d’un métier comme agent immobilier que j’ai longtemps espéré pratiquer. Après de nombreux refus j’ai donc tenté le concours de la police. Je cherchais surtout un salaire un peu plus « décent » malgré que ce n’était pas faramineux non plus et la sécurité de l’emploi. Je l’ai donc réussi et très vite j’ai été pris de passion pour ce boulot, si ingrat, que tout le monde aime à détester. Un jour vous êtes un héros, le lendemain les gens déversent leur haine sur vous, on vous jette des pierres, on vous crache dessus en vous insultant de toutes les insultes possibles. C 'est dingue d’ailleurs ce que l’homme peut-être créatif dans ce domaine. Le policier doit-être intègre, impartial, doit garder son calme et son sang-froid durant chaque situation et en même temps il doit se montrer à l’écoute de la population et ferme dans certains cas. C’est un métier où il faut être comportementalement polyvalent. Ce métier est complexe, bien plus que ce qu’on peut voir à la télévision… Il ne s’agit pas de courir derrière les méchants, se battre, interpeller ou tirer sur quelqu’un et rentrer chez soi le soir comme s’y de rien était.
Je l’ai appris à mes dépens. Depuis cette fin d’après-midi automnale en région parisienne où j’ai du « dégainer » pour me sortir d’une situation où ma vie était menacée… J’ai enlevé la vie à deux jeunes. Ce qui est bizarre c’est que ces jeunes voulaient ma peau et s ils étaient à ma place à l’heure actuelle, il ne se poseraient pas autant de questions…Il jubileraient en faisant mention dans leur C.V d’avoir buté un flic, comme ils aiment le dire. Pourtant je sais bien que c’était ma vie ou la leur… Mais rien n’y fait, ce cauchemar continue de me poursuivre. J’ai déjà vu plusieurs psychologues, discutaient des heures avec des spécialistes, mais je ne m’enlève pas cette scène de la tête.
Après cet épisode j’ai pris du recul avec ce métier. Une année sabbatique, histoire de me changer les idées. J’en ai profiter pour continuer ma formation d’entraineur, que j’ai débuter il y a plusieurs années en arrière. J’ en ai donc profité pour passer le reste de mes diplômes. J’ai finis par obtenir mon diplôme d’ état au cours de cette fameuse année durant laquelle j’ai fait des superbes rencontres notamment avec Yuri Djorkaeff. Un mec en or, une personnalité comme on en rencontre peu de nos jours. Abordable, respectueux, humble… J’ai fait connaissance avec Michel Platini qui est lorrain de naissance comme je le suis aussi. Finissant major de ma promo, plusieurs personnalités du football français se sont intéressés à moi. Pour me connaitre ou simplement discuter de ma vision du football. Aimé Jacquet, Noel le Graet, Sylvain Rippol, Frederic Antonnetti, Claude Puel, Leonardo Jardim par exemple. J’ai pu échanger longtemps avec un des pères fondateurs de la périodisation tactique, Vitor Frade lors d’un stage que j’ai effectué à mon initiative au Portugal. Et surtout j’ai pu converser avec mon mentor, Andre Villas-Boas. C’est pour moi le prototype parfait du coach moderne. J’aime sa vision du foot, sa philosophie tactique, sa gestion de groupe, son mode de préparation de match, son charisme, sa façon de diriger sur un banc de touche, sa manière d’évoluer et de se tenir dans sa zone technique… C’est pour moi un coach parfait qui a été victime de son succès en le connaissant tout de suite…
Après l’obtention de mon diplôme j’ai fini par trouver un poste d’adjoint et de coach d’une équipe de moins de 19 ans dans un club de Régional 1. Pas loin de la région messine. Poste que j’occupe encore aujourd’hui. J’ai donc quitté définitivement la police afin de m’aider à tourner la page. Je ne gagne pas des masses mais je vis de ce que j’aime. Loin du tumulte que j’ai pu connaitre auparavant. En parallèle je suis coach sportif pour une salle de sport où j’interviens à plusieurs reprises dans la semaine pour donner des cours. Je mène une petite vie plutôt tranquille. Enfin presque…
Après avoir écouté la totalité de mon réveil, je finis par mettre un pied hors du lit, puis l’autre. Le simple fait de me mettre assis dans le lit me demande un effort surhumain… Les lendemains de cuite sont souvent compliqués. Encore plus à trente ans. Malheureusement c’est devenu une habitude pour moi depuis quelques temps mais je sais parfaitement comment gérer la gueule de bois. Café toute la matinée et un bon Macdo à midi. En général la mal de tête commence à passer vers seize heures. En faite j’ai du mal à accepter mon divorce. J’ai étais marié un an à une femme d’origine algérienne. A vrai dire tout est de ma faute, je l’ai trompé avec une femme que j’avais rencontré dans un bar à un moment où notre relation battait un peu de l’aile. Elle s’en est alors aperçu et est partie. Aujourd’hui pas un jour ne s’écoule sans que je regrette ce geste. Ma femme enfin mon ex-femme me manque, je l’aime toujours et je l’aimerai éternellement. Et c’est aussi pour elle que j’ai décide depuis quelques temps de passer le reste de mes diplômes d’entraineur professionnel de football, avec un seul but en tête, celui de devenir un jour le sélectionneur des fennecs de l’équipe d’ Algérie pour remporter une Coupe d’Afrique des Nations et une coupe du monde. Car c’était son rêve à elle, pouvoir voir son pays triomphait sur la scène internationale. Elle n’aimait pas spécialement le football mais elle aimait suivre les grands évènements avec attention. Elle faisait la fête à chaque victoire des algériens et j’aimais la voir dans cet état. Son rêve est devenu mon objectif. Ma seule façon de me faire pardonner en quelque sorte, car elle ne veut plus rien savoir de moi, et l’unique moyen de lui dire que je pense encore à elle, que je l’aime et que ce triomphe je l’ai fait avant tout pour elle. Je me donnerai les moyens d’y parvenir en travaillant dure. Le chemin sera long et semé d’embuche, j’en suis conscient. C’est pour ça que je me suis aussi rapproché, ces derniers temps, de certaines figures emblématiques françaises du football africain. Hervé Renard, Claude le Roy, Alain Giresse, Jacques Santini, Sébastien Desabre,Nicolas Dupuis. J’ai effectué plusieurs stages à leur coté au cours des rassemblements de leur équipe nationale respective. Pour me faire connaitre dans le milieu du foot africain et voir si un projet pouvait m’être proposé. Car en tant que parfait inconnu il est très difficile de mettre un pied dans ce cercle si fermé qu’est le football…
Comme chaque lendemain de cuite, mon premier café est ultra corsé. Histoire de me réveiller et de me remettre les idées en place. Comme tous les matins je m’affale sur le canapé ma tasse à la main droite devant la télé et les infos sportives. Liverpool et Totthenam s’affrontent dans deux jours en finale de la ligue des champions, les dernières infos concernant la CAN , la finale de NBA, les news concernant le prochain grand prix de Formule 1 et comme d’habitude une petite page d’une dizaine de secondes consacré au golf. Sur la table du salon mon téléphone m’extirpe de mon écran. C’est Yuri justement. Nous sommes restés en contact notamment du fait de mon voyage en Arménie durant mon diplôme d’état. Yuri à des racines arméniennes et il a su me guider afin que je ne débarque pas en terre inconnue. Au fil du temps on s’appel, on échange des sms, on mange ensemble quand il est de passage.
-Salut Guillaume comment vas-tu ? Je suis actuellement au States pour les finales NBA, c’est un vrai régal ! Je rentre dans une semaine, il faut qu’on se voit j’aimerai te parler de quelque chose. Un petit dossier qui est brulant. On se dit mardi prochain au même endroit que d’habitude ? Pour 20h si ca te va ? J’attends ta confirmation. A +.
Je lui réponds bien évidement par l’affirmatif. J’ai hâte de savoir ce qu’il a à me dire.
La semaine passe sans que rien d’ exceptionnel ne se passe… Deux cuites de plus uniquement à mettre à mon actif. Heureusement, je suis assez sportif et je tiens la ligne grâce à mes activités que je pratique. Sans ça, je perdrai sans doute ma crédibilité auprès de mes clients que je coache la semaine.
Il est vingt heure quand j’arrive à la Citadelle, un restaurant reconnu dans l’agglomération messine. Yuri, lui est la depuis une vingtaine de minutes d’après ses dires. Il a une chambre dans l’hôtel situé juste au dessus. Nous nous asseyons et commandons une bouteille de vin blanc moelleux. Pendant la dégustation nous échangeons surtout sur nos vies personnelles. Mon divorce revient inéluctablement sur la table. Yuri est aussi passé par là et connaître son expérience me rassure à chaque fois. Quelques anecdotes sur le mondial 98 et sur l’euro 2000, et sur les finales NBA. Nous passons désormais au plat, pour moi c’est un dos de cabillaud gratiné au vieux parmesan et Yuri commande une poêlée de scampis.
-Ecoute Guillaume, je te connais depuis quelques temps. Je connais ton parcours durant le diplôme d’état je t’y ai encadré. Tu as fini major de promo et ce n’est pas anodin. On a longtemps conversé sur le football. Et j’aime ta vision de ce sport, j’aime ta manière de faire, tes idéologies. Les retours que j’ai eu lors de tes passages en stage sont tous positifs. Tu es volontaire, professionnel, perspicace… Bref je ne suis pas ici pour faire la liste des qualités que je trouve professionnellement parlant. Je suis ici pour te proposer un projet. J’ai racheté des parts dans le club de Kaiserslautern. Comme tu le sais j’y ai évolué et là-bas je jouis encore d’une certaine notoriété. Le président est un vieil ami et m’a chargé de chercher un entraineur dynamique, jeune et avec de nouvelles idées. Le club ne cesse de dégringoler depuis des années. Financièrement ce n’est pas l’ Amérique et sportivement c’est catastrophique… Le club à chuté en troisième division il y a un an et a terminé à une piteuse neuvième place la saison dernière alors que l’objectif était de remonter en deuxième division. Je veux que tu deviennes le coach du FCK. Je sais que tu as les capacités pour réussir dans ce club. En plus le président semble avoir appris de ses erreurs et veut stabiliser le club avant de viser à nouveau la montée. Tu auras le temps de prendre tes marques et de faire évoluer ton équipe comme tu le souhaites. Je ne peux pas te donner un plan chronologique mais cette saison sera une année de transition pour le club. Beaucoup de jeunes ont été promus car les finances ne sont pas au top. Qu’ est-ce que tu en dis ? Ca ne se refuse pas ? Un stade de 50.000 places et une ambiance de folie. Un blason à redorer et du temps pour bosser !
Mon cœur s’accéléra au fil du monologue de Yuri… Je peux ressentir les mêmes sensations que lorsque que je courais derrière ce dealer, mon pouls au fond de mes oreilles, chaque battement de mon cœur à l’intérieur de moi… D’abord pris de panique du fait de ressentir ces mêmes sensations, je me ressaisis tant bien que mal et réalise l’opportunité qui s’offre à moi.
-Wouahh… Je dois dire que je ne m’attendais pas du tout à ça… Je reste sans voix. Je ne sais pas quoi te dire… Dois-je te remercier ou… Wouahhh… Bien évidement c’est une occasion qui ne se refuse pas. Le FC Kaiserslautern est un grand club qui a perdu son aura depuis des années. En même temps ça me fait un peu flipper… Je n’ai même pas encore commencé mes équivalences UEFA pour mes diplômes… Et… Enfin… Oui, bien sûre que ça me branche ! En Allemagne en plus, le pays footballistique qui me plait le plus…
C’est à ce moment précis que me vint aussi en tête le rêve de mon ex-femme. C’est pour moi l’opportunité de me lancer dans le monde professionnel et pouvoir aqcuérir une réputation en vue de devenir un jour sélectionneur des fennecs.
Yuri et moi concluons notre accord d’une poignet de main et finalisons les détails pour nous rendre au plus à Kaiserslautern pour y rencontrer le Président, lui parler de mon projet de jeu et du plan que je vais établir pour remanier l’équipe et la ramener au plus vite là où elle doit-être.
Rendez-vous est pris pour samedi. Ca me laisse un peu de temps pour mieux connaitre l’effectif et le staff, et de prendre tous les renseignements que Yuri me transmet.
Samedi est là, jamais trois jours ne m’ont paru passé aussi vite. Nous sommes à l’aéroport du Luxembourg et nous embarquons à cet instant même vers ma nouvelle destinée.