C’est avec cette longue banderole et des dizaines de fumigènes que les fans du PAC Omonia 1948 avaient accueilli les joueurs pour le tout premier entraînement de l’histoire de ce club.
Il a été créé par des supporters historiques de l’AC Omonia, en guerre contre la vente de leur club de cœur avec la volonté de renouer avec ses racines sociales et perpétuer son histoire. A l’issue de sa première saison, le club accède déjà à l’échelon supérieur, le 3e niveau du football chypriote et ne compte pas s’arrêter là.
« Nous sommes un nouveau club mais avec des racines très anciennes, né parmi ceux qui sont orphelins de leur équipe de football, un club dont l’équipe de football n’aura pas de fans mais dont les fans auront une équipe de football. » Le communiqué annonçant la création du club est clair. L’Athletic Club du Peuple Omonia 1948 (Aθλητικό Λαϊκό Σωματείο Ομόνοια 1948 / PAC Omonia 1948) n’a pas été créé sur une page blanche et compte bien perpétuer l’histoire de l’AC Omonia, aujourd’hui entre les mains d’un homme d’affaire.
« Nous sommes convaincus que nous ne sommes pas séparés du club. En fait, c’est la section football qui s’est séparée du club omnisports. Nous continuons l’histoire du football à Omonia en créant notre nouveau club, car nous n’avions plus d’équipes à soutenir. Notre slogan principal est “Nous ne commençons pas, nous continuons”, car selon nous, le nouveau club porte les valeurs des fondateurs de 1948 . »
Mais pour comprendre d’où vient le PAC Omonia, il faut repartir des origines : l’AC Omonia. Le club naît en juin 1948. Une année de lutte féroce de la classe ouvrière chypriote contre le gouvernement colonial britannique, avec la grande grève des mineurs de la Cyprus Mining Company. Les 4300 mineurs menèrent une grève héroïque de 266 jours pour l’amélioration de leurs conditions de travail, affrontant les balles de la police coloniale et les manœuvres du syndicat pour briser la grève.
A Nicosie, supporter Omonia ou APOEL ne relève pas du hasard. C’est un engagement politique. L’Omonia AC, qui arbore le trèfle de l’espoir comme emblème, est vite devenu un des clubs les plus populaires. Ses liens avec AKEL (le parti communiste) sont de notoriété publique.
Créé en 1992, le groupe ultra de la Gate 9 s’est affirmé comme le garant de cette identité sociale et antifasciste forte, au fur et à mesure que la direction du club s’en éloignait.
L’ultime coup de couteau dans l’histoire de l’AC Omonia est la vente du club. Au bord de la faillite et sur le point d’être sanctionné par l’UEFA, la direction du club sort de sa poche un « sauveur », en la personne de Stavros Papastavrou, un homme d’affaire chypriote vivant aux États-Unis.
La goutte d’eau pour la Gate 9 , et le signe que le club allait définitivement prendre une direction opposée à son histoire. Le groupe ultra qui arbore fièrement une bâche « Against modern football » voit ses couleurs en devenir l’antithèse. L’idée d’un nouveau club n’est pas apparue du jour au lendemain. Elle était déjà dans quelques têtes au sein de la Gate 9 . Pour sauver leur club historique, les partisans de la Gate 9 ont mis sur pied une nouvelle structure sans disposer de moyens. Une rupture qui n’a pas été si simple. «
Quiconque prétend ne pas avoir souffert est un menteur. Ce que nous disons, c’est que cette nouvelle société n’a rien à voir avec notre équipe, même si elle en porte toujours les insignes car certains ont vendu notre emblème à une société de la pire espèce, en propriété exclusive. La tribune où nous chantions il y a cinq mois est maintenant vide. On se sent comme si on s’était faits virer de chez nous. Et en même temps, il y a de la joie pour ce nouveau départ. Nous avons donné, espérons-le, un nouveau “chez soi” à de nombreux supporters qui se sentaient comme “sans-abri” après la vente du club . »
Même si le PAC Omonia 1948 allait partir de la division la plus basse, le club a eu toutes les peines pour obtenir son accréditation et trouver un terrain. « Orpheas Nicosie , un club de gauche, nous a prêté son terrain pour notre premier entraînement et nous avons réussi à trouver un terrain pour disputer nos matches à domicile à Thoi, dans la région de Lakatamia à Nicosie ». Cette première séance d’entraînement est l’occasion pour les footballeurs de l’équipe de se rendre compte du soutien considérable dont le PAC Omonia jouit déjà. Une anomalie pour un club si petit, mais une garantie pour l’avenir du club.
Malgré un tout petit budget, le club a réussi à attirer des footballeurs professionnels. Dès sa première saison, le club a rempli son objectif d’être parmi les quatre équipes accédant à la 3e division.
La prochaine étape est la création d’une académie de football pour les plus jeunes. Fidèle à ses valeurs, le club se montre actif sur le plan social, en soutenant par exemple la grève des enseignants ou encore en organisant une collecte de fonds pour les victimes des incendies meurtriers de l’Attique.
Le PAC Omonia 1948 entend prouver qu’on peut se professionnaliser sans céder aux sirènes du football moderne. Pour cela, il compte bien gravir rapidement les échelons jusqu’à l’élite. Et pouvoir mettre, sur le terrain, l’Omonia de Papastavrou en déroute !