Un avant-goût du CSKA…
« Je compte bien vous laisser carte blanche pour le recrutement des étrangers, mais n’oubliez pas que le club a toujours eu pour philosophie de privilégier les joueurs russes…
— Pas comme le Zenit, Monsieur le président. »
Un silence pesant, assourdissant, remplit la pièce de longues secondes. Les yeux du président ne quittent pas les miens. Cela s’éternise, plus que je l’aurais voulu. J’ai envie d’avaler ma salive mais je n’ose pas. Je crois que j’ai touché une corde sensible qu’il est préférable d’éviter à l’avenir.
« Je disais donc, reprend le président, que vous devrez respecter la philosophie du club qui s’est toujours appuyé sur la formation. C’est d’autant plus important que c’est devenu une denrée rare dans notre grand et beau pays. Cependant, pour faire un pied-de-nez aux racistes parmi les supporters, je vous encourage fortement à engager des joueurs qu’ils prennent comme bouc-émissaire de leur misérable vie : les musulmans, les juifs, les Asiatiques, les Africains…
— Je connais bien l’Afrique vous savez, j’ai entraîné en Afrique du Sud et j’ai un lien privilégié…
— Ne venez pas me dire que vous allez faire venir un Afrikaner ici ! Je n’ai rien contre eux, mais comme symbole de racisme, on ne fait pas mieux. Bon, contrairement à ces crétins, nous savons tous deux que le fait d’être Afrikaner ne fait pas de quelqu’un un raciste, comme être allemand ne fait pas de quelqu’un un nazi…
— Ou être russe ne fait pas de quelqu’un un communisss… »
De nouveau, le silence se fait… Je crois qu’il serait préférable de surveiller ce que je dis, je ne suis plus aux États-Unis où il est permis, voire encouragé, de parler à tort et à travers. Ici, je dois faire attention à ce que je dis. Fini de se comporter comme Trump et de dire tout haut tout ce qui me passe par la tête.
« Dites Beaubien, vos petites réflexions, gardez-les pour vous. Si les communistes dominaient encore la Russie, vous auriez déjà un aller simple pour la Sibérie et le goulag. Non, c’est révolu ce temps-là, aujourd’hui on cible et empoisonne, c’est plus simple. »
On frappe à la porte. C’est la charmante secrétaire du président qui apporte notre café.
« Un peu de lait, mon cher ami ? me demande le président.
— Euhh… Non merci, je le prends noir, répondis-je, taraudé par un affreux doute tout à coup.